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Incroyables Comestibles

Mary Clear, co-fondatrice des Incroyables Comestibles

Un jardin des Incroyables Comestibles dans les rues de Tormorden
Incroyables Comestibles
Claire-Marie Germain
Claire-Marie Germain
Mis à jour le 25 février 2021
Mary Clear, co-fondatrice du mouvement des Incroyables Comestibles, plante fruits et légumes où bon lui semble ! Grâce à ses potagers libre-service, elle a révolutionné le quotidien de sa petite ville de Todmorden, en Angleterre. Une femme libre et responsable qui nous raconte l’histoire de son projet incroyable.

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C’est dans un café de la Gare du Nord que je rencontre la délicieuse Mary-Clear, entre deux trains. Directe et pétillante, cette grand-mère de 12 petits enfants déborde d’énergie et n’a pas sa langue dans sa poche quand il s’agit de dénoncer la rigidité et l’inertie de notre société.

D’où vous est venue l’idée des Incroyables Comestibles ?
Les Incroyables Comestibles, c'est l'idée de faire pousser partout en ville des fruits et des légumes. Chacun peut participer à planter les légumes, les faire grandir… et chacun est libre de venir se servir. Nous étions inquiets pour le futur de nos enfants et petits-enfants, alors nous nous sommes demandé ce que l'on pourrait faire pour agir. Les gens ont trop tendance à se positionner en victimes, ils blament leur gouvernement, ils se rejettent la faute entre eux. Nous, nous ne voulions pas être des victimes, nous voulions agir pour rendre le monde meilleur. Nous savions faire pousser des plantes, cuisiner et partager de la nourriture… Alors on l'a fait !

Comment avez-vous commencé ?
Nous voulions faire de la propagande positive mais nous n'avions ni cartes ni flyers, ni imprimantes pour la produire. Nous avons donc planté des graines partout où le public pouvait les voir. Il y avait des roses dans mon jardin, nous les avons retirées, nous avons démoli le mur et nous y avons fait pousser des légumes. Si nous avons choisi la nourriture pour communiquer notre message, c’est parce que les gens ne parlent pas forcément notre langue, mais tout le monde comprend et connait la nourriture. If you eat you’re in !

Quelle valeur cherchez-vous à partager à travers votre mouvement ?
La gentillesse ! C'est une valeur qui n’est pas très présente dans nos sociétés. Les médias nous transmettent la peur de l'autre, qu'il soit un immigrant, un jeune, un étranger. Nous vivons dans la peur d’être volés. Nous avons tous fait l’expérience de cette mentalité. Nous-mêmes, qui portons un message de gentillesse et de partage, en avons fait l'expérience. Lorsque la rhubarbe qu’on avait plantée a disparu en un clin d’œil, nous avons tout de suite soupçonné un vol. En fait, nous étions loin du compte : les personnes âgées aiment la rhubarbe, nous n’en avions pas planté assez !

Comment expliquez-vous le succès des Incroyables Comestibles ?
Quand ils comprennent l’importance du jardin et la tragédie que représente la perte de notre rapport à la terre, les gens veulent participer. Et puis ça les sort de leur routine. Ici les gens vont au travail, rentrent à la maison, s’occupent des enfants, regardent la télé. Ils ne sont jamais en contact avec la nature et la communauté. Ca leur fait du bien de se retrouver ensemble pour jardiner. Un jardin est un endroit merveilleux pour parler aux gens de la planète. En le regardant, on apprend tout sur les saisons, les sols, la nourriture, la nature, les papillons…

Vous avez commencé en agissant incognito, en allant planter des graines partout où c'était possible. C'était le seul moyen d'agir ?
Oui, nous sortions la nuit pour planter des légumes dans les endroits publics que l’on trouvait moches. Maintenant nous n'avons plus besoin de le faire en secret, la mairie nous autorise à planter. Aujourd’hui, les gens ne font plus rien parce qu’ils sont confrontés à trop de paperasses administratives. Si tu veux cuisiner des gâteaux pour récolter de l’argent pour les sans-abris, la police t’arrête parce que tu n’as pas le certificat pour fabriquer et vendre ces gâteaux. Si on attend d’avoir une autorisation, on ne fait plus rien !

Certaines personnes ont dû penser que vous étiez folles et que ça ne marcherait jamais …
On pensait nous-mêmes qu’on était folles et que ça ne marcherait jamais ! Mais on s’est dit que c’était le moins que l’on puisse faire pour aider. L’Afrique subit régulièrement des épisodes de famine, même en Europe les gens meurent dans la rue. Nous avions besoin de sortir de l’inaction, mais nous n'avions absolument pas prévu que notre initiative donnerait lieu à un mouvement si important. C'est un accident.

Un bel accident… Comment la ville a-t-elle changé depuis que vous avez commencé ce projet ?
Les gens partagent plus, la ville est plus connectée, plus jolie et surtout plus fière. Todmorden était une ville pauvre et sans attrait, désormais, elle reçoit des visiteurs du monde entier et ses habitants sont fiers de les accueillir. De plus, alors que l'Europe traverse une grave crise écononomique, ici, de nouveaux magasins, restaurants et cafés ouvrent.

Todmorden pourrait-elle entièrement vivre des produits des jardins ?
Quand on a commencé on s’était fixé cet objectif : l’indépendance alimentaire en 2018. C’était juste un rêve, mais il nous a motivé à travailler. Ce qui est sûr, c'est que si une crise alimentaire devait survenir, notre ville serait mieux placée pour y répondre parce que les gens y sont plus solidaires, il y a une vraie communauté. Tous les deux ans, Todmorden est submergée par des inondations. La dernière fois, nous avons organisé un groupe d’"anges de la nourriture" qui cuisinaient et livraient des plats à toutes les victimes de ces inondations.

Quels sont vos plans pour le futur ?
Je n’en ai pas, j’attends de voir ce qui toque à ma porte. Si quelqu’un me demande de l’aider ou de participer au mouvement, je l’accueille à bras ouverts. On est en train d’écrire une charte autour de quatre points : l’accès à la terre, la transmission du savoir, l’idée de paysages comestibles et une réflexion autour de la graine. C’est là où je rejoins le mouvement des Femmes Semencières. Cette charte sera très simple, il faut qu’elle touche les gens et leur donne envie de participer plutôt que de les décourager en les inondant de paperasse.

 

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