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Bernard Werber nous fait rêver !

Bernard Werber
jeune femme dort Sommeil au naturel
Anne Ghesquière
Anne Ghesquière
Mis à jour le 25 février 2021
Dans son dernier roman, "Le Sixième Sommeil", Bernard Werber nous propose un voyage dans notre sommeil et ses terres oniriques… une exploration passionnante dans l’univers de tous les possibles !

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Bernard Werber est un romancier autant qu’un explorateur. Avec humour, sincérité et une grande force de vie, il nous livre, le temps d’une parenthèse enchantée, sa vision du sommeil, du monde onirique et du monde éveillé, de la relativité d’Einstein, du pardon... Entrevue passionnante avec un homme qui vit en conscience et dans la joie, à l'occasion de la sortie de son nouveau livre, Le Sixième Sommeil.

Bernard, pourquoi n’explore-t-on pas plus le continent du sommeil et du rêve alors qu’on dort si mal ?
On passe un tiers de notre temps à dormir mais ce tiers de temps est considéré comme un simple temps de récupération, exactement comme un téléphone qu’on branche le soir pour qu’il se recharge, et non comme un moment où des choses se passent en nous.

Quant aux rêves, ils sont considérés comme un résidu de ce temps de repos. Il faut remonter aux sources des mythologies pour retrouver l’importance des songes, comme dans l’Ancien Testament dans lequel on trouve de grands prophètes dont les visions sont issues de rêves. Chez nous, on n’a plus de gens qui disent "J’ai rêvé de ça" et, d’un coup, toute la société bouge.

Les gens s’intéressent au sommeil quand ils commencent à ne pas dormir, quand ils ronflent ou quand ils commencent à faire des crises de somnambulisme… donc quand il y a un problème. J’ai écrit Le Sixième Sommeil pour donner la possibilité d’une prise de conscience. Tout mon travail dans mes livres est de donner conscience aux lecteurs que toute chose peut présenter un intérêt ; cette fois-ci, j'ai choisi le sommeil.

Êtes-vous un écrivain prophétique en ce sens ?
Ce n’est pas à moi de le dire ! Cela m’amuse en tout cas de jouer avec le pouvoir qu’amène le roman. Quand j’écris, je ne comprends pas très bien ce que je fais. J’ai l’impression que ce doit être fait, comprenne qui pourra. Si le lecteur est lui-même éveillé ou en conscience, mon roman va résonner différemment en lui.

Pour ceux qui veulent juste voir l’aventure de mon héros qui apprend à dormir, Le Sixième Sommeil, c’est ça. Pour ceux qui veulent y voir une initiation personnelle pour apprendre à dormir, c'est aussi cela.

Notre métier a beaucoup de points communs avec le chamanisme : c’est un métier de réconciliation du monde réel et du monde imaginaire. Je vais donc toucher plus fortement les gens qui ont déjà une sensibilité spirituelle. Pour les autres, ils vont juste lire une jolie histoire.

Quel rêveur êtes-vous et qu’est-ce que le livre a changé pour vous ?
Avant d’écrire le livre, j’ai eu une période d’insomnie car j’ai eu un petit bébé qui ne dormait pas la nuit.

Pendant la préparation du livre, je me suis dit qu’il me fallait de la documentation sur mon sommeil. J’utilise donc l’hypnogramme (Objet inconnu: graphique qui permet d’analyser les phases du sommeil) ; grâce à mon téléphone je lis mon Sleepcycle. Je note tous mes rêves et je sais jubjoter, c'est-à-dire que j'émerge d'un rêve interrompu et que je peux refermer les yeux et le reprendre là où je l'avais laissé. Parfois, ça marche.

Je dors aussi de mieux en mieux et j'ai eu beaucoup de plaisir à apprendre, au fur et à mesure de l’écriture du roman, sur des sujets tels que le somnambulisme, l’apnée du sommeil, etc.

Existe-t-il, selon vous, un "sixième sommeil", comme dans votre roman ?
Ce que j’appelle "sixième sommeil" est un état d’hibernation et de modification d’état du sommeil paradoxal, avec une intense paralysie du corps et une intense activité du cerveau.

Je ne suis pas scientifique, je suis romancier.

J’ai donc inventé le sixième sommeil en espérant qu’il existe, comme Christophe Colomb a inventé l’Amérique en espérant qu’il allait la trouver. Tant que la science n’a pas rejoint mon roman, on peut considérer que c’est une intuition.

Aimeriez-vous, à l’instar de Jacques Klein, votre héros, avoir une conversation avec le Vieux Bernard du futur et le Petit Bernard du passé ?
Le Petit Bernard était très peureux, j’aimerais le rassurer. Il me tardait de sortir du système scolaire, de l’univers familial, de Toulouse… Je lui dirais: "T’en fais pas, tu vas pouvoir sortir de cette prison et déployer tes ailes".

Pour le Vieux Bernard, tout ce que je fais c’est pour ne pas le décevoir et pour qu’il soit le plus en forme possible, qu’il garde la capacité de créer pendant très longtemps.

Le rêve pourrait-il emmener une société vers le pacifisme, comme cela semble être le cas pour le peuple des Senoï ?

Oui, le fait de raconter cette histoire montre qu’une humanité qui s’intéresse à son sommeil et à ses rêves a moins de chance de devenir folle et suicidaire. C’est ce que j’ai perçu intuitivement. On peut constater que les Senoï ne sont pas un peuple guerrier, qu’ils ont l’air heureux et épanouis.

Justement, nous évoquons l'humanité. Quel est votre sentiment quant au défi climatique qui nous attend ?
Le climat va vraiment mal ; la clé du système c’est d’arrêter le gaspillage, ce qui veut dire demander à tout le monde de faire des efforts.

Il y a un moment fort dans le livre, quand le héros dit : "Au fond de moi, en réalité, je n’ai pardonné à personne". Pensez-vous que le pardon véritable soit possible ?

Est-il nécessaire ? Je n‘en suis pas sûr. Il faut arrêter de tout le temps vouloir nettoyer la cave de la maison, c’est plus intéressant d’y ajouter des étages. C’est pour cela d’ailleurs que je n’aime pas la psychanalyse car pour moi c’est replonger dans la cave.

Pourtant, si elle n’est pas au niveau du sol, il y a des raisons. Je préfère monter tout en haut de la tour Eiffel que d’aller dans les catacombes. Je préfère m’élever, imaginer, construire. Nos parents, le passé, cela nous est tombé dessus. Pourquoi devrait-on payer tout le temps pour ça ? Donc je crois que je ne pardonne pas mais je passe à autre chose. Le pire que je puisse faire à quelqu'un qui m'a fait du mal, c'est l'oublier !

Pensez-vous donc qu’il y a une manière plus constructive de jouer avec son inconscient?
Oui, par le rêve qui produit un film rigolo avec ses mauvais souvenirs. C'est de la métabolisation : je digère les choses du passé.

Dans Le Livre du voyage, je disais qu’il valait mieux entretenir les zones saines que de vouloir soigner ce qui ne peut l’être. Je l’ai écrit comme ça, je ne me rendais pas compte, puis je l'ai appliquéObjet inconnu: j’avais des problèmes de cœur, alors je me suis mis au sport. Je me fais une raison : s’il y a des choses qui ne marchent pas bien dans mon corps, et bien tant pis, je vis avec. Et j’ai une maladie embêtante, la spondylarthrite ankylosante.

Je considère que cela fait partie de moi. Normalement elle doit me rendre invalide. Par chance elle me laisse tranquille depuis que je me suis mis à écrire. Je la tiens à distance en étant heureux.

Vous parlez beaucoup de la noosphère, cette sorte de conscience collective. Que savez-vous de cet espace ?
Ce que j'en sais, c'est ce que l'on m'en a dit. Si je m'y connecte, je le fais inconsciemment. J'espère que je m'y connecte quand je rêve. L'idée me plaît. Étant romancier, je le décris avec un maximum de détails et, quand les gens le vivent eux-mêmes, mes mots trouvent une résonance en eux. J'ai l'intuition qu'il existe quelque chose comme un nuage où se rencontrent tous les esprits humains et j'aime cette idée.

Quand on a une croyance, devient-elle la réalité ?
Elle devient la réalité pour soi car en fait toutes les réalités sont subjectives. Le monde que l'on connaît, on le fait exister mais il ne faut pas en être prisonnier ; il faut être conscient que c'est notre pensée qui l'a fabriqué.

Donc, pour vivre heureux, a-t-on besoin de prendre conscience de cela ?
Oui, en se disant que tout ce qui est dans notre cerveau, ce sont des croyances. Il n’y a aucune certitude, comme l’exprimait Einstein avec "Tout est relatif" !

Je raconte cette histoire dans le livre : trois aveugles arrivent devant un éléphant. L’un touche la trompe et dit que c’est une plante. L’autre touche les jambes et dit que c’est un arbre. Le troisième touche la queue et dit que c’est une fleur. Les trois ont leur croyance, leur vérité, et aucun n’a menti. Par contre quand celui qui a trouvé que c’est une plante veut convaincre à tout prix que c’en est une, là cela devient de la tyrannie et de la stupidité.

Quels sont les retours du public concernant votre livre Le Sixième Sommeil ?
J’ai retrouvé mon public car je touche un sujet quotidien. Peut-être aussi qu’à cette époque un peu dure, les gens ont besoin de se rappeler que, pendant le sommeil, ils relâchent la pression et s’ouvrent à un monde imaginaire.

Le Sixième Sommeil, aux Editions Albin Michel, 22

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