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Aymeric Caron "Un jour, nous ne mangerons plus de viande"

Aymeric Caron No steak
Aymeric Caron, journaliste et auteur de No Steak. Photo : © Patrice Normand / Opale
© Patrice Normand / Opale / Editions Fayard
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Audrey Etner
Audrey Etner
Mis à jour le 25 février 2021
Chroniqueur mordant de Laurent Ruquier, le journaliste Aymeric Caron publie "No Steak", un manifeste végétarien dans lequel il explique pourquoi un jour, nous ne mangerons plus de viande.

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L'humanité végétarienne ? Un choix que le journaliste Aymeric Caron a fait il y a 20 ans, fruit de sa réflexion sur l'éthique animale. Chiffres et faits "indiscutables" à l'appui, l'intervieweur interviewé défend sa thèse contre vents et marées.

Même si vous ne cherchez pas à "louer la remarquable clairvoyance des végétariens", No Steak a un côté provoc' assez marqué. C'est donc un examen de conscience que vous recherchez ?

Je cherche bien sûr à faire réfléchir les lecteurs. Je trouve par contre le terme "examen de conscience" un peu poussé, parce que j'essaye de ne pas être moralisateur, de ne pas pointer du doigt les mangeurs de viande. En revanche, je suis absolument persuadé que beaucoup de gens mangent de la viande aujourd'hui parce qu'ils manquent d'informations sur les réalités sanitaires, les conséquences sur l'environnement, les conditions d'élevage des animaux qu'ils mangent. 

Il ne s'agit pas de condamner, mais de donner les clés pour engager sa propre réflexion. Pour moi, il n'y a rien de pire que de pas connaître tous les tenants et aboutissants de l'action dans laquelle on est engagé. Or manger de la viande nous est présenté depuis notre naissance comme un acte absolument naturel, indispensable et inaliénable, alors qu'en réalité, tout cela est faux.

La 4ème de couverture indique quand même "Le passage au végétarisme va faire partie d'une nouvelle phase de notre évolution". Est-ce à dire que les omnivores sont moins évolués que les végétariens ?

Ce n'est pas comme cela que j'ai souhaité définir les choses. Il n'y aucune condamnation dans mes propos, l'idée n'est pas du tout de dire que les végétariens seraient supérieurs aux autres !

Ce que l'on mange est dicté par notre culture, notre éducation et notre expérience de vie personnelle. Certains sont donc plus encouragés que d'autres à aller vers le végétarisme. En ce qui me concerne, c'est le contact du monde animal qui, très jeune, m'a fait entamer une réflexion. Cela ne veut pas dire que je suis mieux qu'un autre, juste que les circonstances m'ont obligées à réfléchir. 

Alors oui, je suis persuadé qu'un jour plus personne ne mangera de viande, pour toutes les raisons que je décris dans le livre. Mais non, je ne pense pas que les végétariens soient forcément des gens plus éclairés que les autres. En revanche, certains ont parcouru un chemin psychologique et une réflexion personnelle qui les a amené à la conclusion que manger de la viande n'était pas naturel. 

Vous avez choisi de mettre en avant la nécessité de ne plus consommer de viande dans les années à venir, arguments chiffrés à l'appui. Pourquoi ?

Tout simplement parce que cet argument concerne tout le monde, que l'on aime ou pas les animaux. Cette réflexion concernera nos enfants et nos petits-enfants : combien serons-nous sur Terre en 2050 ou en 2100 ? Quelle planète allons-nous laisser à nos enfants ? Quelles sont les conséquences de nos comportements actuels ?

J'ai tenu à commencer mon livre par les arguments les plus scientifiques possibles, des constats et des données chiffrées, pour donner la preuve immédiate que, quoi qu'il arrive et quoi qu'on pense de la viande, il est nécessaire de changer nos comportements. 

Pourquoi l'avoir écrit maintenant ? Pensez-vous que les gens sont plus prêts à entendre ce message qu'il y a quelques années ? Ou est-ce un besoin personnel que vous avez ressenti ?

Non, il ne s'agit pas d'un besoin personnel. J'ai toujours bien vécu mon végétarisme, dans la discrétion, et cela m'a toujours convenu. 

Si j'ai écrit ce livre c'est que j'y ai trouvé un très grand intérêt journalistique. Je suis tombé sur plusieurs articles qui m'ont interpellés : ils expliquaient la problématique du manque de terres agricoles, de la pollution etc. Il m'est alors apparu comme une évidence que nous allions tous, un jour, devoir arrêter de manger de la viande. 

D'autre part, je constate en effet que les mentalités ont beaucoup évolué depuis quelques années. Je suis d'ailleurs très agréablement surpris par l'accueil favorable que reçoit le livre. Je m'attendais à une opposition forte et des controverses mais je constate qu'il est possible d'avoir de vrais débats enrichissants autour des thématiques que je développe. 

Avez-vous bon espoir quant au changement des mentalités ? Pensez-vous que nous vivrons assez longtemps pour voir ce changement ?

Non, je ne pense pas que vous et moi puissions observer un passage au végétarisme total. En revanche, un mouvement est en cours dans nos pays grands consommateurs de viande, avec une réelle prise de conscience des effets néfastes d'une alimentation carnée sur notre environnement et sur notre propre santé. En revanche, dans les pays comme la Chine, la consommation de viande explose et c'est cette tendance qu'il faudra enrayer dans les années à venir. 

Ce à quoi nous assisterons dans les prochaines décennies, c'est une diminution globale de la consommation de viande. Les pays émergents vont être obligés de revenir en arrière pour des raisons environnementales et sanitaires. Les causes en sont mécaniques et sans aucun lien avec le bien-être animal. Nous serons bientôt 10 milliards sur Terre, nous n'aurons pas d'autre choix. 

La phase où nous passerons au végétarisme total sera, selon moi, ultérieure, car elle appelle à des considérations morales et philosophiques posées depuis le milieu des années 70 : a-t-on le droit de tuer un être intelligent et sensible qui éprouve des émotions pour s'en nourrir, alors qu'on n'en a pas la nécessité ? Et la conclusion sera celle de Claude Lévi-Strauss* que je cite en introduction du livre. 

Dans No Steak, on vous suit notamment au Canada pour les besoins de votre enquête. Combien de temps de travail et de réflexion ont été nécessaires à la rédaction de ce livre ?

Avant d'entamer le travail d'écriture, j'ai réfléchi à ce livre pendant un an, en prenant quelques notes. Je me suis ensuite lancé dans la phase d'écriture active de septembre 2011 à juin 2012 qui comprend l'enquête, les rencontres, les interviews et enfin la rédaction. 

L'argument écologique ne semble pas être celui qui revient en premier dans les motivations des végétariens, mais bien leur profond respect du règne animal.  Et pour vous, quel a été le déclencheur ?

Le même ! Le fait de côtoyer quotidiennement des animaux depuis l'enfance et de voir qu'ils subissaient des traitements différents selon leur espèce a enclenché ma réflexion sur l'éthique animale et sur les notions de spécisme, antispécisme etc. 

Après avoir expliqué les notions de spécisme, déontologisme et anthropocentrisme, vous seriez étonné que ceux qui adhèrent à ces valeurs lisent votre livre. Pourtant vous le dédiez "à tous les mangeurs de viande, des plus grands carnassiers aux carnivores occasionnels". À qui vous adressez-vous réellement ?

Je n'ai pas écrit ce livre pour conforter les végétariens dans leur choix. Ce à quoi je ne m'attendais pas en revanche, c'est que beaucoup de végétariens m'écrivent pour me dire que mon livre les a décomplexés. Certains vivaient assez mal leur végétarisme, subissaient des moqueries, n'osaient pas en parler etc. 

J'espère donc que les mangeurs de viande liront ce livre ! Je l'ai surtout écrit pour ceux qui ne seraient pas informés du système global de l'élevage (conséquences, traitement des animaux etc) afin de déclencher une prise de conscience. Bien sûr, il est normal qu'un journaliste ait des opinions qui découlent de ses réflexions personnelles et de ses recherches. Et après avoir analysé tous les domaines liés à la viande, j'en arrive à cette conclusion qu'un jour viendra où nous ne mangerons plus de viande. 

Vous auriez pu écrire ce livre sans être vous-même végétarien ?

Oui absolument, et je serais devenu végétarien à l'issue de mon livre ! D'ailleurs, en cours d'écriture, mon végétarisme a évolué. Au moment où j'ai commencé mon enquête, je buvais du lait de vache. Puis j'ai rencontré des gens qui m'ont expliqué une évidence que je ne prenais pas en considération jusqu'ici "Sais-tu que pour boire du lait de vache, il faut tuer des veaux ?". Et en effet, la chaine est claire : on insémine des vaches, on fait naitre des veaux qu'on envoie à l'engraissement etc... Donc si je suis logique dans ma démarche, je ne peux pas cautionner le lait des élevages industriels et je n'achète donc plus de lait de vache. 

Vous dites respecter les agriculteurs qui prennent soin de leurs bêtes, que pensez-vous alors de la viande bio ?

Je suis persuadé que certains éleveurs aiment sincèrement leurs animaux et sont tristes de les voir partir à l'abattoir. Mais pour moi, il n'y aucune logique à manger une vache, un cochon et à ne pas manger un chien ou un chat. 

Que la viande bio représente une phase de transition, pourquoi pas. Les changements ne se feront pas du jour au lendemain et il est nécessaire d'entamer une réflexion pour revoir complètement les filières, les aliments et les emplois qui y sont liés. Il ne s'agit pas de mettre des milliers de personnes au chômage, mais de revenir à une consommation réaliste et responsable. 

Avant, les bêtes étaient égorgées en place publique et chacun savait d'où venait son morceau de viande. Aujourd'hui, l'organisation industrielle fait que plus personne n'assume la responsabilité de tuer. 

Vous sentez-vous proche du combat de Brigitte Bardot ?

Nos combats se retrouvent sur la maltraitance animale. Je pense que Brigitte Bardot a vraiment fait avancer la cause animale dans les années 80, mais que ses prises de positions politiques ont complètement brouillé son message initial. D'autre part, ma position en faveur des animaux s'inscrit dans une vision plus globale de la société, du respect du vivant, du sensible et de l'altérité. Cela concerne les animaux et bien sûr les humains. L'idée est de se préoccuper de l'autre, quel qu'il soit. 

Pourquoi est-il si compliqué d'être végétarien en France ?

Cela est dû à notre histoire et à notre tradition d'agriculture et d'élevage entretenue par les pouvoirs publics. En France, nous avons une vision très cartésienne des choses : l'homme domine toutes les autres espèces et les utilise comme des objets. Une vision qui n'est pas partagée par la culture anglophone. 

Aux Etats-Unis par exemple, on n'a pas du tout le même rapport à la terre. Le paradoxe est très grand entre la malbouffe, les pires élevages industriels du monde (90 % de la viande y est industrielle) et à l'opposé, les villes branchées comme New York, San Francisco ou Portland qui sont à l'avant-garde des questions de droits des animaux et d'alimentation végétarienne. 

Quelle est votre resto veggie préféré ?

Pour déguster un excellent hamburger végétarien, testé et approuvé par des omnivores, je conseille Mamie Green (Paris 11ème). A Montréal, j'adore manger au Chuchai, un restaurant asiatique qui propose un succulent (faux) canard croustillant, végétal bien sûr. 

Votre recette végétarienne préférée ?

Pour un repas équilibré en 5 minutes chrono : un steak de soja, des lentilles, quelques haricots, accompagné d'une salade grecque avec une petite sauce au vinaigre de framboise et un peu d'huile neutre. Un régal !

Quels sont vos prochains projets dans la lignée de No Steak ?

Je travaille déjà, avec une équipe, à l'adaptation du livre en film documentaire. 

*Un jour viendra où l'idée que, pour se nourrir, les hommes du passé élevaient et massacraient des êtres vivants et exposaient complaisamment leur chair en lambeaux dans des vitrines, inspirera sans doute la même répulsion qu'aux voyageurs du XVIème et XVIIème siècle, les repas cannibales des sauvages américaines, océaniens ou africains. Claude Lévi-Strauss, « La leçon de sagesse des vaches folles », Etudes rurales. Jeux, conflits, représentations, 1996.

Après avoir été grand reporter et couvert plusieurs conflits pour le groupe Canal+ (Kosovo, Afghanistan, Irak notamment), animé les matins du week-end sur I-télé et Europe 1, puis une émission de documentaires sur Direct 8, Aymeric Caron a rejoint en septembre 2012, l'équipe de Laurent Ruquier pour former un duo piquant avec Natacha Polony  dans "On n'est pas couché". 

Acheter No Steak, éditions Fayard

Site officiel : aymericcaron.com

Photo : © Patrice Normand / Opale / Editions Fayard

 

Retrouvez cette interview dans votre magazine Femininbio sur iPad du mars 2013. 

 

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