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Le cradle to cradle : recycler ou récupérer à l'infini

cradle to cradle t-shirt compost
Composter son T-shirt ? C'est l'avenir avec le Cradle to cradle
Marie Eloy
Marie Eloy
Mis à jour le 25 février 2021
Le Cradle to Cradle ? Il s'agit de calquer son mode de vie sur celui de la nature et en respect avec elle. Plus de pollution ni de dépenses inutiles. Christine Guinebretière, experte en éco-innovation et co-fondatrice d’Integral Vision qui accompagne les entreprises dans ce changement, nous y initie.

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Signifiant littéralement "du berceau au berceau", cette façon révolutionnaire de consommer, encore peu répandue en France, nous permettra, au quotidien, de faire le choix conscient d’un environnement sain, moderne et sans déchets. À nous de le réclamer !

Le Cradle to Cradle, également appelé C2C, est un terme encore peu connu en France. Il s’agit de penser notre système économique différemment en le calquant sur celui de la nature ?

Exactement. La nature émerge au printemps, devient magnifique en été, puis tout cela fane, meurt et retombe sur le sol. Quand on observe ce cycle naturel, on ne peut imaginer les arbres, les fleurs et les fruits produire des déchets. C’est tout simplement la fin d’un cycle. Le sol est nourri de ce qui a fané et n’a pas servi. Cela va ensuite se régénérer pour resservir au printemps. 

Lorsque l’être humain a commencé à produire, il a oublié d’intégrer cette donnée-là. Il a commencé par utiliser la nature pour son propre bénéfice puis s’en est totalement séparé au point de l’utiliser pour en faire un déchet après usage… Au nom du progrès et de la consommation, les matières utilisées sont alors perdues à jamais - elles terminent souvent dans des décharges ou sont brulées - tout en étant dangereuses pour la santé et la nature.

Le Cradle to Cradle, c’est concevoir et consommer en pensant au recyclage à l’infini de ce qui ne peut plus être utilisé ?

Oui ! Après leur usage, soit les produits seront prévus pour être compostés comme des vêtements en fibres naturelles ou des emballages, c’est le cycle biologique. Soit, les matières seront récupérées après usage pour être réutilisées dans la fabrication d’un nouvel objet, c’est le cycle technique. Ainsi nous aurions deux poubelles dans nos maisons : une pour le compostage où l’on mettrait aussi les déchets alimentaires et une pour toutes les autres matières dites "techniques" - en dehors du verre bien sûr. 

Dans un monde idéal où tout fonctionnerait déjà en Cradle to Cradle, il n’existerait plus de produits toxiques ?

Les produits créés ne seraient dangereux ni pour la santé ni pour l’environnement. Pour commencer, il n’y aurait plus toutes ces allergies. Aujourd’hui, tout ce qu’on porte contient des produits dangereux. Les teintures sont toxiques. Les métaux lourds sont présents dans les couleurs. Tout cela intoxique les cellules superficielles de la peau. 

En Europe, 40% des nourrissons naissent avec des allergies, tant leurs mamans ont ingurgité et respiré de produits toxiques qui s’accumulent dans leur organisme. Une fois qu’on a fait attention à ce qu’on mange grâce aux produits bio, on peut passer à l’étape suivante et regarder ce qu’on porte comme vêtement, ce que l’on met en contact avec la peau…. 

Qu’est-ce qu’on respire ? Qu’est-ce qu’on touche ? Qu’est ce qui se passe quand je transpire ? Les chaussures noires contiennent du chrome qui permet de fabriquer ce noir. Moi, par exemple, je dois alterner la couleur de mes collants, les noirs provoquant des allergies sur mes jambes… Quant à ce qui sent bon le neuf… Ce sont en réalité "des composants organiques volatils" qui peuvent nuire à notre santé ! Savez-vous que l’air à l’intérieur de nos maisons, des crèches, des écoles, des lieux de travail est huit fois plus pollué que l’air extérieur ?

Pour permettre ce recyclage à l’image de la nature, cela implique également de changer sa conception de la propriété ? On n’achète plus un bien mais on loue le service de ce bien jusqu’à son retour au fabricant ?

Oui, c’est le système Autolib’Vélib’ (location de voitures et de vélos à Paris, ndlr). On va vers une société qui s’intéresse aux services, à l’usage des biens plutôt qu’à la propriété en elle-même. Culturellement, nous devons collectivement apprendre à lâcher prise sur la possession des biens. 

Le Cradle to Cradle, c’est une nouvelle culture de partage où l’on choisit en conscience ses produits de consommation, que ce soient nourriture ou produits de la vie courante, de la meilleure qualité possible - sans produits toxiques néfastes pour la santé et l’environnement - avec un usage qui peut être pour soi ou partagé et, en sachant que, dans tous les cas, la matière ne sera pas perdue. 

La conscience que je mets aujourd’hui en me nourrissant, en choisissant des aliments bio (et en plus je suis végétarienne), il faut maintenant l’étendre aux biens de consommation. Est-ce que le produit que je choisis et j’achète va engendrer de la toxicité sur ma peau et sur mon environnement ? Va-t-il nécessiter des conditions de travail atroces à l’autre bout de la planète de femmes et d’enfants pour que moi je puisse être à la mode ? Ce n’est juste plus possible. 

Si je commence à prendre conscience de mon impact sur la planète et les humains, via les produits que j’achète, je vais être exigeant auprès des entreprises afin qu’elles m’offrent les produits qui correspondent à mes nouveaux critères. C’est un changement culturel.

Le C2C existe-il concrètement en France?

Cela existe déjà dans les grandes entreprises. Par exemple, les moquettes Desso sont posées dans les sociétés puis récupérées par le fabricant en fin d’usage afin de recréer des moquettes et des sous-couches de moquettes quasiment à l’infini. Cela fonctionne également avec du linoléum ou des chaises de bureau. 

Pour le grand public, Puma a mis sur les marchés américain et allemand, une collection de vêtements InCycle qui, en fin de vie, peuvent être compostés dans le jardin ou rapportés au magasin. On peut imaginer ce fonctionnement pour tous les vêtements de demain. Ils pourraient être rapportés au magasin afin de récupérer la matière et, en échange, le consommateur obtiendrait des points sur une carte de fidélité. 

La démarche serait la même pour tous les objets du quotidien. Par exemple, pour les voitures ou les fours, on pourrait les rapporter au bout d’un certain temps. 

Avec le Cradle to Cradle, on préfère récupérer plus rapidement la matière afin que que les consommateurs puissent se rééquiper et bénéficier des toutes dernières technologies, notamment tout ce qui concerne la consommation d’énergie.

Le Cradle to Cradle n’est donc pas synonyme de restriction?

C’est même tout le contraire. Ce n’est pas un modèle de décroissance où je vais garder mon frigo vingt ans au lieu de dix, et malheureusement il va utiliser deux fois plus d’énergie, sans parler des produits toxiques qui en sortent. Au contraire, je vais faire en sorte que mon objet soit récupéré tout en obtenant un avantage !

Concrètement, dans un monde Cradle to Cradle, à quoi ressemble ma vie au quotidien ?

Ma maison fonctionne comme un arbre. Son air pur me permet de vivre dans un espace sain. Tout ce qui m’entoure a un impact positif sur ma santé et celle de ma famille. Après avoir pris mon petit déjeuner, j’ai deux poubelles très faciles à utiliser dans ma cuisine. Je trie d’un côté les produits de cycle technique. Et de l’autre, tout ce qui est organique, compostable. Eventuellement le verre à part, mais c’est tout. 

Je pars travailler dans ma voiture à l’intérieur sain, louée pour une heure, une journée ou à l’année. Ma voiture électrique sera rechargée à l’énergie renouvelable, celle de ma maison obtenue grâce à mes panneaux solaires et à ma petite éolienne. Ma maison recycle également l’eau. L’eau usée des douches, des toilettes, des machines est entièrement recyclée grâce à des plantes. 

Ma maison peut être entièrement démontable. Elle vit à l’image de la nature. Tout est conçu pour ne pas polluer et même à l’inverse, pour produire un air sain et régénérer la terre autour de moi. Si mon magasin, mon immeuble prend de l’espace sur la terre, je redonne du terrain sur le toit, offrant ainsi des potagers et des jardins de fleurs. Cela va servir à purifier l’air intérieur et à produire des aliments pour les personnes de l’immeuble. Il existe déjà des maisons et des immeubles qui sont construits sur ce modèle en Hollande et en Californie.

Cela paraît idyllique et tellement logique. Pourquoi a-t-on l’impression que le Cradle to Cradle peine à décoller en France ?

Aujourd’hui, les chefs d’entreprise craignent que tout produit certifié C2C ne mette en lumière la toxicité des autres produits. Par exemple, si dans le rayon "collants", on trouve des collants non-toxiques pour la peau, on va réaliser que les autres le sont. Les entreprises ont peur des réactions des associations de consommateurs.

En Californie, la mentalité est différente, ils ont envie d’essayer ce qui est nouveau. En France, toutefois, une nouvelle génération est en train d’émerger et je pense que les femmes peuvent changer les choses. Les femmes arrivent souvent à cette conscience par le biais du développement personnel ou lorsqu’elles réalisent que leur façon de consommer a un impact sur leur santé et celle de leurs enfants. À la naissance d’un enfant, elles retrouvent souvent ce lien avec la nature. 

Les femmes ont-elles un vrai rôle à jouer dans cette prise de conscience ?

Pour moi, elles jouent un rôle prépondérant. Quasiment 100% des entreprises qui ont commencé à partir dans le Cradle to Cradle, l’ont fait à l’initiative d’une femme. Pour les consommatrices, c’est pareil. Quand la prise de conscience est là, les choix se font ensuite tout naturellement. 

Il faut se demander au quotidien : est-ce que cela est toxique ? Est-ce que cela pourrait se transformer en service, en usage plutôt que de rester sous la forme d’une propriété ? Les grandes entreprises qui mettent sur le marché tous ces biens qui ont un impact négatif sur la santé et l’environnement, ont tout à fait la possibilité de créer différemment. C’est juste qu’elles ne veulent pas y aller. À nous de les inciter.

Comment avez-vous eu envie de défendre et promouvoir le Cradle to Cradle?

Par mon développement personnel. J’étais très intéressée par la spiritualité. Donc j’ai participé à de nombreuses retraites en Inde et aux Etats-Unis. Ma conscience s’est éveillée. Je me suis rendue compte qu’il n’y a qu’une seule conscience, que le monde est un et que mes choix ont un impact sur l’ensemble. Avec mon associé, on a réalisé que cela changeait radicalement notre façon de travailler et on a voulu transmettre et accompagner les entreprises pour qu’elles comprennent leur impact. On a donc créé Integral Vision en 2006. 

Pourriez-vous nous citer quelques objets C2C que vous utilisez ? En possédez-vous, d’ailleurs, ou est-ce encore trop difficile d’en trouver en France?

Oui c’est compliqué. Mais j’écris sur du papier certifié C2C. J’utilise des produits cosmétiques Khiel’s et Method. Dans mon bureau, je possède une chaise Steelcase. Et je me suis achetée récemment sur Internet le survêtement et les T-shirts Puma. Je les lave avec la lessive Method.

Quelles personnalités vous inspirent le plus ?

J’aime cette image de Nelson Mandela dansant sur scène avec Johnny Clegg. Il était juste heureux d’être là. C’est ce qui m’inspire, les personnes, célèbres ou non, juste heureuses d’être là et qui participent à la création d’un monde meilleur.

Avez-vous un livre à nous conseiller ?

J’ai lu "The upcycle" de William McDonough et Michael Braungart, les créateurs du Cradle to Cradle. Il sera bientôt publié en France. Chaque matin, après avoir médité, je lis aussi un livre de pensées qui m’a été offert par le père de mes enfants, décédé depuis. Il s’appelle "Sagesses, 365 pensées de Maîtres de l’Inde" de Danielle et Olivier Föllmi, aux éditions de la Martinière. Ce matin, la pensée du jour, c’était "la lampe s’est vidée, l’huile s’est épuisée, la guitare s’est tue, le danseur s’est couché, le feu s’est éteint et nulle fumée ne s’élève. L’âme est absorbée dans l’unique et il n’y a plus de dualité". Voilà, comment ma journée a débuté ! 

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