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En première ligne - Maud, 39 ans, professeure de Physique-Chimie au collège dans le Val-de-Marne

Maud enseignante témoignage COVID
Mes élèves me manquent, je me fais du souci pour eux. J’espère qu’aucun ne sera touché de près par la maladie”.
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Soignants médecins infirmiers En première ligne du Covid-19 : ils travaillent pendant le confinement
Audrey Etner
Audrey Etner
Mis à jour le 25 février 2021
Maud est professeure dans le secondaire, et mère d'une famille nombreuse. Elle enseigne la Physique-Chimie depuis 17 ans dans un collège du 94. Pendant ce confinement imposé, elle dévoile des trésors d'inventivité pour garder le lien avec ses élèves, en tenant compte de la précarité numérique auxquels certains font face. Elle a accepté de partager un peu de son quotidien, et raconte comment elle a traversé ces derniers mois entre grèves et coronavirus.

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“Avant le jeudi 12 mars, aucun de nous n’avait anticipé la fermeture des écoles. Rien n’est coordonné entre les profs. On nous invite à vérifier la charge de travail donné par les collègues pour adapter notre programme, mais nous n’avons simplement pas le temps de le faire”.

Ce témoignage a été recueilli le 2 avril 2020.

Sa vie avant le Covid-19

Mère de 4 enfants de 1 an à 13 ans, mariée, Maud est professeur de Physique-Chimie dans un collège de région parisienne. Une profession qu’elle “ne changerait pour rien au monde”, exercée avec passion depuis 17 ans. C’est à 22 ans qu’elle passe le CAPES, une vocation déclenchée par sa prof de Physique-Chimie de terminale. “Elle semblait tant s’amuser. Elle m’a transmis sa flamme, même si je ne suis pas l’enseignante qu’elle était.” raconte Maud. Comme beaucoup de jeunes diplômés, elle pense ensuite s’orienter vers le lycée, mais contre toutes attentes, le collège deviendra son terrain de jeu favori. “Je ne pensais pas accrocher à cette tranche d’âge, mais ce passage de l’enfance à autre chose est fascinant. J’aime tellement les voir grandir, s’éveiller, découvrir.” explique-t-elle. Certes, elle pourrait changer de lieu d’enseignement, mais bien connaître ses collègues, son matériel, suivre les familles depuis 2003, enseigner aux frères et soeurs, connaître les parents, c’est “s’attacher à une communauté”... Et c’est ce qui la porte. En dehors du collège, Maud pratique la course à pied, le violon, et passe son temps libre auprès ses enfants.

Cette année, Maud enseigne à 11 classes différentes, de la 6ème à la 3ème, 18h par semaine. Lorsqu’elle rentre chez elle, elle double au minimum son temps de travail “Entre les copies, les activités, l’information à suivre, je ne compte pas mon temps. Le cerveau est toujours en veille, et il est très difficile de couper. Je n’y arrive que pendant les vacances d’été.” confie-t-elle. Son salaire s’élève à 2500€ net mensuel, grâce au supplément familial de traitement commun à tous les fonctionnaires. Maud ne s’en plaint pas, mais elle souligne ce que l’on dit peu sur les conditions de travail des enseignants, notamment que le matériel informatique est à leur propre charge.

Sa vie pendant les grèves

C’est en Octobre 2019 que démarrent, dans le corps enseignant, les premiers mouvements de grève contre la réforme des retraites. Une période qu’elle a très mal vécue “J’étais très en colère contre cette réforme, et j’avais du mal à me dire que je serai en grève chaque semaine, pas tant pour le salaire mais vis à vis de mes élèves” explique Maud. Alors, malgré les pressions extérieures, elle choisit de ne s’absenter qu’une journée en décembre et une autre en janvier, et se mobilise en dehors de ses heures de travail. Sa conclusion ? “On ne se sent pas écouté ni pris en compte. J’ai trouvé vraiment dur que l’on monte les professions les unes contre les autres, et que l’on nous fasse passer pour des privilégiés.” Et même si elle est beaucoup plus scandalisée par les bas salaires des soignants que ceux des professeurs, elle constate que la charge de travail administrative a considérablement augmenté par rapport à ses débuts “Notre place est auprès des élèves !” s’insurge l’enseignante. Interrogée sur le résultat de cette mobilisation, elle déplore un manque de visibilité total “On ne sait pas à quelle sauce on va être mangé, et l’estimation est une perte de 600 à 900€ par mois sur nos retraites, une somme non négligeable.” C’est donc dans un “retour à la normale” tout relatif - avec le passage en force du 49-3 pour faire adopter les textes - qu’elle aborde la fin des vacances de février.

Sa vie depuis le Covid-19

Selon Maud, le corps enseignant a compris très tard qu’il allait être impacté “Le Ministre disait qu’on était prêt, mais à aucun moment avant le 13 mars, on ne nous dit de nous préparer”. Résultat, personne n’est prêt à travailler à distance avec les élèves. Deux semaines avant la fermeture des écoles, les voyages scolaires sont annulés, les élèves demandent à leurs professeurs s’ils ont peur, puis les établissements insistent sur le lavage de mains, installe du savon dans les toilettes (!), et autres mesures sanitaires de base.

Alors que les écoles vont officiellement fermer en France le lundi 16 mars, Maud explique comment s’organise le plan d’urgence dans son établissement “Le vendredi 13 mars est organisée une réunion de 10 minutes pour décider d’un programme. Puis chacun repart en cours et depuis, chacun fait comme il peut.” Car si les professeurs du primaire peinent à proposer du contenu quotidien à leur classe, dans le secondaire s’ajoute la problématique de la coordination entre les matières. Maud salue les emails réguliers de remerciements de son chef d’établissement, mais recourt au système D pour donner ses cours, en équivalent temps de ce qu’elle dispense habituellement. “Pour les TP, je me filme en train de faire l’expérience, grâce au matériel ramené du collège. J’avance plus lentement mais je ne pense pas prendre de retard”. Pour partager ses expériences elle a également lancé un compte Instagram et une chaîne Youtube pour les plus jeunes de ses élèves qui ne doivent pas être incités aux réseaux sociaux. “Voir qu’ils regardent me fait du bien, j’aime les éveiller par ces instants partagés, même si cela rajoute un peu de temps devant l’écran.”

En revanche, l’enseignante souligne la fracture numérique qui existe entre les familles “Il est évident que certains sont laissés sur le bord du chemin, et j’essaye d’en tenir compte.” Son collège n’est pas une ZEP, mais il regroupe des classes sociales assez mixtes, et certains ont un seul écran pour 3 ou 4 enfants, voire aucun accès à internet. Pendant les vacances scolaires, Maud va enfin pouvoir souffler un peu et prendre du temps avec sa famille. Elle en profite pour dresser un bilan provisoire de la situation “Mes élèves me manquent, je me fais du souci pour eux. J’espère qu’aucun ne sera touché de près par la maladie”.

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