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Clara Bellar : "L'apprentissage autonome, c'est apprendre comme on le souhaite"

A travers son film, Clara nous amène à la découverte de l'auto-apprentissage
mains enfant couleur peinture Éduquer autrement
Claire Sejournet
Claire Sejournet
Mis à jour le 25 février 2021
Il y a un an sortait le film "Etre et devenir", sur le thème du unschooling. Laisser les enfants libres d'apprendre, une question qui déchaîne les passions. Rencontre avec Clara Bellar, la réalisatrice de ce documentaire qui apporte un nouveau regard sur les questions éducatives.

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Au début du film, on vous découvre enceinte. Vous aviez l'intention de tourner ce film depuis longtemps ?
Pas du tout, c'est un bel hasard de la vie. Irvin Kershner m’avait invitée à faire des photos chez lui à quelques jours de mon accouchement et Gulu, mon mari, filmait ce super moment de notre vie privée. Irvin lui a spontanément pris la caméra pour m'interviewer. C'est dingue, c'est comme s'il m'avait fait un cadeau en anticipant que je m'en servirai un jour !
Quand avez-vous entendu parler du unschooling pour la première fois ?
Mon fils avait 6 mois quand j’ai entendu parler du unschooling pour la première fois. C'était nouveau pour moi, jusque là, je m'étais plutôt intéressée aux écoles alternatives. Mais j'étais frappée par leur côté "ghetto" : qui peut payer 1000 dollars par mois pour l'école de ses enfants ? J'ai tout de suite été très curieuse de cette approche, je voulais savoir comment les apprentissages y étaient possibles. C'est là que j'ai commencé mon enquête, que je retrace dans le film.
Comment définissez-vous le unschooling ?
Le unschooling, en français, c'est l'appprentissage autonome. Un des termes que je trouve vraiment juste, c'est le Life Learning. Comme le dit Leslie Barson dans le film, ce qui compte c’est l’auto-motivation. C'est pourquoi le unschooling n’est pas forcément le fait de ne pas envoyer ses enfants à l'école. Un enfant peut demander d'aller à l'école, si c'est lui qui choisit cette voie, il est motivé pour apprendre de cette manière et reste dans une logique d'apprentissage autonome. Il est donc unschooled.
Il y a donc des enfants heureux à l'école ?
Bien sûr ! Nous ne sommes pas du tout dans une logique d'opposition à l'école. A aucun moment dans le film il est dit que tout le monde doit faire le choix de l’apprentissage autonome. Tous les parents n'en ont pas envie, tous les enfants non plus. C'est juste un choix possible, qu'on ne connaît absolument pas. C'est là qu'est le problème. Il faut faire connaître cette forme d'apprentissage et dire qu'elle est viable.
Un enfant peut passer au unschooling à tout âge ?
Si l'on sent que son enfant n'est pas bien à l'école, que cela ne lui correspond pas, on peut lui proposer l’apprentissage informel hors école, quel que soit son âge. Il y a une période de transition : c'est difficile de se prendre soudain en main lorsqu'on a organisé vos journées pendant des années, qu'on vous a dit quoi faire et à quelle heure. C'est très anxiogène pour les parents de voir leur enfant perdu. Mais finalement, le naturel revient au galop. C'est tellement humain d'aller à la recherche de connaissances !
Tous les enfants peuvent-ils être heureux dans le unschooling ?
Pour moi, l'apprentissage autonome, c'est apprendre comme on le souhaite. Si l'on y pense, à l'échelle de l'histoire de l'humanité, l'école est un phénomène très récent. On apprend depuis toujours en étant dans la vraie vie, avec des personnes de tous âges. Dans la pratique, il y a des facteurs à prendre en compte, comme l'ambiance familiale, les conditions de vie...
Vous dites de votre film que c'est un film sur la confiance en soi. Pourquoi ?
Je veux parler de la confiance en soi, en la vie, en son enfant. Si après le film une personne se dit "Je vais lâcher-prise, permettre à mon enfant d'être lui-même", c'est formidable. D'un coup la pression sur l'enfant s'en va, le jeune en difficulté se rend compte que tous les problèmes ne viennent pas forcément de lui. C'est un message fort pour retrouver confiance en soi ! Ce n'est pas rare que des gens pleurent pendant les échanges. Ils découvrent qu'il aurait pu en aller autrement dans leur vie personnelle, dans leur rapport à l'école, à leurs enfants… Ce qui est magnifique, c'est qu'il n'est jamais trop tard. Beaucoup de personnes m'ont remerciée : le film a été un déclic, il a transformé leur relation avec leurs enfants ou leur a permis de s'écouter et de changer de vie.
Comment a-t-on perdu cette confiance en soi ?
C'est dur de répondre à cette question, car je ne veux pas dire du mal de l'école. Pendant les échanges, de nombreux enseignants s'expriment et disent leur frustration vis-à-vis d'un système qui oblige les enfants à se conformer à des attentes, à rentrer dans un moule, à devoir faire la même chose que les autres au même moment. De telles attentes font perdre à l'enfant sa confiance en soi et son esprit d'initiative.
Choisir le unschooling n'oblige-t-il pas les parents à mettre leur carrière entre parenthèse ?
Au début, je croyais que le unschooling impliquait un certain sacrifice de la part des parents. Finalement, j'ai découvert que très fréquemment, ils le vivent comme une chance pour eux d'aller au bout de ce qu'ils avaient envie de faire, ils reprennent confiance en eux. Soit ils en profitent pour changer de vie, soit ils exercent différemment le métier qui leur plait.
Faut-il un certain capital pour choisir cette voie ?
On pense tout de suite à un capital financier ou socio-culturel. Ce n'est pas ce qui compte le plus. Des familles de toutes les catégories sociales pratiquent le unschooling. Il est rare que les deux parents travaillent à plein temps. Cela se ressent financièrement, mais c'est un choix de vie. Ces familles sont prêtes à consommer moins. Cela ne les empêche pas d'être heureuses, loin de là !
Le vrai capital à posséder, c'est le temps, dites-vous...
Choisir de prendre le temps, c'est un luxe pour soi et pour les enfants. Ils peuvent aller au fond des choses sans être interrompus et deviennent parfois de vrais spécialistes très tôt. Il faut aussi du temps pour être avec ses enfants, les connaître vraiment et comprendre ce qui les intéresse pour leur proposer des activités qui leur permettent d'apprendre.
Tous les parents sont-ils aptes à proposer le unschooling à leurs enfants ?
Pour moi, ce n'est pas une question de connaissances. Les enfants vont très vite trouver des mentors pour les accompagner dans leurs apprentissages. Par contre, il faut accompagner son enfant. Un exemple : si un enfant "non-sco" demande à 10h du soir comment s'épelle un mot alors qu'il joue avec des lettres magnétiques sur le frigo, il faut prendre le temps de lui répondre même si on préfèrerait le mettre au lit, car un intérêt automotivé est précieux pour les apprentissages. C'est donc surtout une question de lâcher-prise, ce qui nécessite un grand travail sur soi. C'est là où je dirais que tout le monde n'est pas forcément apte, car il faut avoir le courage et l'envie de faire ce travail sur soi.
Que deviennent les enfants qui apprennent librement ?
Les statistiques montrent que leurs parcours sont équivalents à ceux d'enfants scolarisés. Dans le film, je montre beaucoup de familles artistes, peut-être car c'est plus cinématographique. Mais il y a aussi Océane qui suit des études de biologie, Benji qui a étudié les langues persanes, Jo qui est en psychologie… A Harvard, les "non-sco" sont accueillis à bras ouverts et sont généralement brillants : ils sont là parce qu'ils l'ont voulu et non parce que c'était la dernière marche d'un parcours scolaire sans fautes.
Les "non-sco" vivent-ils tous à la campagne ?
C'est un reproche que l'on peut faire au film : on a l'impression qu'ils vivent tous dans de superbes propriétés à la campagne ! En fait, j'ai découvert que les enfants "non-sco" sont très peu à la maison. J'ai donc pensé que c'était plus cohérent de les interviewer dehors. Les Parisiens ont été interviewé au Parc floral, au Château de Vincennes… Ils vous diront qu'ils n'imaginent pas vivre à la campagne parce qu'il y a une grande richesse de l'offre culturelle dans la capitale. Les parents qui vivent à la campagne vous diront qu'ils n'imaginent pas vivre en ville parce qu'ils ont la nature, les animaux… C'est un choix de vie qui se pose tout autant qu'à des parents d'enfants scolarisés.
Propos recueillis par Claire Sejournet et Anne Ghesquière
 
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