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Mode

Catherine Dauriac : "La "fast fashion" éthique, ça n'existe pas !"

Evènement Linen Lux / CELC - Paris janvier 2014. ©
Audrey Etner
Audrey Etner
Mis à jour le 25 février 2021
Quelles matières ? Où acheter ? Comment faire les bons choix ? Qui mieux qu'une spécialiste de la mode éthique et des textiles eco-responsables pour un état des lieux de la mode version green ? Catherine Dauriac suit de près les avancées des bonnes pratiques fashion, et nous emmène dans son dressing, vers un comportement plus éco-responsable.

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Où en est la mode éthique ?

De nombreuses boutiques ont fermé ces deux dernières années mais la tendance semble plus positive actuellement. Aujourd'hui, en faisant les salons, en se promenant à l'étranger, on se rend compte que beaucoup de marques se lancent, perdurent avec une démarche éthique, et d'autres commencent à s'intéresser au sujet : matières, traçabilité de la fabrication. Continuons alors à militer et à informer sur la nécessité de ces bonnes matières et de ces bonnes pratiques. 

La "nouvelle" mode éthique est-elle plutôt haut de gamme ?  

Je dirai "moyenne gamme", à tarifs abordables. On commence également à voir arriver quelques pièces en haute couture. Il y a également une tendance à une certaine omerta, dans le sens où de nombreuses maisons intègrent des pratiques durables à leur fabrication, sans pour autant communiquer dessus. Ces deux dernières années, on a beaucoup entendu "le bio a mauvaise presse et fait peur aux boutiques, les gens trouvent ça triste, n'en veulent plus". Donc on ne le dit plus, mais on continue à agir, ce qui est une bonne nouvelle ! 

Quels sont les pays en avance sur la mode éthique ? 

L'Allemagne et la Hollande sont les chefs de file de ce courant éthique. L'Herbe Rouge par exemple, qui vient d'ouvrir une 2ème boutique à Paris, après celle de Roubaix, est distribuée dans 50 points de vente indépendants aux Pays Bas et en Allemagne du Nord. Un beau succès pour cette marque 100% responsable et militante. 

Dans ces pays, la mode éthique n'est pas forcément vendue dans des boutiques 100 % éthique, mais ils ont cette démarche d'aller vers des belles matières, une fabrication saine, éthique et responsable.

Quelles sont les matières émergentes en mode éthique ? 

Au niveau de l'empreinte écologique, la matière qui a le moins d'impact, c'est le coton Pima, un coton bio cultivé sans irrigation. Par contre la production est très faible car il est cultivé en altitude et donc sans pesticide dans des coins reculés du Machu Picchu par exemple. 

Ensuite, on peut considérer à égalité d'impact le lin et le chanvre. Le lin, c'est la fibre locale, naturelle par excellence puisque 85 % de la production française de lin est produite entre Caen et Amsterdam. On trouve aujourd'hui de très belles matières telles que des lins mélangés cachemire, soie. Elles mêlent le toucher particulier du lin et la brillance de la soie ou cette chaleur donnée par la laine.  

La production de chanvre est plus limitée en France, mais reprend peu à peu car la demande se renforce dans le secteur des matières composites : plastiques bio-sourcés, isolation de la maison. C'est une matière extrêmement douce qui revient peu à peu dans la mode ou la maison.  

On peut ensuite parler du coton bio, sans pesticide mais qui demande beaucoup d'eau à la production. A noter, les nouvelles cultures où il est irrigué au goutte à goutte (Afrique), mais cela représente une très faible partie de la production. 

La soie bio est intéressante également. Elle est produite sans ébouillanter le ver à l'intérieur. 

Dans le cas de la laine bio, les moutons sont tondus sans être maltraités, et élevés dans de meilleures conditions qu'en élevage traditionnel. 

Les matières recyclées arrivent également dans les collections avec des initiatives concrètes, comme celle des Chaussettes Orphelines, une association qui transforme vos esseulées en nouveau fil recyclé. 

Et le Tencel par exemple ? 

Oui c'est une matière intéressante, mais tout de même artificielle. J'ai tendance à préférer, à titre personnel, les fibres naturelles, et en allant plus loin, si possible vegan. Dans ce dernier cas, on n'utilise pas de soie ni de laine. L'été, à même la peau, les matières naturelles sont incontournables pour ne pas étouffer la peau. Le lin par exemple absorbe 20 % de son poids en eau, ce qui fait qu'on ne se sent pas humide lorsqu'on en porte. C'est l'une des matières les plus agréables à porter l'été, ou pour son linge de lit. 

Quels sont selon-vous les 3 commandements de la modeuse green ? 

  • S'assurer que les vêtements n'ont pas été fabriqués par des enfants ou des esclaves.
  • Se renseigner sur l'impact écologique de la production du tissu : provenance, teinture.
  • Se fier aux labels, à la traçabilité et la transparence en cherchant sur le site internet de la marque.

Enfin ne pas oublier le style, on parle de mode tout de même ! 

Où trouver de la mode éthique, à des prix abordables ? 

Sur internet en premier lieu car la fermeture de nombreuses boutiques en France a rendu l'offre moins accessible. 

En ce qui concerne le prix, en effet, la Fast Fashion éthique n'existe pas. Ne nous voilons pas la face, il va être difficile de trouver un jean éthique à 19€ ! Un vêtement éthique est un vêtement que l'on va garder plus longtemps, dont on va peut-être moins se lasser, qui ne se déforme pas. Peut-être vaut-il mieux payer un peu plus cher et acheter moins ? On peut aussi acheter en soldes, fréquentes sur internet. 

Aujourd'hui on trouve quand même des pièces éthiques à des prix raisonnables. Mais pour mieux comprendre les prix de la mode durable, il faut aussi considérer les volumes d'achats moindres. Si on fabrique plus, on paye moins cher. En consommant cette mode-là, on soutient les créateurs et on fait baisser les prix. 

Comment s'assurer de la démarche éthique d'une marque de mode ? 

Il faut se renseigner, chercher les informations sur le site internet de la marque. Se méfier aussi du Made in France, qui n'est pas un label et ne signifie rien. Un produit peut être "Made In France" à partir du moment où l'étiquette est cousue en France, c'est dire si on est loin d'une confection française. Bien sûr, ceci n'est pas une généralité, et il y a encore en France des fabricants qui travaillent bien, comme par exemple à Cholet, dans la région de Nantes, ou encore dans le centre de la France. 

Le seul label national existant à ce sujet est l'Origine France Contrôlée, un label national donné avec extrême parcimonie, qui certifie l'origine de la matière à la fabrication finale. Il y a aussi le Made in Europe, avec des pays "bien sous tous rapports" tels que le Portugal, l'Italie, certains pays de l'Est etc.. 

Et ces enseignes de "fast fashion" qui font de la mode éthique, que faut-il en penser ? 

Et bien c'est vertueux dans un sens, comme Puma et sa collection capsule labellisée C2C. Mais si vous voulez parler d'H&M, même s'ils utilisent massivement du coton bio, je ne peux cautionner tant qu'ils conserveront ces conditions de travail dans leurs usines de fabrication.

Dans quels pays est produite la mode éthique aujourd'hui ?  

Beaucoup de créateurs français travaillent avec le Portugal qui abrite encore beaucoup de petits ateliers, fabrique de la très belle maille et des chaussures en cuir végétal. On peut également citer la Turquie, Madagascar, et bien sûr la France qui, même si très chère, reste un pays producteur.

Parlez-nous du salon professionnel Go Fashion Fair dont vous êtes la représentante française. 

La plateforme internet "Green Orange Fashion Fair" a été lancée il y a environ cinq ans par Sylvie Verdierre, une française qui vit à Amsterdam depuis plus de 30 ans et a travaillé pour les salons internationaux de prêt-à-porter. Son objectif était de mettre en avant la création hollandaise éthique. Réunissant au départ une trentaine de créateurs, ce salon est désormais indépendant avec plus de 80 créateurs du monde entier, à Amsterdam, rassemblés pour rencontrer plus de 500 acheteurs sur 2 jours. La 2ème édition aura lieu les 13 et 14 juillet 2014, pendant la Fashion Week d'Amsterdam. Mon but est de le promouvoir auprès des créateurs de mode responsable et de faire venir les acheteurs. 

>> Retrouvez cette interview de Catherine Dauriac et une expérience de lecture optimisée dans le magazine iPad gratuit du mois d'avril 2014.

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