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Sein de corps et d'esprit : "J'ai les boules... " [Chronique 1]

Est-ce que j’aurais de la chimio ? Est-ce que je peux l’éviter ? Est-ce que je peux travailler pendant les traitements ?
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sonia bellouti Sein de corps et d'esprit
Sonia Bellouti
Sonia Bellouti
Mis à jour le 25 février 2021
Il y a des choses que j'avais gardées pour moi tous ces mois et que j'aimerais enfin dévoiler. Des choses intimes que je ne pouvais pas partager avec mes proches, et que j'aimerais dire au fil des chroniques... enfin libérée de mes peurs. Aujourd'hui je témoigne sur le cancer du sein, en vous le racontant comme à une amie.

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C’était une drôle de journée, de celle où le meilleur côtoie le pire, enfin si tu me permets le mot drôle, je dirais plutôt étrange. Tu sais à quel point la vie ne manque pas d’imagination. 

C’était un jeudi matin, ma valise était prête. J’avais rendez-vous à 9h avec ma gynéco, ensuite un tour au bureau et quelques affaires courantes à régler. Pour finir la journée, aéroport et embarquement pour un week-end à Rome avec mon amoureux. La veille, la secrétaire médicale m’avait contactée pour me convoquer pour le lendemain. Ça ne présageait rien de bon…

Un an avant je n’avais rien, les examens de routine étaient normaux. Je menais une vie insouciante, routinière, en quête de sens. Un an avant, mon amoureux et moi avions décidé de nous installer ensemble, nous filions le parfait amour tout frais, tout frêle. Et puis est venu une proposition de poste, celui que j’espérais depuis des années. Mon existence prenait un nouveau départ  prometteur, j’étais heureuse et enthousiaste. Mais tu sais comme la vie peut être surprenante. 

L’inattendu m’a été servi un matin après la douche. Je ne sais pourquoi j’ai posé ma main sur le sein gauche et j’ai sentie une petite boule à fleur de peau. À chaque fois que je repense à ce moment, je suis stupéfaite de l’évidence avec laquelle j’ai su que ça n’avait rien de bénin. Sans rien révéler de ma découverte, ma première réaction a été d’aller me blottir dans les bras de mon amoureux et lui dire combien je l’aimais. 

Comme tout le monde, j’imagine que cela t’est déjà arrivé de te poser des questions par rapport à une douleur inhabituelle, un bouton bizarre ou un grain de beauté un peu vilain. À moins d’être hypocondriaque, tu ne paniques pas et tu attends la première occasion pour en parler à ton médecin sans aucune forme de précipitation. Mais là tu vois, un long frisson m’a traversé le corps, je me suis regardée dans la glace et j’ai su que plus rien n’allait être comme avant. 

D'examen en examen, j'avais les boules

C’était un samedi, dès le lundi suivant j’avais une ordonnance pour une mammo et une échographie. Quelques jours plus tard, l’examen avait effectivement décelé deux nodules douteux. Le radiologue avait beau me dire que dans 80% des cas cela était bénin, je n’étais pas rassurée et lui non plus je suppose, car il m’a suggéré de prendre au plus vite un rendez-vous pour une biopsie ; seul cet examen pouvait trancher sur la nature des boules. 

J’avais les boules, c’est le cas de le dire, d’autant que j’ai dû attendre 15 jours avant d’avoir un rendez-vous pour une ponction. Pendant ce temps je n’ai rien dit. Je ne voulais alarmer personne et plus égoïstement j’étais convaincue qu’il était plus facile pour moi de ne pas y penser si je ne lisais pas la peur et les questions dans les yeux d’autrui. Même avec le recul je ne regrette pas le choix que j’ai fait de me taire. 

Retour au cabinet de radiologie, examen, ponction, et là on m’annonce qu’il faudra encore attendre deux semaines avant les résultats. Mes parents partaient au Canada fêter les 70 ans de mon père. Pas question de leur gâcher le séjour et la fête. Tout ce temps j’ai gardé le secret, mes craintes, mes interrogations mais aussi une forme de confiance. 

C’est pas rien le cancer. En même temps, je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait. Je connaissais trois cas de cancer du sein, trois personnes, trois issues très différentes. D’abord une amie qui en était décédée un an plus tôt, une connaissance dont la tumeur a nécessité une mammectomie,  mais comme il n'y avait pas besoin de traitement (ni chimio, ni séance de radiologie), l’ablation et la reconstruction mammaire ont été réalisées au cours de la même intervention. Deux mois plus tard elle vaquait de nouveau à ses occupations. Et puis une troisième femme, plus âgée que moi, qui trainait son cancer de traitements en rémissions, sans guérison depuis plus de trois ans…. 

Et moi, et moi, émois !? 

Verdict : cancer du sein  

Qu’est-ce que je te disais déjà ? Ah oui, j’avais rendez-vous avec ma gynéco. Elle avait reçu les résultats de ma biopsie et si elle me convoquait aussi rapidement c’est que cela ne présageait rien de bon. Quand le verdict est tombé, je n’étais non seulement pas étonnée mais très calme. Je me souviens lui avoir dit : "tiens, je croyais que le ciel nous tombait sur la tête à l’annonce d’un cancer". Et devine à quoi j’ai pensé en premier ? Au poste que l’on venait de me proposer, tu sais quelques semaines avant. Et là j’ai bombardé mon médecin de questions.

Est-ce que j’aurais de la chimio ? Est-ce que je peux l’éviter ? Est-ce que je peux travailler pendant les traitements ? Est-ce qu’une ablation est envisagée ? Combien de temps il faudra pour me remettre d’une vie "la plus normale possible" avec mon nouveau copain indésirable "le crabe" ? 

Je suis sortie de là un peu sous le choc quand même. En arrivant au bureau avec ma valise, tout le monde ne voyait que la chanceuse qui allait passer un week-end romantique avec son chéri. S’ils savaient...

J’avais le numéro de téléphone d’un chirurgien oncologue de renom et une lettre de recommandation remise par ma gynéco. Je l’ai vite contacté pour une consultation le lundi suivant. En attendant, mon plus grand souci était de trouver le "meilleur moyen" d’annoncer la nouvelle à mon compagnon. Le dire de suite ? Attendre la fin du séjour pour ne pas lui gâcher le week-end ? Quels mots utiliser ? Tout lui dire ou le faire progressivement ? Après tout, j’avais eu un mois pour me faire à cette idée, mais lui non. Je faisais et défaisais mille et un scénarios. 

Le bon moment pour le dire  

Vois-tu, finalement, annoncer la nouvelle à mon entourage est ce qui a été le plus compliqué. Comment mon amoureux, mon fils qui rentrait en Terminale, mes parents, frères et sœurs, et aussi l’entreprise qui avait confirmé mon embauche quelques semaines auparavant, allaient le prendre ? Quelles en seraient les conséquences ? 

Cela a été tellement dur, que j’en ai été aphone dix jours. Impossible d’émettre un son, j’étais obligée de me taire, d’attendre un meilleur moment pour le dire. Pendant ce temps j’en ai appris plus sur mon cas. Sa gravité, son intensité, ce qui m’attendait. Plus le temps passait, plus j’en savais sur le protocole, plus mon cancer, et les émotions qui allaient avec, se transformaient en données factuelles. Cela allait rendre l’annonce à mes proches plus facile. 

D’abord mon amoureux, qui pendant le week-end m’avait demandé si la boule qu’il avait senti était normale. J’en avais remercié le ciel de m’avoir donné l’occasion de rompre le secret et d’enfin trouver le "bon" moment pour le lui dire. 

Ensuite j’ai fait une sorte de "coming out" groupé pour l’annoncer à mes amis par mail (je ne pouvais pas parler), puis mes réseaux professionnels. J’ai dû attendre de me remettre de mon extinction de voix et d’avoir compris ce qui allait m’advenir avant d’en parler à mon fils et mes parents enfin de retour de leur séjour. 

Nous étions en octobre "rose" 2012, je ne pensais pas être un jour aussi concernée par cette campagne nationale de prévention. Il m’a fallu 40 jours pour comprendre et ACCEPTER ce qui m’arrivait. 

J’insiste sur ce mot parce qu’il est à lui seul une aventure. Un cheminement spirituel, une histoire de rencontres, une découverte essentielle. 

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