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Les pèlerins de la non violence

Mis à jour le 25 février 2021
Aux premières lueurs de l'aube, Moksha se réveille dans son petit lit de camp et, avant de poser les pieds au sol, vérifie qu'il n'y ait pas d'insectes. Moksha est une religieuse jaïne.

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Les pèlerins de la non violence

 Elle appartient à un ordre de moines qui est parmi les plus anciens de l'Inde, les Shvetambara, les "habillés de blanc", en raison de la couleur de leurs vêtements. Je fais sa rencontre dans un minuscule ashram aux pieds de Shatrunjaya, la colline sacrée des Jaïns, dans l'Etat du Gujarat, dans l'Inde Septentrionale. C'est un lieu merveilleux, fourmillant de pèlerins indiens, mais quasiment sans visiteurs occidentaux, un lieu que le tourisme international n'a pas encore découvert. Un centre d'intense spiritualité, un bijou serti dans le marbre : 863 temples blancs et 7000 statues, éparpillés sur une colline que les pèlerins atteignent en gravissant 3500 amples marches.
Ce n'est pas une mince affaire de monter toutes ces marches sous le soleil ardent du Gujarat et Moksha et les autres pèlerins commencent leur ascension dès l'aube, quand la température est plus fraîche. Je lui emboîte le pas, pour partager l'expérience du Grand Pèlerinage de Phalgun Suth Tera. Il se tient une fois par an, entre mars et avril, et son rôle est de célébrer l'ascension au ciel de milliers de sages Jaïns, qui se produisit, selon la tradition, il y a 8.000 ans. En deux jours, convergent vers cette colline environ 150.000 fidèles de toutes les régions de l'Inde. En ce qui me concerne, je suis arrivé jusqu'à Ahmrdabad en avion, puis en voiture jusqu'à Palitana, la ville la plus proche de la colline sacrée. Moksha et la plupart des pèlerins sont venus à pieds.

Le destin du nom
Pendant notre montée, elle me raconte sa vie. Moksha Gunasriji est son nom religieux, elle a 28 ans et a prononcé ses vœux à l'âge de 21. Elle ne veut pas révéler ni le nom laïque qu'elle a abandonné, ni l'identité de sa famille. " Tout ceci n'a plus d'importance " dit-elle, " la seule chose qui compte pour moi désormais est contenue à l'intérieur du nom que j'ai choisi ". Moksha, en effet, signifie "illumination, libération". Sa vie consiste à voyager à pied de village en village pour divulguer la religion fondée il y a 3.500 ans par Vardhamana Mahavira, dit le Jina (le victorieux), d'où le terme de Jaïnisme pour cette religion et de Jaïns pour ses adeptes.
Au centre de ce culte se trouve un commandement fondamental et précieux : pratiquer la non violence absolue envers tous les êtres vivants. Un message de non violence radicale qui dans le siècle dernier influença aussi la vision spirituelle et politique du Mahatma Gandhi, malgré le fait que celui-ci fusse de religion hindou. En effet Gandhi naquit ici, dans le Gujarat et grandit dans un environnement hindou empreint de spiritualité jaïne.

La montée au temple
A mesure que nous progressons dans notre ascension de la colline sacrée, le soleil aussi monte dans le ciel, l'air devient brûlant et la fatigue de la montée commence à se manifester. Je m'efforce de suivre le serpent de pèlerins qui s'épaissit et chemine vers le sommet, où se trouvent les principaux temples. Un grand nombre de femmes, bien que non religieuses (on les reconnaît parce qu'elles sont habillées en sari), portent tout de même un masque ou un foulard sur la bouche, en signe de respect et pour manifester leur participation aux valeurs jaïnes. Les vieillards et les malades sont transportés sur des civières. La foule avance très lentement, pour permettre la bénédiction des marches. A chaque marche, un groupe de dévots verse du ghee (le beurre clarifié, très présent aussi dans les rituels hindous) sur la pierre, puis les femmes appliquent des feuilles argentées, marche après marche. Parvenues au sommet de la colline, les femmes pratiquent aussi un autre rituel. Elles se rendent à une vasque sacrée, à l'écart des temples, prennent un bain purificateur, puis ôtent le sari "de tous les jours" et en endossent un qui est réservé au culte. Après cette étape de purification, elles peuvent pénétrer dans les temples. Une fois rentrées chez elles, elles rangeront ce sari, sans jamais l'utiliser pour aucune activité quotidienne.

La voie laïque
Arrivé enfin sur le haut de la colline, je rencontre finalement les Tirthankara : des statues sculptées en marbre blanc qui ponctuent un labyrinthe de temples, colonnades, arcades, puis encore des temples, imbriqués les uns dans les autres, remplis par une mer de fidèles qui pratiquent des rituels, lancent des guirlandes de fleurs, récitent des mantras, sonnent des cloches, le tout dans un enchevêtrement typiquement indien de sons, couleurs, parfums. L'ampleur de cet ensemble de temples est telle que je demande à Moksha : "Mais qui a construit, qui a financé tout ceci, si vous autres moines êtes si pauvres ?". "Nos fidèles laïques" répond-elle tout simplement, "certains d'entre eux sont très riches. Les adeptes du jaïnisme ne peuvent exercer que des métiers excluant l'utilisation de la violence. Une profession traditionnellement pratiquée par les Jaïns est celle de joailler, car une pierre taillée ne souffre pas. Presque la moitié des traders de Mumbai, par exemple, sont des Jaïns. Avec une partie de leurs gains ils financent les temples et leur entretien. Ainsi, de façon paradoxale, la religion qui a engendré les moines les plus pauvres de l'Inde, a aussi produit des communautés très aisées, en Inde et à l'étranger.

Infos pratiques
• Comment s’y rendre ?
Il existe un vol direct proposé par la compagnie aérienne Air India tous les mercredis. D’autres compagnies peuvent également vous y emmener tels Emirates et Sri Lanka Airlines (escale à Dubaï) ou encore Qatar Airways (escale à Doha). Compter 950 € allert-retour en moyenne.
• Quand y aller ?
La meilleure période pour s’y rendre est de novembre à mars, car la saison est sèche et les températures douces. Nouvelles Frontières organise un voyage « Les couleurs du Gujarat » qui inclut la découverte des temples jaïns à travers un séjour d’une vingtaine de jours dans cette région indienne si riche. Les forums du routard.com peuvent aider les voyageurs qui cherchent à organiser leur voyage.


Photos : Marco Restelli
Cet article est extrait du site esprityoga.fr

Marco Restelli

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