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Les hormones sexuelles à nouveau sur la sellette

Mis à jour le 25 février 2021
Pour la première fois, une étude montre une relation entre la prise de progestatifs oraux (avant la ménopause) et le risque de cancer du sein.

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hormones sexuelles

En totale contradiction avec le discours médical français, les traitements à l’aide de progestatifs, ces hormones de synthèse de structure chimique proche de la progestérone sécrétée par les ovaires, auraient des effets nocifs sur la glande mammaire.
 
 
Françoise Clavel-Chapelon, directrice de recherche à l’Inserm a publié dans le British Journal of Cancer d’avril 2007, les résultats de la première étude mettant en évidence un risque accru de cancer du sein chez les femmes non ménopausées prenant des progestatifs pendant plus de quatre an et demi. Il semblerait que ces derniers accélèrent la prolifération des cellules précancéreuses pendant la durée du traitement.
 
 
En France, ces médicaments sont prescrits depuis de nombreuses années sans qu’aucune étude randomisée en double aveugle avec placebo ne garantisse une vraie sécurité de cette pratique. Ces progestatifs oraux (Duphaston®, Lutéran®, Lutényl®, Orgamétril®, Surgestone® etc.) sont couramment donnés dans le cadre d’une contraception (27% des prescriptions), pour des douleurs mammaires (47%), pour des pathologies de l’endomètre (29 %), pour des troubles liés à la préménopause (57 %), pour des maladies bénignes du sein (20%) ou encore pour des syndromes prémenstruels (38 %).
 

L’étude E3N dirigée par La Dre Françoise Clavel-Chapelon est la partie française d’Epic, une vaste enquête européenne coordonnée par le Centre international de recherche sur le cancer et portant sur 500 000 femmes dans dix pays. Dans le cadre de l’étude E3N, l’équipe de Françoise Clavel-Chapelon a déjà analysé les réponses de 73 664 femmes. Pour comprendre les effets des progestatifs sur le cancer du sein, les chercheurs se sont limités aux femmes ayant utilisé des progestatifs après 40 ans et avant la ménopause. Les résultats sont à la fois inquiétants et rassurants puisqu’ils montrent que les femmes prenant des progestatifs oraux seuls depuis plus de quatre ans et demi ont un risque multiplié par 1,44 d’être atteintes d’un cancer du sein. En revanche, à l’arrêt des progestatifs, cette incidence cesse, quelle que soit la durée du traitement passé.
 

Désinformation

En toute logique, et par simple principe de précaution, il suffit aux utilisatrices d’arrêter d’en prendre… Et aux médecins d’en prescrire. Pour abandonner un traitement, il faut avoir accès à une information objective et en France cela n’est pas simple.
 
 
Face aux articles parus dans la presse et qui, pour la plupart, ne faisaient que reprendre les informations contenus dans le communiqué de presse de l’Inserm, l’Afem, le groupe de pression pro-hormones écrit dans ses commentaires de l’étude de Françoise Clavel-Chapelon : « Au total, les résultats de cette publication n’ont rien de révolutionnaire et ne méritent certainement pas que la grande presse quotidienne nationale s’en empare en publiant le 6 avril 2007 un article intitulé “Les progestatifs augmentent le risque de cancer du sein” de quoi affoler à nouveau inutilement les populations. » Cette remarque, pour le moins désobligeante à l’égard d’une épidémiologiste de renom et de son travail, suscite plusieurs réflexions. Elle traduit le déni médical français habituel sur le danger des hormones (et des médicaments en général). Elle néglige une donnée fondamentale : le cancer du sein augmente de façon très préoccupante dans notre pays et toutes les raisons qui pourraient expliquer le phénomène devraient être très sérieusement étudiées par le monde médical. Elle souligne enfin le mépris dans lequel l’Afem tient les femmes et leur juste besoin d’information. Le scandale du THS, traitement hormonal substitutif de la ménopause, a bien montré que ce type de contre-expertise était loin d’être inutile. Sans le groupe de pression des féministes américaines, aucune étude randomisée en double aveugle sur le THS n’aurait vu le jour. Et les médecins continueraient à le prescrire en toute impunité. Aux Etats-Unis des procès sont en cours. La firme Wyeth a été condamnée à verser près de 134 millions de dollars à trois femmes atteintes d’un cancer du sein après un traitement hormonal substitutif. En France, la trop grande proximité entre les médecins et les entreprises pharmaceutiques ne facilite pas la transparence. Chez nous, quelques procédures sont engagées contre des médecins et non contre les laboratoires…
 
Quant aux progestatifs de synthèse et à leur prescription, on attend les nouvelles recommandations des autorités sanitaires, en particulier de l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire de produits de santé). Il est également urgent qu’une véritable réflexion s’engage sur les possibles liens entre la prise d’hormones et le cancer du sein, tout en sachant que la genèse de ce type de cancer est multifactorielle et ne se résume pas à une prise d’hormones.
               


Des scandales récurrents

Utiliser des hormones sexuelles pour traiter les problèmes gynécologiques des femmes n’est pas nouveau. La médecine y recourt depuis la fin des années 1930, période à laquelle les industriels de la pharmacie ont commencé à produire des œstrogènes et de la progestérone de synthèse. Ces prescriptions ayant toujours précédé leur évaluation scientifique, ce sont les utilisatrices qui ont servi de cobayes et qui en ont testé les dangers éventuels. D’où, des effets dévastateurs pour la santé, à l’origine, dans la deuxième moitié du XXe siècle, de scandales récurrents.
 

Années 1980 : scandale du distilbène, nom commercial d’un œstrogène de synthèse,
le diéthylstilboestrol prescrit aux femmes enceintes présentant un risque de fausse-couche. Commercialisé en France à partir de 1950, il est interdit seulement en 1977.
Les enfants des utilisatrices, environ 200000, essentiellement des filles, risquent des cancers de la sphère gynécologique, portant gravement atteinte à leur capacité de procréer.
 

Années 2000 : scandale du THS. Après des années de prescription, une étude américaine WIH (2002) conclut à une balance bénéfices-risques défavorable. Les médecins français rejettent ces résultats arguant qu’ils ne prescrivent pas les mêmes dosages ni les mêmes produits. Oubliant un peu vite qu’en 2002, seulement 10 % des femmes sous traitement hormonal prenaient un THS dosé à la française !
Philippe Duneton, le directeur de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (l’Afssaps) s’est, à cette occasion, opposé au Dr Henri Rozenbaum, président de l’Association pour l’étude de la ménopause, inaugurant peut-être une ère de plus grande distance entre les autorités publiques de santé et le monde médical. L’agence a, en effet, décidé de limiter la prescription du THS à cinq ans, l’a réservé aux femmes présentant de réels problèmes et en a refusé l’usage à titre préventif, manifestant ainsi non seulement une prudence élémentaire mais aussi une certaine indépendance à l’égard des lobbies pharmaceutiques et de leurs sympathisants dans le monde médical.

 


Cet article est tiré du n° 350 d’Alternative Santé - Le mensuel de défense et d’information des consommateurs de soins médicaux.


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Martine Laganier

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