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Ice-Marathon

Malek Boukerchi a réalisé l'exploit de deux courses à pied en Antarctique

Malek Boukerchi Ice Marathon
Malek Boukerchi, à l'arrive de l'Ice-Marathon
stefbio
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Mis à jour le 25 février 2021
Malek Boukerchi a fait deux courses à pieds en Antarctique, le Ice-Marathon. Un véritable exploit par un froid polaire ! Les paysages très lumineux et glacés et les rencontres amicales restent dans son esprit. Il nous les raconte avec une joie non dissimulée.

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Vous avez couru l’Antarctic Ice Marathon en novembre dernier, comment allez-vous depuis cet exploit ?

Douze jours en total en Antarctique dont deux courses enchaînées. Après les longs efforts en intensité de durabilité, le froid glacial a été une logique de cryogénisation naturelle. Dans les tentes à moins huit degrés en moyenne, je prenais toujours environ 30 mn en caleçon dans le sac (très froid) pour détendre les jambes. 

Ce fut une récupération naturelle pour le corps et heureuse de par les visages rencontrées : content du vécu, le corps et le mental sont au beau fixe. 

Pour vos 40 ans, vous vous offrez l’Antarctique, pourquoi maintenant ?

Tout est dans l’art du "kairos" comme disaient jadis les Grecs, le bon moment au bon endroit : âge de la maturité, du vécu et de l’expérience de la pratique, âge des réseaux pour être riche d’accompagnement humain dans ce défi.

Je garde en moi l’enfant éternel avec ce regard de simplicité et d’émerveillement permanent… Et l’Antarctique est un rêve grandeur nature ! Les rêves sont faits pour être réalisés, sinon "nous devenons vieux quand nous transformons nos rêves en regrets" (Sénèque).

Quels souvenirs (positifs et négatifs) gardez-vous de cette aventure ?

Sincèrement, d’habitude, toujours des éléments négatifs constructifs à retirer mais là, onomatopée oblige : wouahhhh !

La seule astreinte, et nous n’avons aucune maîtrise à ce sujet, fut le climat. Des conditions exécrables : visibilité réduite à néant, neige tombante en permanence générant une humidité constante sur les vêtements, surface de poudreuse épaisse sur tous les kilomètres…
Du fait d’un cadre grandiose et féérique, je me devais constamment de transformer le négatif en positif et profiter de ce voyage au-delà des âges… car l’Antarctique est l’une des mémoires de notre planète ! 

Quels ont été les moments de grâce ?

La découverte des univers des gens. Je me nourris de rencontres et de l’essence des dires pour agir.

Durant le 100 km, après plus de 17 heures de combat, il y eu enfin trois heures d’éclaircies lumineuses pour laisser voir un cadre paradisiaque de blancheur éternelle : outre le sentiment de "flow" car la machine corporelle fut en état de marche allègre, j’avais l’impression de courir sur des nuages ou d’être sur les toits du monde dans cette mer de glace entourée de montagnes majestueuses…

Avez-vous eu peur ?

Bien sûr ! La peur est là, tapie dans l’ombre mais c’est une adrénaline puissante si on sait transformer la peur en force motrice car elle est une vigilance d’inconfort !

La peur de la blessure est légitime. On a beau se préparer, personne n’est à l’abri d’un dysfonctionnement mécanique. 
Ensuite, même il y a eu préparation technique, la peur d’avoir trop froid, car je ne savais pas comment mon organisme et l’équipement préparé allait réagir. 

Enfin, il y a la peur dite de "l’égo depletion", l’effondrement du moi. Dans des conditions extrêmes, l’enjeu est de tenir, d’insister et parfois le mental craque… et tout s’arrête alors que les clignotants du corps sont au vert.
 
Vous êtes habitué à courir de grandes distances, mais dans le froid (jusqu’à moins 45°C), c’est la première fois, comment vous êtes-vous préparé physiquement ?

Pour préparer le corps au grand froid, l’enjeu est de disposer d’un équipement alliant résistance au froid, protection et chaleur mais aussi, de la souplesse dans les matériaux pour la mobilité et la respiration. 

La difficulté principale est d’évacuer la transpiration car même en températures extrêmes négatives, le corps sue. Et si la sueur colle au corps, si les vêtements sont mouillés, danger : risque de gelures fortes !

Avec mon partenaire technique Oxylane et leurs équipes de R&D dans leurs chambres froides à Lille à moins 35 ou quarante, (puis dernières sorties avec Stef Logistique dans leur chambre froide de produits surgelés), durant 6 mois, nous avons travaillé cette double contrainte pour tester l’équipement et partir en confiance. 

Comment vous êtes-vous préparé mentalement ? Pratiquez-vous la méditation ou le yoga ? 

Je ne pratique pas le yoga à proprement parler. Mais la course à pied est une sorte de "yoga dynamique", entre concentration-dispersion et concentration-attention permanente au corps, au souffle respiratoire, au cœur, aux gestes et à la foulée… Être dans l’ouverture à son corps sous-tend de courir sans écouteurs pour être justement à l’écoute du monde interne et externe.

Le mental me permet à mon humble avis d’accueillir, non d’accepter, toute douleur, tout en étant vigilant bien sûr à ne pas casser le corps.

Accordez-vous une place particulière à l’alimentation ?

Bien sûr, peu de viande en mode prépa et pas mal de féculents, car je suis un adepte des pâtes : et cela tombe bien ! Et avant l’épreuve, il faut savoir éviter certains produits comme les apéritifs, l’alcool bien sûr… 

Mais pour le reste, j’aime me faire plaisir : comme je ne suis pas dans une logique de performance pure et de victoire, hormis sur soi et sur la distance à affronter, je vis avec bonheur et prend plaisir même en phase entraînement à des desserts joyeux ! Mais je dois vous avouer humblement que j’ai la chance, jusqu’à aujourd’hui, d'avoir une physiologie faisant que même à l’arrêt pendant deux ou trois mois, tout en mangeant, je ne prends pas un gramme !

Courir, c’est l’histoire de rencontres, avec soi, avec les autres : comment vivez-vous ces relations ?

Intensément ! La curiosité est la faim/fin de l’intelligence ! Courir dans des cadres féériques en conditions délicates (déserts chauds, le grand froid, en montagne) est un prétexte pour être en osmose avec Dame Nature. Et notre monde regorge d’hommes et de femmes de qualité. 

La course me permet de rencontrer d’autres passionnés de l’asphalte et des sentiers ; nous cultivons les mêmes valeurs que vous veniez d’en haut, d’en bas, du Nord ou Sud : humilité, respect de soi, des autres et de l’environnement… 

Comment ressentez-vous la nature, les paysages que vous traversez ?

Dans ce genre de défi dans des cadres extrêmes, je deviens un "runneriste", à savoir "runner + touriste = runneriste".
Autant en ville, le défi du chrono est là, autant dans ces paysages magiques, je dispose toujours de mon appareil photo et caméra miniature. Je prends le temps de m’imprégner des paysages : s’arrêter pour regarder, toucher, sentir, écouter et même goûter, et seulement après arrive le temps de la prise de photos pour capter l’essentiel inaperçu.

Vous êtes un coureur chevronné, qu’est-ce qui dans votre vie, vous a poussé à courir ?

En fait, les circonstances de vie m’ont amené à arpenter l’asphalte d’abord pour être dans un équilibre de vie. À l’âge adulte du travail et de ses contraintes horaires quand j’étais salarié, impossible d’aller en entraînement de football, comme avant. Alors j'ai arrêté un peu avant trente ans, et je ne me voyais pas vivre sans dépense physique. 

Très vite, une vérité s’est révélée : une paire de baskets, aucune contrainte technique, et les rues. Et peu à peu, j’ai pris goût à la foulée, appris à apprécier l’art de la course, d’autant plus que courir, c’est nourrir sa relation à soi. C'est un moyen d’évacuer les toxines et les soucis de vie. En fait, quand les pieds dansent, la tête pense/panse tous les mots/maux du quotidien.

Après quoi courez-vous ?

Je cours donc je suis ? Deux notions : courir dans le sens premier du terme, dans le sens de l’activité anthropologique. Sentir et ressentir le corps, voir qu’il est une mécanique formidable capable de relever les défis les plus fous, ce qui procure un sentiment de zénitude incroyable ! Courir pour le plaisir du partage, de la rencontre comme déjà évoqué ! 

Etes-vous un homme pressé ?

Certainement pas, aussi paradoxal que cela puisse paraître pour l’avaleur de kilomètres que je suis. Au contraire !
Je ne suis pas dans la pratique du sprint mais du marathon et de l’ultra-distance. 

C’est la pratique du temps posé, du temps relâché, un luxe dans ces sociétés de vitesse généralisée ! Il faut savoir marcher avec son temps, sinon ceux qui sont pressés tout le temps, trébuchent avec le temps contraint…

Vous êtes conteur, expert en intelligences et stratégies relationnelles, quels sont les penseurs qui vous influencent ?

Je suis un vorace de livres et me délecte d’écrits aussi éclectiques que divers : Cioran pour son acuité négative clairvoyante, Illich pour la finesse déchirante de ses analyses, Vernant pour l’éclairage mythologique transhistorique ; et enfin les poésies d’un Char ou d’un Eluard, d’un Faber me portent et transportent sur les sentiers du dévoilement des nocturnes du non-dit… mais il y en a tellement d’autres, connus ou moins connus. 

Quel sera votre prochain défi ?

Ahhh… Bonne question car forcément, il y aura projection dans quelques mois. Mais d’abord, il est essentiel de savoir savourer les moments vécus. Alors je garde en moi encore les sons et couleurs du désert blanc.

Il y a des idées, un peu folles, dans un coin très très chaud quelque part en Amérique du Nord mais chut, encore trop tôt… Chaque chose en son temps et je vous le ferai savoir, car un autre rêve se profile, et les rêves sont faits pour être réalisés, lorsqu’on est porté par une espérance folle, non ?

Retrouvez Malek, conteur, en écoutant Mes Sages Musicaux, un voyage sonore dans la musique et les contes. 

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