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Je suis végétarienne : témoignage de Rachel, 39 ans, ingénieure en informatique

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Rachel, 39 ans, témoigne sur son végétarisme
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Audrey Etner
Audrey Etner
Mis à jour le 25 février 2021
Pour expliquer son passage au végétarisme, Rachel, ingénieure en informatique, parle d'épiphanie cartésienne. Après des années d'un régime alimentaire qui lui convient parfaitement, elle se heurte toujours à l'incompréhension face à ce choix raisonné.

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Je pourrais donner plusieurs explications aux origines de mon végétarisme : un livre lu (un Werber ou un Coe), une conversation avec ma meilleure amie, le souvenir d'un végétarien dont je m'étais moquée lorsque j'avais vingt ans... Rien de tout cela n'aurait été suffisant si je n'avais eu, de mon côté, une sorte d'épiphanie cartésienne.

"Je ne peux manger de la viande que si je ne reconnais pas l'animal". Cette phrase, je l'ai dite des dizaines de fois avant de réaliser, brutalement, que si j'avais besoin de ne pas penser aux origines de mon steak, si j'avais besoin de ne pas savoir que les moutons arrivent régulièrement les pattes brisées à l'abattoir car ils ont trop peur pour monter dans le camion, si j'avais la nausée en voyant sur un étal des tripes, de la cervelle, de la langue ou une tête de porc... c'est que je suis sensible à la souffrance et à la mort de ces animaux, et que je ne devrais pas les cautionner.

Finalement, pour moi, continuer à manger de la viande se résumait à cette alternative : soit trouver qu'il est acceptable de torturer et tuer plus faible que soi (et manger le cœur léger), soit condamner le processus complet (mais manger en n'y songeant pas).

Insensibilité ou hypocrisie ? Divisée contre moi-même, je suis devenue végétarienne.

La transition n'a pas été simple. Je l'ai faite à mon rythme : après tout, je n'avais de compte à rendre à personne. J'ai commencé par arrêter d'acheter de la viande, et n'en manger plus qu'à l'extérieur ; puis à choisir les plats sans viande au restaurant, quand ils étaient disponibles. Peu à peu, j'ai commencé à sélectionner mes sorties, à demander s'il était possible de me bricoler quelque chose en cuisine quand le menu était trop hostile. Certaines choses ont été plus compliquées à arrêter que d'autres... Le saucisson, notamment.

Le plus compliqué, étrangement, pour un végétarien, n'est pas de se trouver à manger, mais le comportement et le regard des autres : famille, amis, collègues de bureau, inconnus.

J'ai passé ma vie d'adulte à faire attention en cuisinant (qui déteste le concombre, qui est allergique au gluten, qui mange casher). J'ai cru, sottement, que les gens allaient faire attention à moi comme je faisais attention à eux.

Erreur ! Pour la plupart, ne pas vouloir manger leur-plat-de-viande-qui-est-leur-spécialité-et-que-tout-le-monde-le-trouve-super-bon frôle l'injure.

Les gens ont un rapport très émotionnel à la nourriture comme si, en ne mangeant pas comme eux, je m'excluaiS, de fait, de leur tribu.

Mais tout cela ne serait rien s'ils ne se mettaient pas en tête de vouloir me prendre en défaut ou, pire, de me sauver. J'ai eu droit à tout, des dizaines, des centaines de fois :

- la dentition qui est faite exprès

- la souffrance de la salade arrachée du sol

- le petit poussin qui sortirait de mon œuf si je ne le mangeais pas

- le délicieux goût de la viande

- le "c'est dans l'ordre des choses",

- le comment ai-je mes protéines et les carences, terribles, qui me guettent

- les petits chinois couturiers sont bien plus malheureux que les animaux et je ne fais rien pour les petits chinois (quel rapport, bon sang ?)

J'essaie de rester courtoise et angélique (sans succès évidemment), en répétant patiemment les mêmes réponses.

- non, notre dentition est plus proche de celle de frugivores, semblable à celle du cheval

- non, je ne nie pas la souffrance de la salade, mais le degré de conscience d'un végétal est tout de même moins élevé que celui d'un animal (c'est d'ailleurs pour cela qu'on trouve beaucoup moins d'endive de compagnie ou de carotte d'aveugle, par exemple)

- non, aucun poussin ne va sortir de mon œuf, à moins que les coqs soient bien plus dynamiques que je ne le pense et tringlent quatre fois par jour les neuf mille poules de la basse-cour

- non, la viande ne me manque pas, après des années, la simple odeur me répugne

- non, les végétaux aussi contiennent des protéines

- non, les végétariens sont beaucoup moins carencés que les omnivores, car étant plus vigilants sur leur alimentation

- et non, je ne fais rien pour les petits chinois, honte sur moi. Pardon.

Ce que je trouve totalement fascinant, c'est à quel point le concept même que je puisse faire le choix d'être végétarienne panique complètement mes interlocuteurs : "Pourquoi tu t'infliges ça à toi-même ?", "Tu as été élevée comme ça ?", "Tu n'aimes pas la viande ?", "Tes parents sont végétariens ?", "Tu digères mal la viande?", "C'est pour des raisons religieuses ?"...

Notons au passage que, si j'avais été végétarienne depuis mon enfance, aucun problème : quelqu'un d'autre aurait pensé pour moi, ce serait donc acceptable.

En somme, tout est compréhensible pour mes vis-à-vis, sauf le choix intelligent d'une femme adulte.

Mais je ne devrais pas leur en vouloir : ceux-là, au moins, essaient de comprendre. La plupart de mes questionneurs se met en colère, interprétant mes explications comme des accusations. Mon dilemme "indifférence vs hypocrisie" les renvoie à eux-mêmes et ils ne le tolèrent pas.

Aux omnivores du monde entier, je ne dirais donc que ceci : faites ce que vous voulez et, pitié, laissez-moi manger mes légumes tranquille. C'est tout ce que je demande.

Rachel, 39 ans, ingénieure en informatique en Ile de France. 

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