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Norme ISO 16128 et cosmétiques "naturels" : le greenwashing a commencé

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Emilie Cuisinier
Emilie Cuisinier
Mis à jour le 25 février 2021
Nous l’évoquions dans nos colonnes il y a plusieurs mois : la norme ISO 16128 inquiète les principaux acteurs du secteur des cosmétiques bio en France. Ils craignent qu’elle ne donne l’opportunité d’un "greenwashing" légitime… Que l’on commence d’ailleurs d’ores et déjà à constater dans les rayons des parfumeries.

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Publiée le 1er janvier après des mois de concertation entre les acteurs internationaux de la cosmétique, la norme ISO 16128 vise à « harmoniser » la définition des ingrédients dits  « naturels », « biologiques » mais aussi « dérivés du naturel » et « dérivés du biologique ». Les acteurs de la cosmétique bio, notamment représentés par Cosmébio, Ecocert, Cosmed et Cosmos, avaient préféré quitter la table des discussions après de vaines tentatives pour se faire entendre. Ils dénonçaient, à l’automne dernier, un texte rédigé par la cosmétique conventionnelle, pour la cosmétique conventionnelle. De fait, le marché de la cosmétique bio est attractif : en 2015, il représentait 4,7% du secteur cosmétique et enregistrait une hausse de 10% par rapport à 2014. Alors que le marché de la cosmétique conventionnelle français stagne, celui de la cosmétique bio est en constante augmentation. Il devrait avoir doublé entre 2010 et 2020, pour atteindre 580 millions d’euros par an.*

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Jusqu’à 50% de synthétique dans les ingrédients « naturels » ?
Si l’on se gardera bien de faire un procès d’intention aux marques de cosmétiques conventionnels, la définition des « ingrédients dérivés du naturel » et « dérivés du biologique » a de quoi interroger : est en effet considéré comme « dérivé de matériaux naturels ou bio » un ingrédient qui comporte au moins 50% de produit naturel ou bio. Les 49% restants peuvent ainsi être des composants synthétiques, issus de la pétrochimie par exemple (silicone ou autres composants aujourd’hui interdits dans les produits répondant aux exigences des labels bio). « C’est l’une des aberrations de cette norme : elle n’interdit aucun des composants qui le sont aujourd’hui dans les cosmétiques bio et qui le sont pour de bonnes raisons », déplore Fanny Spriet, de Léa Nature, l’un des groupes de cosmétiques bio les plus présent en France, dont les produits sont notamment distribués en grande surface. « On se retrouvera avec des produits issus de la chimie lourde mais qui afficheront un indice de naturalité légitimé par cette norme. »

Un nivellement par le bas pour obtenir un consensus international
Comme Cosmébio, le fabricant déplore ainsi logiquement un « nivellement par le bas ». Et si Anne Dux, directrice des Affaires scientifiques et réglementaires de la Febea (Fédération des entreprises de la beauté), admet elle aussi que l’on est loin des critères exigeants imposés aujourd’hui par les labels qui adhèrent à la charte Cosmos, elle l’explique tout simplement : « il fallait trouver un consensus au niveau international ». Et de rassurer sur un point : cette norme ISO 16128 ne signifie pas que l’on retrouvera des OGM ou autres substances interdites dans les cosmétiques vendus en France : « Les ingrédients interdits le restent. Cette règle d’application volontaire (qui n’implique donc aucun contrôle, ndlr) ne changera rien aux cosmétiques labellisées ‘’biologiques’’, qui passent par un organisme certificateur indépendant. »

Les labels craignent un greenwashing « légitimé » par la norme ISO 16128
Cependant, Anne Dux « comprend volontiers l’inquiétude des labels bio : que l’on puisse retrouver sur le marché des cosmétiques qui disent ‘’je suis bio’’ car ils sont conformes à la définition des produits bio… mais qui ne portent pas le label. » Est-ce par crainte de voir les acteurs conventionnels grappiller des parts de marché ? Pas seulement, explique Marine Pentecôte, de Cosmébio : « Les consommateurs avertis ne devraient pas être dupes : les listes INCI démontreront que les allégations ‘’bio’’ ou ‘’naturel’’ ne tiennent pas. En revanche, les consommateurs qui ne cherchent pas à décrypter les étiquettes risquent de se faire avoir. Cette norme risque de servir, côté marketing, à légitimer, à donner du crédit à toutes les allégation un peu floues. »

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Une crème anti-âge à « 88% d’origine naturelle » chargée d’ingrédients qui ne le sont pas
C’est d’ailleurs d’ores et déjà le cas, selon Cosmébio et sa dernière communication qui annonce la couleur : « Les premiers produits avec des allégations ‘’d’origine naturelle selon la norme ISO 16128’’ ont fait leur arrivée dans les rayons cosmétiques. » Marine Pentecôte nous explique : « Nous avons été intrigués par la communication autour d’une nouvelle gamme anti-âge, qui affiche un produit composé ‘’à 88%(1) d’ingrédients d’origine naturelle’’ ». Et le renvoi de préciser : « valeur calculée sur la base de la norme ISO 16128 ». Cosmébio a donc étudié de près la liste INCI de ladite crème et sa conclusion est sans appel : « 12 % d’ingrédients synthétiques dont BHT, phénoxyéthanol, silicone ou encore PEG. Parmi les ingrédients constituant le reste de la formule se trouvent une quinzaine d’ingrédients controversés non autorisés par les labels de cosmétique bio, dont notamment PEG-100, decyloxazolidinone, phénoxyéthanol, dimethicone, sodium polyacrylate, tromethamine, PEG-7 glyceryl cocoate, BHT, polyquaternium-7 ou encore ethylhexylglycerin. » 
Pour autant, plusieurs articles en ligne vantant cette crème ne sont pas allés plus loin que les arguments du communiqué de presse de cette marque de cosmétiques conventionnels et le présentent bien comme un produit « naturel ».
Reste que cette liste d’ingrédients synthétiques a de quoi repousser les consommateurs à la recherche de produits aussi sains que possibles : parmi eux, un conservateur dénoncé par l’ANSM qui en déconseille l’utilisation au moins chez les jeunes enfants et est classé comme allergisant (le phénoxyéthanol), un dérivé du silicone, dont la production est nocive pour l’environnement (le dimethicone) ou encore un antioxydant soupçonné d’être un perturbateur endocrinien par l’ANSES (le BHT)…
L’argument « origine naturelle » n’a ici rien de fallacieux : il est simplement légitimé par une norme ISO, qui agit, sur l’inconscient, comme un véritable gage de sécurité.

**Source : étude Xerfi publiée en mars 2017

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