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Sein de corps et d'esprit : avant - pendant et après le cancer du sein [Chronique 7]

Je me souviens m'être confiée un jour en déclarant que finalement il y avait certes un avant et il y aura un après mais surtout il y a un "pendant" riche en émotions.
sonia bellouti Sein de corps et d'esprit
Sonia Bellouti
Sonia Bellouti
Mis à jour le 25 février 2021
Sonia pensait traverser le cancer comme on traverse une rue. Inchangée de bout en bout. Pourtant l'épreuve, les traitements et le fait de côtoyer la mort transforment en profondeur. Témoignage.

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Lorsque j’ai eu la confirmation de mon cancer et de la nature des traitements qui allaient suivre, je me souviens m’être fait une raison en me disant que j’allais mettre neuf mois de ma vie entre parenthèse. Il y avait eu un avant et il y aura un après. Je pensais récupérer ma vie telle que je l’avais laissée, comme déposée en consigne ou dans un garde-meubles, que le plus important pour moi était d’en finir vite avec cette période difficile et de passer à autre chose.

Mais ce n’est pas du tout comme cela que j’ai vécu cette période. Ce ne fut pas une simple parenthèse, mais une vie intense en événements et en bouleversements. Je me souviens m’être confiée un jour en déclarant que finalement il y avait certes un avant et il y aura un après mais surtout il y a un "pendant" riche en émotions.

Des rires, des larmes, de la douleur, de la fatigue, des discussions et des disputes, des confidences et des étreintes, des transformations profondes et spirituelles. Bref, la vie en plus intense, en concentrée. 

Une épreuve qui resserre les liens

Je ne me suis jamais sentie aussi proche de mon fils, nous sommes tombés dans les bras l’un de l’autre, nous avons pleuré ensemble et nous sommes dit combien nous nous aimions. Nous avons appris à vivre autrement, mon amoureux, mon fils et moi-même. Nous sommes passés d’une simple cohabitation à trois à une vraie vie de famille (pour rappel, cela faisait un an à peine que mon amoureux s'était installé avec mon fils de 17 ans et mo)i. Mes hommes étaient devenus plus solidaires et plus attentifs l’un à l’autre. 

Cette épreuve a compliqué notre quotidien, mais au lieu de détruire ce qui était encore fragile et délicat, elle a eu au contraire le bénéfice de révéler ce qu’il y avait de meilleur et de plus beau en nous et dans nos relations. Au fond de nous quelque chose avait changé, j’étais heureuse de cette transformation. J’étais à la fois enchantée et troublée par la dimension émotionnelle et la profondeur d’âme dans laquelle l’adversité nous avait précipitée.

>> Pour une expérience de lecture optimisée, retrouvez cette article dans votre magazine IPad de Septembre 2014 

Plus rien ne sera comme avant

Et puis les mois sont passés : 11 chimio et 24 séances de radiothérapie plus tard, c’était l’été, j’étais épuisée, plus une once d’énergie, à peine la force de faire ma valise pour partir en vacances vers une destination très lointaine (NB : Je tiens à remercier ma famille d’avoir rendu possible ce voyage au bout de la terre en m’offrant le rêve que je caressais depuis des années). Je n’ai pas eu vraiment le temps de réaliser ce que je venais de vivre, et j’avais besoin de mettre de la distance physique pour vraiment pouvoir me reposer et me ressourcer. 

Nous sommes rentrés de vacances 3 semaines plus tard, mes cheveux commençaient à repousser et je pouvais enfin me passer de perruque. J’allais reprendre le travail et la vie d’avant mon cancer. Oui mais …non, car s’il y a un truc que tu apprends et auquel tu ne penses pas spontanément quand tu es encore dans la tourmente, c’est que plus rien ne sera plus comme par le passé. 

Les repères bousculés, difficile de renouer avec ce que j’étais avant. Ce qui était important l’est moins, la notion du temps qui passe et des priorités change de tout au tout. Quand tu as vécu dans ta chair la fragilité de la vie, tout devient à la fois relatif et impérieux. Il faut avoir peur de perdre les choses pour les aimer follement. Tout ce que je voyais autour de moi, des choses banales et ordinaires, je les redécouvrais avec l’éclat de la rareté. Tout me paraissait soudainement précieux et qu’il était urgent de saisir, de cueillir.

En même temps et étrangement, c’est au moment où je m’attendais à me sentir mieux que j’ai commencé à avoir peur, un sentiment que je n’avais eu le « loisir » d’éprouver. Pendant tous ces mois, tout est allé très vite. Je n’ai pensé à rien, sauf à trouver le moyen de tenir et de travailler, à garder la force et la foi et maintenir une vie normale. D’ailleurs mon amoureux m’appelait le petit soldat. Je n’aimais pas trop ce surnom, tu me connais, cela ne correspond pas à ma nature libre et mon esprit rebelle. Mais force est de constater que j’ai fait preuve de courage et surtout de discipline pour m’en sortir. Une qualité qui me faisait défaut ou du moins ce que je croyais, j’en étais même persuadée… cette histoire m’a prouvée le contraire.

Et donc au moment où  ma vie allait pouvoir reprendre son cours normal, cela peut te paraitre absurde, au lieu de me réjouir, j’ai angoissé. L’angoisse parce qu’on ne te parle pas de guérison mais de rémission, un statut inédit qu’il faut apprivoiser. Tu n'es ni malade ni sauvée mais quelque chose entre les deux. Ta vie va être suspendue aux contrôles réguliers et aux résultats d’examens : 5 ans, il faut 5 ans pour relâcher la tension, difficile de se sentir sortie d’affaire.

>> Pour une expérience de lecture optimisée, retrouvez cette article dans votre magazine IPad de Septembre 2014 

Faire du temps un allié

C’était la rentrée, je venais de faire un point avec mon oncologue, je suis sortie de la consultation avec une demi-douzaine d’ordonnances pour mon premier bilan complet post traitements, celui qui allait déterminer la suite de ma vie. Le temps qui passe est devenu mon meilleur allié.

J’ai dû patienter plus de deux mois avant d’en savoir plus sur mon sort. C’est curieux comme l’imagination s’emballe quand on est face à l’inconnu. Rien de pire que le retour de la maladie quand tu te crois hors de danger, le mot rechute en lui-même m’effrayait. Et puis je me disais que si mes récentes chimio et rayons n’avaient pas pu tout éradiquer, si le cancer s’était installé ailleurs malgré la violence des traitements à qui je donne le doux nom de White Spirit, tellement c’est décapant, c’est que j’étais perdue. Tous les scénarios étaient possibles, j’ai eu tout le temps de les imaginer et les redouter aussi.

« Nous sommes tous dans le couloir de la mort » Victor Hugo

Cet intervalle, entre la fin des traitements et les premiers contrôles, m’a servi à apprivoiser ma finitude. J’ai compris dans ma chair, dans mon corps ce que c’était d’accepter la mort. Ma deuxième grande leçon de vie en moins d’un an. J’ai accueilli la possibilité de mourir plus tôt que prévu, je me suis autorisée à partir et laisser mon fils suivre son chemin. Je me suis vue mortelle, et j’ai appris l’humilité face au destin. Mes amis, des personnes bienveillantes, me disaient que ça ne pouvait pas m’arriver à moi, que j’avais des choses à dire et encore beaucoup à faire. Non, non, pas toi me répétaient-ils. Mais pourquoi pas moi justement ? Je ne mérite ni plus ni moins la mort qu’un autre. D’ailleurs c’est notre sort à tous, un jour ou l’autre. Il y a une forme de justice finalement ; ça calme, non ?

L’attente c’est je crois ce qu’il y a de plus dur à vivre avec l’annonce de la maladie à ses proches. Attendre de pouvoir prendre les rendez-vous nécessaires au bilan, une fois sur place, attendre dans la salle d’attente les résultats. Rien n’est laissé au hasard, et au moindre doute, on te demande de faire un complément d’investigations et encore attendre, et attendre. Pendant toute cette période je n’étais jamais accompagnée, cela m’arrangeait. Si jamais on trouvait lors de mes examens quelque chose de grave, ou si le pronostic était alarmant, je préférais ne pas avoir à en parler de suite. 

C’était ça le pire, devoir l’annoncer aux autres et comble de l’ironie, devoir les rassurer. Je me suis même surprise à avoir peur de décevoir mes proches dans le cas d’une récidive. Je leur avais promis que tout allait bien se passer, et dans le cas contraire j’avais l’impression de les trahir.

D’ailleurs l’entourage et les proches ne voient pas les choses de la même manière. Quand petit à petit tu reprends ton apparence d’avant notamment en ne portant plus de perruque et que tu quittes progressivement le circuit de prise en charge médicale, on s’attend à ce que tu reprennes une vie normale avec l’énergie et l’activité que l’on te connaissait d’avant. 

A la maison, par exemple, on aurait aimé que je renoue avec ma part de logistique domestique, c’est comme si du jour au lendemain, il n'y avait plus besoin de me ménager. J’ai vécu la même situation au travail. 

J’aimerais dire à l’entourage de personnes en rémission, qu’il faut du temps, autant de mois pour faire que pour défaire dit l’adage populaire, avant de retrouver sa place et le quotidien. Je comprends que les proches souhaitent vite tourner la page, se dire que cela est derrière et ne plus en parler. Mais la réalité est autre et les premiers mois de rémission représentent une étape nécessaire à sa reconstruction autant sur le plan mental que physique.

Examens 0, Sonia 5

Il m’a fallu plus d’un mois et bien des rebondissements, avant de venir à bout de mon bilan. J’ai eu peur tout en me préparant à toutes les éventualités, comme celle de ne plus repasser par la case chimio dans le cas où on trouvait quelque chose. Quand on m’a annoncé que tout allait bien j’ai réalisé que si la maladie était un accident de parcours, l’état de santé n’allait pas de soi pour autant. 

D’être simplement en bonne santé ou plutôt en sursis me gonflait de gratitude, je pouvais savourer le potentiel infini que m’offrait la vie…. En attendant le prochain contrôle 6 mois plus tard. 

>> Pour une expérience de lecture optimisée, retrouvez cette article dans votre magazine IPad de Septembre 2014 

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