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Rencontre

Vandana Shiva, une femme pour la Terre

Vandana Shiva
Claire-Marie Germain
Claire-Marie Germain
Mis à jour le 25 février 2021
Farouche défenseuse de l’environnement, némésis des entreprises chimiques comme Monsanto, Vandana Shiva s’est fait un nom dans la lutte pour une semence libre en Inde. Elle nous parle de notre rôle de femmes, gardiennes de la fertilité de la Terre.

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Le sourire paisible de Vandana est de ceux qui vous prennent au cœur. Notre rencontre a lieu chez Actes Sud, en plein quartier latin. Son sari coloré détonne dans la froide atmosphère parisienne. Authentique et simple, Vandana nous explique son combat pacifique pour un monde plus respectueux de la Terre, de la semence et des femmes.

Qu’est ce que le monopole des semences et pourquoi est-ce un problème en Inde ?
En 2007, Monsanto essayait d’entrer illégalement en Inde. Aujourd’hui, 95% de la semence de coton en Inde est génétiquement modifiée par la firme. Le prix de la graine a augmenté de 70 000% depuis que Monsanto a établi son monopole. Un fermier en Inde doit s’endetter pour payer ses plants et les pesticides nécessaires. Cette situation le condamne en 2 ou 3 ans à une dette insurmontable. Alors le fermier se rend au champ et boit une bouteille de pesticides pour mettre fin à ses jours. Depuis 1995, on a relevé 291 000 suicides chez les fermiers indiens.

Qu’est-ce que nous, les femmes françaises, pouvons faire pour lutter contre le monopole des semences ?
Les graines ne sont pas créées par les corporations semencières mais par la nature, l’évolution et les femmes : nos grand-mères et arrière-grand-mères qui les ont élevées et croisées. Nous devons regagner la créativité qui est en nous et en la semence et dénoncer le mensonge d’entreprises comme Monsanto qui s’en approprient la paternité. Les lois anti OGM de l’Europe sont en danger notamment à cause de la menace du Transatlantic Trade Investment Partnership, un traité de libre échange entre l’Europe et les Etats-Unis. Les femmes en France doivent rappeler à tous que les corporations fictives sont des entités légales qui n’existent que parce que nous leur en donnons la permission. Si les corporations violent les limites de la terre, de l’éthique, de nos droits, nous pouvons retirer cette permission.

Pourquoi les femmes ont-elles un rôle important à jouer dans la protection de l’environnement ?
Les femmes sont socialement conditionnées à être plus attentionnées car elles ont été réduites à la garde des enfants et au travail domestique. Je dis « réduites » parce que ce travail a été trivialisé, traité comme du non-travail. Pourtant les tâches domestiques sont les seules qui importent réellement. En prenant soin de la terre, on produit plus de nourriture, de meilleure qualité. En s’occupant des communautés, des générations futures et les uns des autres, on crée plus de bien-être et de bonheur dans les sociétés. Si l'économie de marché se féminisait, au lieu de mesurer la croissance, on mesurerait le bien-être. La planète ne pourrait qu’en bénéficier.

Comment nous, les femmes françaises, qui ne sommes pas en contact avec la terre pouvons-nous vivre l’écoféminisme dans notre vie de tous les jours ?
Tous ceux qui mangent sont connectés à la Terre : quelque part dans le monde, la nourriture que vous mangez a grandi. La prise de conscience de cette connexion, c’est ça l’écoféminisme. Et puis, tout le monde peut avoir une plante sur son balcon. Avec cette plante et ce sol, et la graine dont cette plante est née vous pouvez établir une relation de responsabilité et d’attention.

Comment les hommes peuvent-ils changer pour un monde meilleur ?
On a fait croire aux hommes que pour être virils ils devaient dominer les autres et être violents. Pour être plus humains, les hommes doivent se féminiser. Se féminiser, ce n’est pas changer de sexe, c’est abandonner la charge d’une masculinité forcée et adopter les qualités d’attention et de partage que Gandhi voyait comme des vertus féminines. Ma vision du futur est celle d’économies du partage où l’homme, la femme et la nature communient tous ensemble  en égaux.

L’humanité est-elle à un tournant et quels en sont les signes précurseurs ?
L’humanité est à un point de bascule. Les signes ? Le chaos climatique, la disparition des espèces, l’éruption de la violence dans nos sociétés. La démocratie était faite par les citoyens pour les citoyens, maintenant ce sont les corporations qui gouvernent pour préserver leurs intérêts économiques.  La violence est partout, Ferguson, la Syrie, les banlieues de Paris, on vit dans une poudrière. Il est urgent de créer des valeurs de non-violence dans la société. La non-violence, ce n’est pas la faiblesse, c’est la force. C’est réaliser que nous sommes tous inter-connectés. Nous devons vivre avec nos diversités, non pas seulement les tolérer mais les célébrer.

Quels sont vos espoirs pour le futur ?
Que l’humanité réalise qu’elle contemple sa propre extinction. Qu’elle s’engage à défendre, non seulement notre espèce mais toute vie sur la planète. L’humanité a ce potentiel et mon espoir est qu’elle aspire à ce but plutôt que de marcher en toute légèreté vers sa propre destruction.

 

 

Si vous souhaitez en savoir plus sur l'éco-féminisme et le combat pour une semence libre, Vandana Shiva répond aux questions du journaliste Lionel Astruc dans son livre intitulé Vandana Shiva, pour une désobéissance créatrice aux éditions Actes Sud.

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