Quel est l’état des lieux du commerce équitable en 2012 ?
Les produits issus du commerce équitable connaissent après une période de forte croissance un ralentissement. Ceci est dû notamment au fait que les consommateurs militants sont déjà fidélisés, l’enjeu est maintenant de pouvoir parler au plus grand nombre. Ceci passe notamment par le fait, dans le cas d’Alter Eco, de bien préciser que les produits sont issus du commerce équitable mais également issus de l’agriculture biologique. Ils sont donc respectueux de la dignité humaine mais également de l’environnement. Enfin, le point clé est surtout de faire savoir qu’ils sont aussi de qualité supérieure. C’est cela qui convainc définitivement un plus large public.
Le commerce équitable, c’est l’ADN de la marque Alter Eco, comment travaillez-vous avec les producteurs ?
Nous travaillons actuellement avec 40 coopératives dans 25 pays, uniquement avec des petits producteurs. Notre démarche se veut également « intégrale » en incluant les interdépendances des enjeux du développement durable (dignité humaine et environnementale, critères agro-écologiques, compensation carbone et préservation forestière). Nous travaillons également depuis peu avec des producteurs français selon les principes du commerce équitable. Les points clés au nord et au sud sont notamment de payer un juste prix aux producteurs et d’apporter aux consommateurs une notion de transparence essentielle : à savoir, le pourcentage du prix qui revient aux producteurs mais également l’origine exacte du produit. Des garanties qui peuvent paraître simples mais ce n’est clairement pas le cas aujourd’hui sur la plupart des produits alimentaires.
Quand on pense commerce équitable, on pense aussi à l’émancipation de la femme. Les femmes sont-elles plus concernées par le travail en coopérative ?
Les femmes sont très actives dans les coopératives au quotidien. Pour comprendre cela, il faut avoir à l’esprit que les petits producteurs détiennent leurs propres exploitations sur des moyennes d’environ un hectare ; c’est donc au quotidien un travail de famille pour gérer l’exploitation, c’est également pour cette raison que cette agriculture est notamment appelé « agriculture familiale ». Selon les projets, la répartition des tâches varie mais on constate souvent que les femmes sont des piliers au quotidien notamment dans la gestion des ressources financières et possèdent un esprit entrepreneurial très fort, avec des décisions pérennes à court et moyen terme.
Pouvez-vous nous donner un exemple de coopérative dont l’histoire vous a le plus touché ?
Je pense surtout à une coopérative au Darjeeling qui s’appelle Mineral Spring. C’est une ancienne plantation héritière des empires coloniaux. Les « managers » ont abandonné la plantation suite à une mauvaise gestion, les producteurs ont alors pu se réapproprier les terres et prendre en main leur destin. C’est un bel exemple d’émancipation des producteurs. Je pense notamment à une femme dans cette coopérative que nous avons rencontrée il y a quelques mois et qui nous montrait où elle vivait il y a une dizaine d’année avec son mari dans une petite maison assez précaire avec les animaux de la ferme et comment patiemment et avec ténacité, ils avaient pu cultiver et ensuite vendre du thé. Avec les bénéfices, ils ont pu construire une maison pour la famille et envoyer leurs enfants dans une école du district de très bonne qualité, où ils obtiennent de très bons résultats. Il fallait voir la fierté dans son regard quand où elle nous racontait l’histoire de sa famille et les résultats scolaires de ses enfants. Elle va notamment participer à la grande marche indienne non violente à laquelle nous participons avec des producteurs français et indiens (voir la question suivante…).
Alter Eco a décidé de participer à la marche non violente des sans terre en Inde, quels sont les motifs qui vous ont poussé à prendre cet engagement ? Pouvez-nous également nous parler du soutien à la marche via différentes interviews de penseurs et le livre Un nouveau monde en marche ?
Nous nous sentons à travers nos engagements pleinement solidaires des combats non violent d’Ekta Parishad : une marche d’un an est actuellement en cours mené par le leader d’Ekta Parishad, Rajagopal, en Inde afin de défendre l’accès à la terre des « sans terre » et de protéger la biodiversité ; l’objectif est de faire pression auprès du gouvernement indien pour obtenir des engagements concrets.
Une manière d’apporter notre soutien et de signifier concrètement notre engagement est la participation à la marche avec des producteurs français de la Corab (Coopérative régionale d’Agriculture Biologique) de Charente Maritime et des producteurs de Mineral Spring (Darjeeling) en octobre 2012.
Le fait de participer à la marche avec des producteurs du nord et du sud permet de créer du lien entre les producteurs mais également de mettre en exergue la similitude des causes défendues au nord et au sud. Les médias aujourd’hui opposent souvent les problématiques nord-sud avec une tendance actuelle au repli sur soi.
Ils existent pourtant des similitudes et des enjeux communs au nord et au sud notamment la disparition dans les deux cas d’une agriculture en polyculture de petite et moyenne surfaces. Et dans les deux cas, des solutions existent avec le soutien aux producteurs via le commerce équitable et une agriculture en agro-écologie avec des rendements satisfaisants.
J’ai notamment, dans le cadre de la réflexion sur ces solutions, interrogé des personnalités phares sur ce point et de manière plus large sur comment la non violence peut permettre de répondre aux enjeux contemporains à travers l’économie, l’agriculture, l’écologie, le changement individuel et collectif… Les questions de la transformation personnelle indissociable du changement collectif et les moyens de cette transformation sont également abordées (la vie dans l’instant présent, la méditation, l’apport des traditions spirituelles, la spiritualité laïque…). Le tout est relaté dans le livre Un nouveau monde en marche dont je suis co-auteur avec Etienne Godinot de Gandhi International aux éditions Yves Michel; la préface est de Stéphane Hessel et on peut notamment retrouver les interviews d’Akhenaton, Christophe André, Jean-Marie Pelt, Pierre Rabhi, Mathieu Ricard, Jean Ziegler…
Retrouver toutes interviews en vidéo
A votre avis, que manque-t-il au commerce équitable pour « s’imposer » auprès des distributeurs et des consommateurs ?
Nous avons à cœur de faire comprendre aux consommateurs que les produits sont vraiment de très bonne qualité. C’est notamment pour cela que nous avons recruté 5 000 ambassadeurs afin qu’ils puissent goûter nos chocolats et ensuite, s’ils sont convaincus pouvoir faire goûter ces chocolats à leurs proches… Nous travaillons à mettre en avant des recettes et des astuces pour cuisiner avec les produits Alter Eco.
Quel est l’avenir du commerce équitable ?
L’avenir du commerce équitable passe par le fait d’allier commerce, qualité, agriculture biologique et se faire plaisir en dégustant les produits. Il faut également faire comprendre à nos consommateurs qu’à un prix similaire à une marque nationale, on peut se faire plaisir tout en respectant les producteurs et en préservant l’environnement…
Quelles sont les nouveautés d’Alter Eco ?
Nous venons tout juste de lancer pour les amateurs de chocolat une gamme avec des pourcentages de cacao variant en intensité afin de pouvoir satisfaire tous les palais. Du noir intense 60% au chocolat noir à 90%, tous les amateurs et connaisseurs peuvent trouver leur plaisir.
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