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Entretien avec Maïlis Richard : "nez" bio chez Sanoflore

Mis à jour le 25 février 2021

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Qu'est-ce que le métier de nez et comment devient-on nez ? Parlez-nous de votre parcours...
 
Maïlis Richard : Le métier de créateur de parfums est un métier qui s’étudie, comme toute autre profession. A mon sens, c’est avant tout un métier de passion, de curiosité, de patience et d’apprentissage continuel à chaque nouveau projet.
J’ai toujours été très attirée par les odeurs… de nature, de cuisine, de lieux et bien sur de parfums. J’ai formulé vers l’âge de 12 ans le souhait d’en faire mon métier, et de créer des parfums. Depuis, je n’ai eu de cesse de développer ma curiosité olfactive avec toujours, un penchant particulier pour le Naturel.

Combien y-en a-t-il de "nez" en France ?
 
Maïlis Richard : Difficile à dire précisément…

Quelle est la formation à suivre ?

Maïlis Richard : Il existe plusieurs voies pour devenir « Nez », la plus classique passant par un parcours de Chimie ou Biochimie, suivi d’un Master en alternance entre l’ISIPCA de Versailles (Institut Supérieur International de Parfumerie, Cosmétique et Aromatique alimentaire) et une société du secteur de la Parfumerie (pour ma part, j’ai été formée en évaluation au sein de la société de composition Takasago à Paris).
D’autres parcours universitaires existent également, en particulier à Montpellier, au Havre…, ainsi que des écoles internes développées par les sociétés de parfumeurs et autres formations privées (ASFO à Grasse…).

Vous êtes le premier "nez" à travailler en formulation de cosmétiques bio en France ? En quoi cela consiste-t-il ?
 
Maïlis Richard : Je rectifie simplement : je ne suis pas le premier parfumeur à travailler en formulation pour les cosmétiques bio en France, mais je suis une des rares (peut être la seule en effet) à ne formuler QU’EN « BIO » (j’entends par là en conformité avec le Cahier des Charges Ecocert).
La particularité de mon poste relève sans doute davantage de l’expertise complète que je développe au sein du Laboratoire Sanoflore. En plus du travail de formulation (ie. création), je m’occupe du sourcing de mes matières premières et suis donc en contact direct avec les fournisseurs de matières premières naturelles. Je travaille également avec des sociétés de composition, des experts réglementaires et des experts des cosmétiques certifiés Bio.
Autre particularité notoire,  ma place au sein même de l’équipe de développement des cosmétiques Sanoflore. Ceci nous permet de considérer l’aspect olfactif dès l’amont des développements, notamment dans la sélection des hydrolats et des huiles essentielles que nous utilisons. C’est une grande chance pour moi de pouvoir ainsi travailler au cœur de l’équipe R&D.

Est-ce plus compliqué d'être un nez en "bio" ? Quelles différences ?
 
Maïlis Richard : Pour répondre en toute honnêteté, il me faudrait avoir concrètement exercé en tant que parfumeur conventionnel.
Or j’ai pris tout de suite le parti de la formulation « Naturelle » orientée vers les cométiques « bio ». Ma connaissance du synthétique se limite à mes études et non à un réel exercice de ma profession. Je préfère donc laisser des parfumeurs exerçant sur les deux domaines (bio / non bio) vous répondre.
 
Chaque parfumeur a des contraintes (orientation du brief marketing, réglementaire, coût de la formule, délais…). En fonction du type de produit, de la marque pour laquelle le parfum est destiné, les pays de commercialisation… ces contraintes varient, que l’on développe pour des produits « bio » ou non. (on peut facilement imaginer que le parfumeur travaillant sur la prochaine fragrance d’un grand parfumeur a une marge de prix plus élevée que s’il crée la prochaine senteur d’un gel douche pour une marque de discounter).


Certes, en « bio », s’ajoutent à ces contraintes courantes la nécessité d’utiliser uniquement des matières premières ayant été agréées par un organisme certificateur (Ecocert par exemple). La palette disponible en formulation « bio » se restreint donc à 250 composés environ (contre 3000 à 4000 possibles en conventionnel).
Ceci étant, je ne pense pas qu’aucun parfumeur utilise en routine la totalité de la palette synthétique !
 
De ce fait, je ne peux utiliser nombre de matières premières qui n’existent pas à l’état naturel (dont certaines que j’aime particulièrement comme la note cristalline de l’Hédione HC, le galaxolide et l’ambrettolide (qui sont des muscs synthétiques), l’acétate de styrallyle et sa senteur de rhubarbe fraîche…). Cela oblige à développer des architectures de parfums différentes de ce que l’on peut voir en conventionnel, à utiliser les ingrédients sous d’autres facettes, bref, à s’approprier vraiment l’approche que l’on a de la formulation.
Du coup, l’absence de certains ingrédients stimule la créativité, elle n’en est que plus développée par le challenge que représente chaque contrainte supplémentaire. En deux mots : difficile certes, mais passionnant !

On parle beaucoup de la volatilité des huiles essentielles et donc des parfums qui tiennent moins bien, qu'en pensez-vous ?


Maïlis Richard : Les huiles essentielles présentent en effet des volatilités qui les placent en général en tête ou cœur des fragrances. Seuls les bois et certaines facettes d’autres huiles essentielles permettent d’assurer plus de tenue en fond. Ceci étant, il existe d’autres matières premières utilisables en formulation « bio », autres que les huiles essentielles, qui apportent des notes de fond. C’est le cas par exemple d’extraits de vanille à l’éthanol naturel, de certaines molécules naturelles comme la coumarine…
D’où tout l’intérêt de développer une palette naturelle allant au-delà des huiles essentielles. Ceci afin de mieux les combiner et de développer de véritables compositions et non de simples mélanges d’huiles essentielles.

Quels sont les grands parfumeurs dont vous vous inspirez dans l'histoire ? Leurs formules et savoir-faire reviennent-ils à la mode ?


François Coty pour sa contribution à la démocratisation du parfum ; Edmond Roudnitska bien entendu, pour l’immensité de ce qu’il a apporté à la parfumerie moderne ; Annick Goutal pour son univers, sa liberté et la joie qui se dégage des compositions de la marque, ainsi qu’Isabelle Doyen, la seconde facette des parfums Annick Goutal, professeur qui m’a le plus marquée ; Olivia Giacobetti pour son indépendance, la qualité et la diversité de ses travaux. La signature olfactive qui me touche le plus reste incontestablement celle de Jean-Claude Ellena. 

Quelles sont vos 4 essences préférées ?
 
Maïlis Richard : Difficile à dire… je n’aime pas « classer » les odeurs.
Disons que parmi les huiles essentielles, j’ai un faible pour la fraîcheur et l’appétence de la bergamote, l’espièglerie verte de l’angélique, le crémeux d’un beau santal, et la richesse naturelle du myrte rouge… mais la liste n’est pas exhaustive !

Comment voyez-vous l'évolution de ce métier ?
 
Maïlis Richard : J’ai la sensation que les grandes maisons de parfums (Guerlain, Hermès, Chanel, Dior…) se recentrent sur la nécessité d’avoir une « signature » propre à leur marque. Une identité olfactive qui passe en particulier par un parfumeur « attitré », comme cela était le cas autrefois. J’approuve cette démarche, cette quête olfactive qui réintroduit la notion « d’art » et non uniquement la donne commerciale liée aux parfums et qui fait contre-pied avec l’explosion des lancements observée actuellement. Sanoflore est l’une des seules marques de cosmétique à adopter cette démarche.
 
Concernant le métier proprement dit, les évolutions de la palette (en particulier avec les recherches continuelles de nouvelles molécules de synthèse et les nouveaux procédés d’extractions des matières premières naturelles, mais aussi l’évolution des réglementations) vont continuer à faire évoluer les fragrances et les « modes ». Certaines sociétés travaillent déjà à des procédés d’extraction et d’obtention plus « propres » et plus écologiques, en minimisant notamment l’utilisation de solvants d’origine pétrochimique, et j’espère que ceci va se généraliser.
Concernant les produits naturels, je ne doute pas que ces ingrédients vont continuer à figurer à la palette, même si leur part dans les fragrances (en particulier pour des produits nettoyants, d’hygiène…) restera très marginale.

Je pense également que l’industrie va poursuivre ce que l’on observe depuis quelques années déjà : s’impliquer dès l’amont, sur le lieu même des cultures, en établissant un partenariat direct avec les producteurs. Ceci afin d’assurer leurs approvisionnements et d’éviter les « crises » observées ponctuellement sur certaines matières premières, liées aux aléas climatiques, politiques ou autres… J’ai personnellement beaucoup d’attentes en matière de nouveaux types d’extraits naturels (issus de nouveaux procédés d’obtention à partir des végétaux ou en travaillant différemment les extraits existant), mais aussi de nouvelles senteurs issues de végétaux encore non extraits jusqu’alors…

Pensez-vous que nos nez ont été "pervertis" par les senteurs artificielles ?
 
Maïlis Richard : Nos nez ne sont pas pervertis, c’est notre cerveau qui l’est. Cela est valable à mon sens tant pour les odeurs que pour les saveurs. Nos papilles et nos récepteurs olfactifs sont tout à fait normaux, mais nos références d’odeur ou de goût de fraise par exemple, sont souvent plus proches de l’arôme d’un yaourt ou d’un bonbon à la fraise que du véritable fruit. Aujourd’hui, si vous faites sentir à des enfants une vraie fraise et un yaourt à la fraise, en demandant ce à quoi cela leur fait penser, il est triste de constater que le yaourt est pour eux plus évocateur que le fruit lui-même.
Je pense que nous avons là un gros travail d’éducation à réaliser. Le point positif étant que chacun peut s’entrainer quotidiennement et s’auto-éduquer. On a coutume de dire que plus l’on sent, mieux l’on sent. C’est très ludique !

Pensez-vous que les senteurs naturelles pansent aussi les blessures de l'esprit ?

Maïlis Richard : Je suis persuadée que les odeurs en général ont des pouvoirs très forts sur notre émotionnel. Les senteurs de la nature ayant pour moi une vibration plus intense que les autres. L’aromathérapie ainsi que d’autres techniques de soins développées plus récemment (auprès notamment de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de troubles de la mémoire), en sont de belles preuves.
Les odeurs, par leur pouvoir de réminiscence, sont des vecteurs incroyables de nos émotions. Et si l’on considère que nombre de « blessures » de l’esprit résultent de difficultés à gérer nos émotions, alors il n’y a qu’un pas vers l’idée de « soin » par les odeurs. Mais là encore, il y a encore nombre de travaux à réaliser sur cette voie que je pense pleine d’avenir …

A consulter : "J'ai testé le parfum sur mesure" par Stéphanie Jarroux.

Anne Ghesquière

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