Partenaire
Inspirer, Faire du bien

Chronique

Sein de corps et d'esprit : "Métro, boulot, chimio, dodo" [Chronique 4]

cancer du sein sonia bellouti
Sonia Bellouti : "Le jour de mon entrée en clinique, j’ai reçu un sms d’encouragement de ma responsable me souhaitant le meilleur pour ce qui allait suivre."
sonia bellouti Sein de corps et d'esprit
Sonia Bellouti
Sonia Bellouti
Mis à jour le 25 février 2021
Après le diagnostic de mon cancer du sein, puis l'acceptation de celui-ci, je pensais devoir renoncer à mon futur emploi et à mon bonheur...

Partenaire

"J’ai reconnu le bonheur au bruit qu’il a fait en partant". Jacques Prévert 

Quelle injustice m’étais-je dit, pourquoi m'accorder ce que je désirais si c’est pour me le reprendre tout de suite après ? La roue avait tourné, je goûtais aux fruits de la patience et de la persévérance, enfin une place au soleil après toutes ces années : un amoureux tout neuf, un fils qui s’épanouissait et finalement une proposition de job séduisante. 

…. Mais mon bonheur n’a pas duré et a été vite remis en question par la maladie. 

Si j’insiste, c’est vraiment pour t'expliquer dans quelles dispositions j’étais quand la nouvelle est tombée. C’est pour ces raisons que, sans doute, j’avais plus peur de renoncer à tout cela que de perdre la vie. Je réalise que le risque d’être à nouveau dépossédée, et de tout devoir recommencer après tant d’efforts et de galères était au dessus de mes forces, c’était déjà mourir un peu. 

"Des-espoirs"

C’est pour cette raison que j’ai consulté médecins, thérapeutes, guérisseurs et magnétiseurs. Je voulais trouver celui ou celle qui allait me sauver du désespoir. Je voulais à tout prix trouver le moyen de passer au travers des traitements lourds, handicapants, fatigants, invalidants auxquels j’étais destinée. Franchement, à quoi te fait penser le mot "chimio" ? A des personnes exsangues, sans cheveux ni sourcils, épuisées, alitées. Ca ne donne pas envie, n’est-ce pas ? Ca sent la mort, et je refusais d’en être. 

A chaque rendez-vous, comme une rengaine, j’expliquais mon enjeu, j’étalais mes angoisses : je veux garder le poste qu’on me propose, je veux avoir une vie amoureuse normale, je veux soutenir mon fils qui passe son bac, je veux vivre (respirer, exister, me projeter) et m’épanouir. Je cherchais des réponses à mes attentes, un miracle, une baguette magique, j’espérais une erreur dans le diagnostic, une inversion du processus, défier les pronostics et les statistiques. J’étais prise d’une rage de vivre que je ne me connaissais pas. C’est fou la force qui survient quand on est sur le point de perdre l’objet de ses désirs. 

Mais plus j’avançais dans les examens médicaux, plus le tableau s’obscurcissait : chirurgie obligatoire, cancer multifocal et ganglions touchés nécessitants plusieurs séances de chimiothérapies et pour finir le travail de nettoyage, au moins 20 séances de radiothérapie. En tout j’en avais pour 9 mois de traitements divers et (a)variés. 
  
Le plus étonnant, c’est que plus on posait des mots sur mon mal, plus j’avais une vision factuelle de mon cancer, plus il me devenait facile d’en parler et de l’accepter. 

>> Pour une expérience de lecture optimisée, retrouvez cette chronique mensuelle dans le magazine iPad de mai 2014, en téléchargement gratuit sur l’AppStore

J'ai appelé ma future responsable, prête à renoncer au poste 

Deux semaines avant la date officielle de mon embauche, j’ai recontacté mon employeur. J’avais vu assez de médecins, consulté assez de thérapeutes et effectué tous les examens pour savoir exactement où j’allais… J’étais prête à renoncer à mon poste, la priorité était de prendre soin de moi et de m’occuper de ma guérison. La mort dans l’âme, j’ai appelé ma future responsable, j’ai pris ma respiration et je lui ai annoncé que malheureusement ça n’allait pas pouvoir se faire, que j’étais désolée d’annoncer cela si près de la date de ma prise de fonction, mais là c’est un cas de force majeure : je devais me faire opérer d’un cancer du sein. 

Je me souviens encore de ce jour de fin octobre, il faisait beau et un peu frais. J’étais dans un grand parc parisien, et je profitais des derniers jours de liberté et de douceur avant l’entrée dans l’arène. 

Au bout du fil, j’ai trouvé une femme touchée par la nouvelle, compatissante et bienveillante. Il n’était pas question pour moi de négocier quoi que ce soit dans cette situation. Sincèrement conciliante, je me souviens lui avoir exprimé qu’il n y avait pas de bonne ou mauvaise décision et que je me pliais aux dispositions qui allaient être prises, compte tenu des nouveaux éléments, que ma priorité était de me soigner, et la leur de faire tourner une entreprise. 

Posément, elle me répond qu’elle va en parler à la DRH et le DG, les deux autres personnes qui avaient participé à mon recrutement, et me recontacter plus tard. En attendant, elle me conseille de consulter de très bons homéopathes, dont un cancérologue, qui pourraient m’aider. 

"On verra bien et on fera avec", m'a dit mon employeur

Deux jours plus tard, je me trouvais dans le métro, j’étais dans ma phase post acceptation (tu sais, cette nuit où j’ai eu le déclic de lâcher prise), quand elle m’a rappelé. Ses premiers mots ont été "Sonia, on vous soutient à 200%". Je m’attendais à un "mais…" et à ma grande surprise elle m’annonce qu’ils maintenaient mon embauche, qu’ils allaient changer les dates de mon contrat en fonction de l’intervention chirurgicale et de la période de convalescence nécessaire. 

Dans un souci d’honnêteté et de transparence, j’ai insisté sur le fait que j’allais avoir des séances de chimio qui risquaient d’être très invalidantes et peu compatibles avec une prise de poste. Elle me répond, "On verra bien et on fera avec…." 
  
Lorsque je raconte cet épisode, j’en ai à chaque fois le frisson. J’étais si contente de constater que l’on me laissait une chance de faire mes preuves, d’avoir été recrutée non pour de simples compétences mais pour ce que je suis. J’avais la preuve aussi d’avoir fait le bon choix en voulant intégrer cette entreprise, moi qui étais à mon compte depuis des années pour préserver ma liberté.

Je me sentais chanceuse et reconnaissante, et je le suis encore aujourd’hui. J’ai pris conscience de ma bonne étoile malgré l’adversité. 

Cependant, j’étais assez lucide pour savoir que cela n’allait pas être facile. Commencer un nouveau job n’était déjà pas simple et plutôt stressant, et encore plus dans ces conditions. Mais tu n’imagines pas l’énergie que cela m’a procurée. J’étais si heureuse que l’on me fasse autant confiance, que mon estime de moi a fait un bond de géant en l’espace d’une journée. Je me suis sentie pousser des ailes. 

C’est dans un état de légèreté plein d’optimisme que je me suis préparée les jours suivants à mon intervention. J’avais un objectif et un but : me donner toutes les chances de guérison et me prouver que j’étais capable de trouver les ressources nécessaires pour m’assurer la vie la plus normale possible.  

"Tu ne sais jamais à quel point tu es fort jusqu’au jour où être fort reste la seule option" Bob Marley 

Je suis retournée voir mon praticien en médecine traditionnelle chinoise spécialisé en oncologie. J’avais besoin d’être confortée sur les possibilités de tout mener de front et je ne voulais pas être seule face à ce nouveau défi. Quel a été mon soulagement quand il m’a dit qu’avec un traitement adapté à chaque étape de mon protocole il allait pouvoir limiter les dégâts au minimum et surtout me donner les forces nécessaires pour assurer mon quotidien. Je me souviens de sa phrase : "il va falloir suivre une discipline de sportive de haut niveau et vous y arriverez". 

La discipline est devenue ma routine. Travailler, bien dormir, manger très sainement et équilibré, ne pas boire d’alcool, me reposer le plus souvent possible, jamais d’excès …et prendre rigoureusement mon traitement de "pharmacopée chinoise". 

Le jour de mon entrée en clinique, j’ai reçu un sms d’encouragement de ma responsable me souhaitant le meilleur pour ce qui allait suivre. Le mois suivant et trois jours à peine après ma première séance de chimio, j’ai pris mes fonctions. 

Et c’est ainsi que j’ai réussi à surmonter les difficultés et la fatigue pendant six mois, soit onze séances de chimio. 

Mon rituel était simple et efficace ; la veille de mes chimio, j’observais un jeun (conseil de mon homéopathe cancérologue). Mes chimio avaient lieu systématiquement le vendredi, ce qui me laissait tout le week-end pour me reposer et m’en remettre. Je reprenais mon travail dès le lundi suivant.

J’ai travaillé à plein temps, et quasi sans interruption. Je ne dis pas que cela a toujours été aisé. Non, j’ai connu des moments de très grande fatigue. Je crois que tu ne sauras jamais ce que c’est que l’état d’épuisement si tu n’expérimentes pas une maladie grave. Une fatigue qui n’a rien à voir avec celle que j’ai pu connaitre en travaillant trop ou en dormant peu. 

Cette fatigue semblait se manifester dans chacune de mes cellules. J’avais parfois beaucoup de peine à quitter ma chaise de bureau, j’étais essoufflée dès que je montais quelques marches et j’avais du mal à rester debout dans les transports en commun. Mais je tenais le coup, parce qu’à chaque jour suffisait sa peine et … sa fête. Je pouvais être épuisée un jour et presque en pleine forme le lendemain. 

Parce que me sentir active et utile me donnait une vitalité que je puisais dans un courage et une volonté que je ne me connaissais pas. J’y suis arrivée, c’est le principal, et je ne remercierais jamais assez toutes ces personnes bienveillantes qui ont rendu cela possible. Mes collègues, mes thérapeutes, mon homéopathe et mes proches.

Pour une expérience de lecture optimisée, retrouvez cette chronique mensuelle dans le magazine iPad de mai 2014, en téléchargement gratuit sur l’AppStore

Découvrez FemininBio Magazine en version papier ou PDF ! Achetez nos éditions depuis notre boutique en ligne.

Partenaire

Vous aimerez peut-être

Coups de cœur

Chaque semaine, des partages conscients et inspirants dans votre boîte mail.

Inscrivez-vous gratuitement !

Partenaire