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Rencontre avec Jérôme Henry, directeur du réseau des particuliers au Crédit Coopératif

Claire Sejournet
Claire Sejournet
Mis à jour le 25 février 2021
« Je suis intimement convaincu que l’on peut créer une autre économie, ou du moins regrouper une économie alternative diffuse, qui existe déjà, pour en faire quelque chose de plus fort. Cette économie est très attendue et elle est créatrice de beaucoup de richesses, autre que la richesse financière. Toutes les structures existent, ce qui manque, c’est leur fédération, qui doit se faire au niveau local et régional. » Mais qui parle ainsi ? Rencontre avec un convaincu de l’économie humaine.

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Qu’est-ce que l’épargne solidaire ?

L’épargne solidaire, c’est un produit bancaire qui permet à chacun de faire vivre sa solidarité au quotidien, d’exercer son envie de solidarité. Par exemple, nous avons au Crédit Coopératif une carte bleue, avec laquelle, pour chaque retrait effectué, la banque verse 6 cents à l’association qu’a choisie le client qui la détient. Nous proposons aussi un livret dont le client accepte de ne garder que la moitié de ses intérêts. En acceptant que le produit soit moins rémunéré, on permet à des organismes solidaires de faire des prêts à des chômeurs créant leur entreprises par exemple

Qui sont vos clients ?

Cela fait 25 ans que l’épargne solidaire existe, et l’évolution est impressionnante. Il y a eu trois périodes bien distinctes. Au début, nos clients étaient principalement des donateurs d’associations, plus de 60 ans, soutenant ces méta-associations qui sont presque des entreprises. 90% des acheteurs dans les années 1985-1990 étaient des hommes, et dans 90% des cas, ils soutenaient des associations tournées vers l’aide internationale. En gros, on s’achetait une bonne conscience. Nous avons connu un grand creux en 1995. Aujourd'hui, les gens achètent ces produits bancaires car ils veulent exprimer leur solidarité au quotidien : ils veulent des associations de taille moyenne, plutôt tourné vers l’environnement. 90% de nos acheteurs aujourd'hui sont des femmes, et elles soutiennent des associations tournées vers la seconde chance, la relocalisation, la nourriture santé, la maison santé et l’emploi.

Pour vous, cela montre que les femmes ont une autre vision de la société ?

Oui, sans aucun doute. Elles sont beaucoup plus pragmatiques. Les acheteurs hommes sont beaucoup plus attentifs à l’image et au rayonnement extérieur de leur geste, c'est-à-dire l’image qu’ils donnent d’eux-mêmes aux autres. Un acheteur femme n’a rien à voir. Prenons l’exemple du packaging, pour une femme, il faudra expliquer clairement tout le contenu de produit, alors que pour un homme, il faudra surtout que ça brille…Aujourd'hui, il y a un vrai glissement de la société vers le matriarcal. Il y a donc un changement d’achat, car la femme est plus sur l’être et moins sur l’avoir.

Qu’est-ce que l’économie humaine pour vous ?

Je trouve que l’économie actuelle est tellement inhumaine, que l’opposé de ça, c’est « humain ». Il vaut voir l’économie humaine comme un ensemble de phares que l’on propose sur le littoral des gens : aucun phare n’est plus important qu’un autre, mais il faut qu’ils existent tous. Le premier phare, c’est une économie relocalisée, le deuxième, une économie protectrice de l’homme et de la nature, et le troisième, une économie de la connaissance.

Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par l’importance de la relocalisation ?

Il ne s’agit pas de lutter contre la mondialisation, il s’agit d’avoir une économie relocalisée. Cela veut dire que, naturellement, l’économie va se replacer là où les gens habitent, c'est-à-dire autour des villages, des petites villes. Mais plus rien n’est prêt : il n’y a plus de petites entreprises, le tissu industriel est catastrophique en France. Relocaliser, ça implique de repenser les transports, de s’interroger sur l’alimentaire, c'est-à-dire comment recréer les ceintures alimentaires des villes, sur l’enseignement, c'est-à-dire redonner vie aux écoles des villages ou des petites villes qui permettent des initiatives bien plus concrètes comme un jardin bio, découverte faune, flore, visite chez un artisan… , etc., etc. Il faut revenir au local pour le local, cette économie localisée laisse sa chance à toutes les bonnes idées. En plus, ce sont autant d’emplois nouveaux à créer.

Et une économie protectrice de l’homme et de la planète ?

Il me paraît évident qu’il y a au cœur de cette économie l’économie du recyclage. C’est l’économie de récupération, de transformation, de recomposition. Au Danemark, il y a des pôles d’entreprises qui dépendent les unes des autres pour leur propre production : les déchets produits par une entreprise sont utiles à une autre pour sa production. Quand en France on créé des pôles de compétence qui regroupe des entreprises sur le même thème, sans forcément se poser la question des complémentarités énergétiques. Ca oblige à faire circuler pas mal de camions entre toutes les zones avec des impacts CO². Je ne dis pas que c’est moins bien ou mieux mais que dans le Nord de l’Europe, l’économie circulaire fondée sur des échanges courts entre les entreprises semble apporter du mieux vivre aux salariés et à la Planète !

Quant à l’économie de la connaissance ?

On a été au bout du bout de l’économie de l’information. En marketing, on ne sait plus comment faire du buzz autour d’un produit. L’économie de la connaissance, c’est donner de l’information de telle façon que vous puissiez comprendre, avoir un point de vue et devenir acteur de votre achat. Un consomm’acteur, en somme. Comme le dit le slogan de France 5, « Faisons connaissance ». On s’enrichit par la diversité.

Claire Sejournet

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