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Voyage

Seule à vélo, elle traverse l'Europe

"J’ai toujours été sportive, j’aime les challenges. Pédaler 80 kilomètres par jour c’est un défi que je me suis lancé à moi-même"
roxane favier
Claire-Marie Germain
Claire-Marie Germain
Mis à jour le 25 février 2021
De Paris à Tbilissi, Roxane Favier a traversé l’Europe à vélo. Malgré la souffrance physique, les phases de doute et les moments de découragement, elle a tenu bon. Elle nous raconte ses motivations, ses appréhensions et les leçons qu’elle a tirées de cet extraordinaire voyage.

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1 mètre 60, 48 kg : Roxane est un petit gabarit. On a du mal à l’imaginer parcourir 6000 kilomètres à vélo. Mais 1 mètre de ténacité, 60 cm de bon sens et 48  kg d’endurance c’est plus que n’en ont la plupart des géants. Morale de l’histoire : il ne faut pas se fier aux apparences.

D’où t’est venue l’idée de partir en vélo en Inde ?

Je voulais changer mon rapport au temps dans le voyage : ne pas me téléporter mais vivre la route. J’aimais l’indépendance que cela implique, la liberté de m’arrêter au gré des rencontres, sans les contraintes horaires des trains ou des bus.  J’ai également pensé aux émissions de carbone qu’implique un voyage en avion ou en voiture. Le vélo était le moyen de transport le plus écolo… mais aussi le plus économique ! Et puis j’ai toujours été sportive, j’aime les challenges. Pédaler 80 kilomètres par jour c’est un défi que je me suis lancé à moi-même.

Pourquoi as-tu choisi de partir seule ?

Beaucoup de gens se reposent sur leurs relations sociales pour combler les vides de leur vie quotidienne. J’étais un peu comme ça. Le risque à force d’être en permanence entouré d’amis, c’est de se perdre soi-même. Je voulais reconquérir mon autonomie, me redécouvrir, mais aussi aller vers l’inconnu et  faire des rencontres. Quand on part avec quelqu’un qu’on connait depuis longtemps, on a tendance à se confiner dans un petit cercle intime. Résultat : on est beaucoup moins abordable.  

Quels obstacles as-tu rencontré dans ton entourage  face à ce voyage ?

Parce que je suis une femme, j’ai du faire face à des réactions réticentes voire même parfois violentes. J’étais folle ou inconsciente. On me prédisait les pires horreurs, notamment l’agression sexuelle.  Je ne vis pas selon un code de l’honneur mysogine, le viol n’est pas la pire chose qui puisse m’arriver. L’homme qui m’a vendu mon vélo s’est fait gravement brutaliser en Australie. Désormais il doit porter des plaques de fer dans la mâchoire. Le danger n’a pas de sexe et le risque appartient à celui qui le prend.  Pour moi si on ne sort pas  de sa zone de confort on ne vit pas grand-chose.  Mais c’est ma personnalité, chacun est différent !

Tu ne penses pas qu’il y a plus de risques pour une femme que pour un homme ?

Dans certains pays, une femme qui voyage seule peut être perçue comme irresponsable et indigne de respect. Mais c’est une question d’habitude. Plus les gens verront  des femmes entreprendre de tels périples, plus ils comprendront leur démarche de loisir et de découverte. A force de ne pas oser on maintient une situation profondément inégalitaire.

Tu as pris des précautions particulières ?

La première protection c’est l’état d’esprit dans lequel on est. Si l’on se sent victime, on projette des ondes qui révèlent notre vulnérabilité. Lorsqu’on est sûr de soi le message corporel est différent. Et puis j’avais une balise qui permettait à ma mère de me localiser à chaque fois que je la déclenchais.  C’était plus pour sa sécurité psychologique que pour ma sécurité physique mais ça a fait l’affaire. Quand je suis revenue chez moi j’ai constaté qu’elle avait établi une carte de mon itinéraire à partir des signaux de la balise. Pour la première fois, j’ai pu visualiser le trajet parcouru depuis mon départ. Une belle surprise !

Physiquement ça a du être dur…

Oui,  il y a eu de grands moments de souffrance. Selon les pays, on est confrontés à des reliefs auxquels on ne s’attend pas lorsqu’on s’entraîne à Paris. Mais il faut continuer à avancer.  Le climat aussi est un problème. L’été, en Bulgarie ou en Moldavie la chaleur est écrasante.  Mais le physique, ça se gère. Dans  les années  50, il était courant de partir en vacances à vélo. Le corps finit par s’habituer à l’effort quotidien, ça devient une routine.

Des moments de découragement ?

La solitude peut être dure à vivre. Même si l’on s’arrête et que l’on rencontre une foule de gens, on n’a jamais le temps de construire une relation. De l’Autriche à la Serbie j’ai été  très seule. Quand je n’avais plus le moral, mon moteur c’était la musique. Tenir un journal de bord m’a également aidé, j’écrivais pour ma famille et mes amis en France.

Ton voyage a-t-il correspondu à tes attentes ?

J’avais quelques appréhensions. Certains pays d’Europe de l’Est : le Kosovo, la Géorgie, la Roumanie ou même la Turquie sont diabolisés par les médias. Mais je me suis vite aperçue que la plupart des  gens étaient tout à fait aimables, accueillants et disposés à m’aider. Je n’ai dépensé que la moitié de mon budget tant j’ai été nourrie et logée. Ca m’a surpris et ça a changé ma vision de l’être humain.

Malheureusement,  je n’ai pas pu aller jusqu’en Inde. Je me suis fait voler toutes mes affaires en Géorgie. Je n’avais plus de visa pour le Kazakhstan. J’ai du faire demi-tour. Ca a été une grande déception bien sûr mais cette expérience m’a permis de rencontrer une personne hors du commun : Manana, professeure de français et ma traductrice au commissariat de Tbilissi. Elle m’a accueilli chez elle le temps que je trouve l’énergie de repartir.

Tu en es ressortie changée ?

Oui, dans ma relation à l’étranger notamment. J’ai réappris à faire confiance, ça m’a fait beaucoup de bien. Je n’ai plus non plus le même rapport au confort.  Moi qui suis très organisée, qui n’aime pas les imprévus, je sais maintenant les tourner à mon avantage.

3 mots pour résumer ton voyage ?

Trois mots, c’est si peu !... Je dirais intense, riche émotionellement et formateur. Et puis la joie lorsque je suis rentrée chez moi une semaine à l’avance et que j’ai surpris mes parents !

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