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Territoires en transition : rencontre avec Lionel Astruc

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credit cooperatif Economie humaine
Anne Ghesquière
Anne Ghesquière
Mis à jour le 25 février 2021
Ca bouge dans les villes ! Le nouveau monde se construit par le vivre ensemble et oblige à redéfinir le vivre ensemble urbain. Une chance à saisir pour devenir acteur de notre futur ! Rencontre avec Lionel Astruc autour de la question des villes en transition.

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Quel est ton parcours ?
Après Science Pô je suis devenu journaliste et me suis rapidement spécialisé dans les enquêtes de terrain sur les filières qui nous approvisionnent en produits de grande consommation en me posant cette question très basique : où sont fabriqués ces vêtements que je porte ou ces aliments qui me construisent ? Mes reportages réalisés le plus souvent dans des pays lointains mais aussi en France étaient publiés dans Libé, l'Express, la Vie et d'autres journaux. Je les ai ensuite rassemblés dans une série de livres. Naturellement j'ai découvert les filières pionnières de la transition écologique et les acteurs de ce mouvement. Puis j'ai rencontré Cyril Dion qui créait la collection Domaine du Possible où j'ai écrit mes quatre derniers livres dont un sur Vandana Shiva et le tout dernier à propos de Rob Hopkins.

Comment as-tu rencontré Rob Hopkins ?
J'ai vraiment découvert tout le potentiel de ce qu'il faisait en 2011 lorsque nous avons adapté son livre Local Food avec une autre journaliste (Cécile Cros) ce qui a donné le livre Manger Local dont il a écrit la préface. J'avoue que j'ai aussitôt été emballé par son action mais aussi beaucoup par ce qu'il incarne lui-même.

Qu'est ce qui t'a plu dans le personnage ?
Il est très rare de rencontrer des personnes aussi efficaces, charismatiques et finalement influentes, avec un comportement aussi naturellement humble, plein d'autodérision et d'humour. Je le dis sincèrement et sans exagération : cette rencontre m'a transformé, tant par le message que véhicule Rob que par sa personne, ce qu'il dégage. Comme je l'explique dans le livre son mouvement de la Transition est aussi débordant d'enthousiasme qu'est vide et triste le consumérisme ambiant et Rob Hopkins est l'incarnation de cette énergie communicative  pour l'enthousiasme viscéral qu'il incarne. 

Qu'est ce qu'une ville en transition ?
Face à des décennies d'inertie politique, face à la crise écologique, la Transition propose aux citoyens de se réunir pour organiser une nouvelle économie à l'échelle de leur territoire. Un nouveau modèle à partir des atouts disponibles localement : mettre en place des circuits courts et cultiver toutes les terres disponibles (jardins, toits, squares municipaux etc...) ; regrouper ses concitoyens autour d'un projet de coopérative d'énergies renouvelables de proximité ; ne plus fulminer à propos des banques et de la bourse, mais adopter une monnaie locale qui fertilise le territoire etc. Après une première expérience très réussie à Totnes, l'idée s'est également répandue dans 1200 villes de 47 pays. Chacune transforme son territoire pour le rendre plus autonome et plus résilient face aux chocs qui s'annoncent. 

Parles-nous de le ville de Totnes ?
C'est la ville qu'habite Rob. Un jour de l'année 2005 il est parti frapper à la porte de ses voisins, alors qu'il venait à peine d'emménager. Il leur a proposé rien de moins que se réunir pour organiser une nouvelle économie à l'échelle de leur territoire. Mais pour mettre en ?uvre cette transformation Rob Hopkins ne comptait sur le soutien d'aucune grande entreprise ni d'aucun responsable politique. Les initiatives créées par les habitants (vergers sur les squares municipaux, monnaie locale, ateliers de réparations de vélo etc....) ont créé une synergie incroyable et réuni de plus en plus de citoyens. Ce phénomène d'accélération est fascinant . Prenons un exemple concret : une femme a lancé une entreprise appelée « cultivé à Totnes » (Grown in Totnes). Elle moud de l’avoine locale redonnant vie à un ancien moulin. Beaucoup d’habitants ont apporté leur soutien humain et financier à cette entreprise de meunerie et à sa gérante, ce qui lui a apporté la confiance dont elle avait besoin. La brasserie locale - également créée par des participants du mouvement - a aussi proposé d’utiliser son avoine pour la production de la bière artisanale de Totnes. Mais ce n’est pas tout : la brasserie et d'autres clients ont utilisé la monnaie locale pour payer.  En fait, lorsqu’ils créent un projet, les transitionneurs voient immédiatement comment ils pourraient le lier aux initiatives existantes. Ces connexions sont une grande partie du travail de notre organisation. 

Et en France ? 
La France est l'un des territoires où la Transition s'est rapidement propagée. Dès 2009 des Français sont allés à Totnes se former pour créer des groupes locaux et les membres du Réseau de la Transition se sont également déplacés en France, notamment à l'occasion d'un rassemblement à Lyon de tous les représentants nationaux de la Transition. Il existe aujourd'hui 85 groupes qui s'activent dans l'hexagone. Vous pouvez trouver le votre sur transitionfrance.fr. De même cinq formateurs officiels proposent aussi des cessions qui s'adressent à tous ceux qui souhaitent lancer le mouvement chez eux. Les initiatives menées par les groupes français sont très variées : il existe par exemple des « Répar'Cafés » où les habitants se regroupent autour d'amateurs de bricolage capables de réparer les objets dont la vie peut facilement être prolongée  ou encore des repas où l'on peut apprendre à cuisiner local et végétarien, sans compter les Forum REconomy qui mettent en contact des porteurs de projets d'entreprises locales et des citoyens prêts à les soutenir sur le territoire. 

Et toi, à ton échelle, es-tu dans une ville en transition ?
J'habite plutôt dans un petit village des Alpes dans une région qui, sans le savoir, transitionne déjà depuis bien longtemps : on y trouve des circuits courts qui fonctionnent très bien, une production locale très variée (même du bon whisky fabriqué ici de A à Z !) de petits collectifs d'entraide, je fais également partie d'une coopérative énergétique (Centrales Villageoises). C'est ici qu'en 2008 le tout premier Territoire en Transition a été formalisé. Mais à vrai dire cela n'apportait finalement pas grand chose en plus car beaucoup d'habitants se mobilisaient déjà. 

Comment la transition d'une ville est-elle aussi une transition de soi (et inversement) ?
Comme le dit Rob Hopkins « l'une des choses les plus irresponsables que l'on puisse faire est de projeter à quelqu'un un film sur le changement climatique et le laisser seul dans le noir...  Il faut accompagner les gens qui prennent conscience du problème, leur donner un espace où ils peuvent digérer la mauvaise nouvelle et ensuite intégrer ce qui va se passer dans leur vie. » La Transition n'est pas seulement une affaire de panneaux solaires et de carottes, ce qui se passe à l'intérieur est aussi important que ce qui se passe en dehors. Le mouvement de la transition à Totnes par exemple a une culture de la pleine conscience à l'échelle collective : il s'agit d'avoir une conscience plus claire et profonde de ce qui se passe à l'intérieur de l'organisation, entre les membres, en filigrane, parallèlement à l'action elle-même. A Totnes les membres ont mis en place les pratiques adaptées : pour désamorcer ces problèmes et faire du mouvement un endroit où l'on vient avec plaisir, ils tiennent des réunions régulières pour aborder les attentes de chacun et ce qui se passe en marge de l'action elle-même. Ils alternent des réunions classiques et d'autres portant sur l’être. Ces dernières donnent l’occasion de se poser la question « comment ça va ? » et l'ensemble est accompagné par des psy formidables qui mettent de l'huile dans les rouages. 

Comment agir ici et ensemble ?
Chacun a des domaines de prédilection où il peut  être utile tout en s'épanouissant. C'est dans ces domaines qu'il faut donner du sens à ce que l'on fait. Pour certains cela concerne le travail, pour d'autres la vie de quartier, certains accordent une grande importance à l'alimentation, d'autres  voient la consommation d'énergie comme une question plus abordable... A chacun de s'investir où il se sent utile. Ensuite les actions se recoupent et s'entremêlent, c'est la magie de la Transition.

Quel est ta plus grande espérance ?
Les membres de la Transition sont soulagés d'un poids, celui de la passivité face à l'urgence écologique. Je souhaite que chacun puisse connaître cette satisfaction qui change tout !

Une citation qui t'inspire ?
« Rien n'est plus puissant qu'une idée dont l'heure est venue ». C'est de Victor Hugo.

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