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Interview

"Je suis bien dans mon époque", rencontre cœur à cœur avec Sonia Rolland

" C’est à travers le regard des autres que je prends souvent conscience de la magie de la vie. "

Sylvie Castioni
Croyances Croyances
Audrey Etner
Interview et rédaction par Audrey Etner
Publié le 04 décembre 2021

Actrice et réalisatrice, Sonia Rolland est couronnée Miss France à l’aube du XXIe siècle. Née à Kigali d’un père bourguignon et d’une mère rwandaise, elle voit son adolescence bouleversée par le génocide des Tutsis. Déracinée, elle met sa médiatisation au service de ses nombreux engagements humanitaires. C’est une quadra épanouie, mère louve de deux adolescentes que nous rencontrons le temps d’une interview.


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FemininBio magazine #37

Cet article a été publié dans le magazine #37 novembre-décembre 2021
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Elle fut la première femme née en Afrique à accéder au titre de Miss France. À l’âge de 18 ans, Sonia Rolland est propulsée au rang d’égérie d’une France galvanisée par la vague " Black Blanc Beur ", de Jamel Debbouze à Omar Sy, en passant par la victoire des Bleus.

Devenue mannequin, comédienne, puis réalisatrice, elle n’a de cesse de réinventer les contours d’une vie qui lui ressemble : libre et intense. Elle écrit aujourd’hui son premier téléfilm inspiré de sa propre histoire, qui sera tourné en 2022, et c’est au cœur de sa rentrée pleine de projets que nous partageons une parenthèse de vie.

FemininBio : Vous venez d’avoir 40 ans. Quel regard portez-vous sur votre parcours ?

Sonia Rolland : C’est en effet une année de bilan. Je suis en train de changer de livre de vie, et je me pose les bonnes questions. J’appréhendais un peu cette crise existentielle où l’on a envie de tout faire valdinguer. Après une première fulgurance vécue avec l’élection de Miss France, j’entame un vrai virage professionnel.

Et surtout, je suis libre à présent. Depuis mes 20 ans, j’ai tout mis en place pour être accomplie à l’âge que j’ai aujourd’hui. Je n’ai plus d’angoisses, hormis celles, naturelles, d’une mère pour ses enfants, et je ne suis pas dépendante d’une réalité matérielle. En tant que mère célibataire, je me rends compte de la charge mentale énorme qui demande aux femmes une organisation à toute épreuve. Aujourd’hui, je suis fière d’avoir structuré ma vie pour me sentir totalement libérée.

Quel est votre rapport au temps qui passe ?

Je pense que je suis bien dans mon époque. À mon âge, on se connaît mieux, on sait ce qu’on ne veut plus, et l’immensité du champ des possibles s’est vraiment ouverte à nous. De plus, les quadras d’aujourd’hui sont les trentenaires d’hier, physiquement et aussi dans leur tête !

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J’aime cultiver cet esprit jeune en me confrontant à l’âge de mes filles. Sans tomber dans le jeunisme, je pense important de se maintenir dans un renouvellement de la pensée en s’entourant des jeunes générations. Là est la vraie jouvence ! Garder ses bonnes références et accepter le monde qui bouge autour de soi. Ne pas se figer dans le passé et improviser au gré de ce que la vie apporte.

Que vous évoque notre mot-clé " Magie " ?

La magie s’est manifestée plus d’une fois dans ma vie, et j’en ai compris qu’elle ne peut opérer que si on l’accueille. Je peux, par exemple, évoquer ce jour où j’ai rencontré cette personne sur un terrain de basket, qui m’a demandé si j’avais déjà pensé à me présenter au concours de Miss France. Je n’étais pas du tout de ce monde, et il a fallu que la magie opère une nouvelle fois, le jour de la présélection, pour m’amener jusqu’au couronnement.

C’est à travers le regard des autres que je prends souvent conscience de la magie de la vie. La magie amoureuse et ses rendez-vous immanquables, mais aussi la magie de la conscience de ce que l’on dégage. Le charisme, le talent, tout cela ne peut se voir que dans les yeux de l’autre.

Quel est le moment le plus magique de votre vie ?

Sans aucun doute, à deux reprises, la naissance de mes filles. Il y a dans cette création quelque chose de magique qui nous échappe à tous. Que l’on arrive à concevoir un être dont on va être responsable toute sa vie, par la magie d’un regard, d’un baiser, d’une étreinte et qui arrive sur terre par nos entrailles, c’est hallucinant !

Êtes-vous toujours émerveillée après ce que vous avez traversé ?

Oui, toujours, que ce soit par une réflexion intelligente de ma fille sur un sujet précis en politique, alors qu’elle n’a que 10 ans, ou par cette collection d’archives de Mugler que j’ai été voir au Musée des Arts Décoratifs de Paris, tandis que les mondains sifflaient leur champagne.

Je suis émerveillée aussi par la nature, capable de rester devant un arbre que je trouve magnifique. L’oisiveté ne fait pas partie de ma vie, mais la contemplation peut s’installer car j’en ai besoin. Je travaille beaucoup et j’ai très peu d’occasions de regarder l’horizon. Plongés dans nos écrans, ces moments deviennent trop rares dans nos vies, alors je me permets parfois cette communion avec l’instant présent.

Comment avez-vous vécu le traumatisme de l’exil ?

Quand je suis arrivée en France, j’étais une gamine de 15 ans qui changeait de décor social. Après une enfance confortable et joyeuse au Rwanda puis au Burundi, nous sommes arrivés de manière fracassante en Bourgogne avec une seule valise et un album de famille. Cela apprend beaucoup sur la capacité à s’adapter au changement brutal, et à le traverser sans amertume. Dans ces cas-là, on est tourmenté, dans une frustration qui se dégrade en colère constante.

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Je salue le courage de mes parents qui ont vu leur statut changer du tout au tout, et qui ont gardé leur bienveillance et tout misé sur mon éducation. Ils m’ont appris le libre arbitre, outil essentiel de ma construction personnelle aujourd’hui, qui me permet de prendre de la distance et de ne pas adhérer constamment à tous les mouvements.

Comment est né votre engagement humanitaire ?

Dès que je suis devenue Miss France, j’ai été violemment exposée, sans être prête à ces bains de foules constants. Il fallait que je fasse quelque chose de cette exposition médiatique. Nous sommes retournés au Rwanda en famille, et avons vécu un grand choc émotionnel. Je constatais alors les urgences sur l’enfance, l’éducation, l’accompagnement des orphelins du génocide dont les plus âgés avaient 18 ans.

Nous avons créé l’association Maïsha Africa et, après 20 ans de travail, mené de nombreux projets à bien. Aujourd’hui, l’histoire du Rwanda a été prise en main par son peuple, et c’est un pays qui est en train de s’en sortir, précurseur en matière d’écoresponsabilité en Afrique.

Depuis deux ans, je me concentre sur la préservation des abeilles. Ambassadrice Guerlain, une marque qui utilise le miel comme matière première, j’ai eu la chance de rencontrer Thierry Dufresne, un grand monsieur, fondateur de l’OFA (Observatoire français d’apidologie). Je suis tombée littéralement amoureuse de l’abeille, cette petite bestiole qui détient le pouvoir de maintenir l’équilibre de notre humanité.

Quel regard portez-vous sur le monde d’aujourd’hui ?

Après 20 ans d’ONG, j’ai constaté un certain manque de sincérité dans les actions humanitaires. Ce sont surtout des outils de pression politique, notamment en Afrique ou en Haïti, où il y a clairement une volonté de maintenir les pays sous contrôle de l’Occident qui entretient le déséquilibre dont souffre le monde. Ensuite, on présente des solutions aussi efficaces qu’un pansement sur une fracture alors qu’il faudrait une refonte complète des mentalités.

Je me demande aujourd’hui si l’humain souhaite vraiment le changement. Je suis une optimiste née, et j’essaye de m’inspirer de ce qui se fait localement, mais quand on regarde l’état du monde, comment ne pas être inquiet ? Quand je vois que les réseaux sociaux sont devenus des outils de mesure des tendances, j'observe une psychose collective qui ne va pas dans le bon sens. Certes, de très beaux mouvements de soutien planétaires ont vu le jour grâce aux réseaux, mais c’est également un outil de propagande hallucinant qui détruit toute forme de pensée juste et de libre arbitre.

Notre société manquerait-elle de magie ?

À ce stade, il faudrait plus que de la magie. Ou que celle-ci opère dans la conscience des gens, et fasse en plus table rase du passé. Nous sommes en train de tendre tranquillement mais sûrement vers les extrêmes, favorisés par le jeu des médias, et cela devient normal. On n’apprend rien du passé, de notre histoire.
Heureusement, on sent un bouillonnement dans la jeunesse actuelle qui est prête à crier au monde qu’elle ne se laissera pas marcher dessus.

Parlez-nous de votre projet de téléfilm en préparation, " Un destin ".

C’est une histoire basée sur mon expérience de candidate à l’élection de Miss France, qui emmène à la découverte des coulisses et de cette aventure humaine.

Je voulais absolument le faire, car ce que traverse mon héroïne Nadia en dit long sur notre société actuelle. Sans être passéiste, je trouve que nous avons perdu cette légèreté qui habitait les années 2000, lorsque le monde urbain devint essentiel à une jeunesse bouillonnante, véritable liant social emmené par la victoire des Bleus en 1998. Cette forme de dialogue semble s’éteindre vers un repli identitaire qui fait froid dans le dos.

Dans cette autofiction, j’assume un propos qui me semble essentiel pour tendre à nouveau vers une liberté d’expression et d’humour, arme imparable à toute forme de radicalisme.

Son actu

Retrouvez Sonia Rolland dans la saison 3 inédite de la série Tropiques criminels sur France 2. Un duo de femmes flics qu’elle mène avec sa partenaire Béatrice de La Boulaye.

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