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Droits des femmes

"La liberté naît du collectif", l'appel à la sororité d'Anne-Sarah Moalic

8 mars : la sororité sauvera le monde
La sororité : la fraternité au féminin pour combler les inégalités.
Andrea Piacquadio/ pexels
Un oeil nouveau sur le monde Autre regard
Anne-Sarah Moalic
Par Anne-Sarah Moalic
Mis à jour le 08 mars 2022

Ce 8 mars marque, comme chaque année, la Journée Internationale des Droits des Femmes. A cette occasion, Anne-Sarah Moalic, historienne et chercheuse spécialiste de la question du droit de vote des femmes en France, nous invite à nous interroger sur la femme au pluriel, en temps que collectif. La sororité, la fraternité au féminin, ne serait-elle pas l'avenir de l'égalité ?


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Les luttes des femmes pour plus d’égalité se sont toujours appuyées sur des collectifs de femmes prenant conscience de problématiques communes et décidant, toutes ensemble – avec parfois l’apport d’hommes militants – d’agir pour réduire les inégalités. A toutes les époques, à travers des formes de militantisme très différents et pour des causes multiples, des femmes se sont réunies pour gagner plus de liberté.

Les rebelles sages : des premiers mouvements féministes aux débats actuels

Droit civil, droit de vote, conditions de travail des femmes : les sujets de lutte sont nombreux, au 19e siècle. Le féminisme n’est pas un combat du 21e siècle ! Mais, si on ressent encore aujourd’hui la difficulté de militer pour plus d’égalité entre les femmes et les hommes, il faut mesurer la difficulté des femmes de cette époque pour prendre conscience du problème, réagir, se réunir, lutter, dans un monde où la place des deux sexes était beaucoup segmentée. Comment, dans une société où les femmes avaient pour mission de veiller au foyer, pouvaient-elles se rencontrer ? C’est dire l’importance des lieux de sociabilité féminine : associations philanthropiques, manufactures voire, plus tard, religion.

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Peu à peu, des femmes réussissent à prendre la parole sur les inégalités liées à la condition féminine et à rassembler autour d’elles d’autres femmes. Impossible de lutter seules, pour obtenir des résultats, surtout lorsque les femmes revendiquant pour leurs droits étaient décriées, alors même que leur manière de militer restait sage : conférences, articles, congrès, pétitions auprès des députés, marches calmes dans les villes… C’est comme cela que naissent, à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, de nombreuses associations, par exemple pour le droit de vote, et ces associations se réunissent en mouvements internationaux, donnant un souffle puissant aux revendications et permettant à des groupes encore réduits, dans certains pays, d’y puiser des soutiens, des idées… et du courage pour se lancer dans la bataille.

Les féministes et l’action directe : une ancienne nouveauté

Quand on pense collectifs de femmes, on pense immédiatement au MLF. Ces femmes, dans les années 70, ont fait émerger plusieurs questions liées à la condition des femmes. Droit à maîtriser son corps, égalité de rémunération… Les sujets sont nombreux dans une France qui se libère de certains carcans suite à mai 68. Et il est certain que la marginalisation des femmes dans ce mouvement les a conduites à se réunir pour mettre en avant leurs revendications propres ! Leurs actions sont restées mythiques : qu’il s’agisse de brûler des soutiens-gorges ou de dénoncer l’invisibilisation des femmes dans la société, sous l’Arc de Triomphe, avec ce slogan : «Plus inconnue que le soldat inconnu : sa femme». Mais les «filles du MLF» n’ont pas été les premières à avoir recours à l’action directe. Hubertine Auclert, encore elle !, entraînant avec elle d’autres femmes, a quelques faits d’arme à son actif, comme le fait d’aller d’investir les salles des mariages pour dénoncer la soumission des femmes dans le mariage.

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Plus tard, les suffragettes anglaises, sous la houlette de Mrs Pankhurst, agitent le Royaume-Uni, exaspérées par des années de lutte vaine pour le vote des femmes. Plus près de nous, des groupes comme les Femen, dont la notoriété vient du fait qu’elles militent seins nus, revendiquant pleinement leur féminité sans entrave, poursuivent, en les adaptant aux temps et aux mœurs, ces actions directes pour dénoncer les injustices touchant les femmes. C’est là une sororité de compagnons d’armes, qui se renforce dans le combat commun, souvent à la limite de l’illégalité ou de ce qui est considéré comme «moral» par la société.

Collectifs féminins et actions discrètes

Il n’y a pas que les femmes qui s’affirment féministes qui œuvrent pour plus d’égalité. Nombre de femmes, pour des raisons qui leur appartiennent, parce qu’elles l’assimilent à une lutte contre les hommes, à un combat politique, ou à un militantisme actif, refusent le qualificatif de féministes. Pourtant, elles se rassemblent en associations ou en lobbies pour faire progresser la condition des femmes ou de groupes de femmes : mères, cheffes d’entreprises, salariées de certains secteurs, élues… Ces actions discrètes sont moins présentes aux yeux du grand public, mais répondent, elles aussi, à des besoins. Par exemple, des femmes voulant se lancer dans l’entreprenariat pourront s’appuyer sur des clubs de personnes bienveillantes, leur offrant conseil et mentorat, pour mieux affronter les difficultés d’un monde économique encore largement considéré comme masculin, avec les codes qui vont avec…

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La conscience que d’autres femmes subissent les mêmes injustices que soi ont souvent conduit les plus entreprenantes d’entre elles à se regrouper, à chercher ensemble des solutions. Ce simple acte de se réunir autour de ses points communs définit la sororité, cette solidarité de femmes voulant progresser avec leurs consœurs et avec la société tout entière. Ce bref aperçu des manières dont la sororité est mise à contribution pour faire avancer des causes montre qu’elle est un ingrédient nécessaire au progrès : en permettant une prise de conscience collective, en donnant les armes intellectuelles pour combattre les inégalités, en permettant un espace d’échange bienveillant, en inspirant celles qui seraient encore hésitantes. Pour nombre de sujets liés aux droits des femmes, la liberté, l’égalité naissent de la sororité.

L'autrice :

Historienne, chercheur associée auprès de l’université de Caen, spécialiste de la question du vote des femmes en France, Anne-Sarah Moalic intervient régulièrement dans les médias sur les questions liées à l’égalité des sexes. Elle est l'auteure de La Marche des Citoyennes, Le droit de vote des femmes en France (1870-1944) aux éditions du Cerf.

(©éditions Cerf)

Le livre :

La marche des citoyennes. le droit de vote des femmes en France 1870-1944, d'Anne-Sarah Moalic, aux éditions Cerf, 2021.

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