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En quoi les sites de seconde main émettent-ils plus de pollution que ce que l'on croit ?

Mode de seconde main

Finalement, la mode de seconde main utilise les mêmes leviers que la fast fashion, dans un même objectif de croissance exponentielle mondialisée : rabais sur les prix, forte présence sur internet, renouvellement des collections, offre démesurée, facilité et rapidité d’achat.

Karolina Grabowska/Pexels
Un oeil nouveau sur le monde Autre regard
Julie Carbonaro
Par Julie Carbonaro
Publié le 05 août 2021

Depuis quelques années, les sites de revente et seconde main dans l'univers de la mode connaissent un succès grandissant faisant écho à la conscience écologique de certaines de leurs utilisatrices. Mais en regardant de plus près, ces mastodontes de la "mode durable" sont en réalité très énergivores. Vinted, Vestiaire collective, Vide dressing, des sites écolos ?


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Retrouvez la première partie de cet article "Mode seconde main : Vinted et Vestiaire Collective, une économie circulaire ?"

Les vêtements issus de la grande distribution approvisionnent massivement le marché en ligne de la seconde main. Malheureusement, de la fast fashion d’occasion reste de la fast fashion : une fringue bas de gamme composée de matière synthétique issue du pétrole (23), un concentré de pollution (24) fabriqué au Bangladesh pour 0,32 US $/heure (23), qui aura parcouru 20 000 km (25) pour arriver jusqu’à nous.

Fast Fashion

Revendre d'occasion pour acheter neuf

Inversement, le marché de la seconde main alimente en continu celui de la première main. Les grandes enseignes ont encore de beaux jours devant elles. En effet, selon une étude réalisée par le cabinet Boston Consulting Group pour le site internet Vestiaire Collective, pour 70% (26) des utilisateurs, revendre en seconde main est une manière d’augmenter son pouvoir d’achat sur le marché de la première main. Même constat du côté de The RealReal, incontournable site internet Américain du luxe de seconde main (27) : la majorité de ses vendeurs utilisent l’argent gagné pour acheter des pièces de première main. Sitôt l’article revendu en ligne, sitôt le consommateur retourne en magasin pour se procurer la dernière collection.

Sous couvert de conscience écologique, la seconde main en ligne est surtout l’occasion d’arrondir ses fins de mois et de faire de bonnes affaires, sans avoir à rogner son budget. La preuve en est, le prix moyen par article est de 15 euros sur Vinted (13) et 71% des acheteur.ses de Vestiaire Collective (26) n'auraient pas les moyens de s’offrir ces marques en première main.

L'impact environnemental d'une telle pratique

Sauf que les deux piliers de ce modèle économique ne sont pas neutres en carbone et en abuser cause de réels impacts sur notre environnement :

Les serveurs informatiques où sont stockées les données des sites internet fonctionnent en continu et sont de grands consommateurs d’électricité, issue en majorité de centrales à charbon (traitement des informations, refroidissement des serveurs, générateurs de secours (28)...). On estime à 67 millions (29) le nombre de serveurs qui seraient stockés dans 5000 (30) à 8000 data centers, chacun nécessitant autant d’électricité qu’une ville de 30 000 à 50 000 habitants (28). Une consommation qui augmente chaque année de manière exponentielle avec le développement du nombre de sites internet toujours plus énergivores.

La livraison est négociée par les maisons mères auprès de transporteurs internationaux sur des distances de plus en plus longues (des Pays-Bas à l’Espagne pour Vinted, de la France aux USA pour Vestiaire Collective). En Europe, elle se fait à 88% par camion (31), responsables de la détérioration des routes (un camion de 40 tonnes abîme autant que 60 000 voitures), de graves accidents liés à la pression du timing sur les chauffeurs, de 4200 km (31) de bouchons par jour en Allemagne, de la pollution aux particules fines qui cause 48 000 décès (31) prématurés par an en France...

Fast Fashion

Finalement, ce nouveau mode de consommation utilise les mêmes leviers que la fast fashion, dans un même objectif de croissance exponentielle mondialisée : rabais sur les prix, forte présence sur internet, rareté, renouvellement des collections, offre démesurée, fluidité, facilité et rapidité d’achat, transport des commandes sur longues distances... Même si on peut saluer l’allongement de la durée de vie des produits et leur démocratisation, le service n’étant pas pensé de manière globale et circulaire, il reste encore beaucoup à faire pour réduire son empreinte carbone.

Raphaël Guastavi, chef du service produits et efficacité matière de l’ADEME définit la mode durable comme une économie circulaire locale (32) pour des bénéfices économiques, écologiques et sociaux :

  • La lutte contre l’exploitation humaine dans les pays en développement
  • La baisse du chômage dans les pays désindustrialisés
  • Le recours à des matières premières locales et à faible impact (fibres végétales, fibres recyclées, laines)
  • La réduction des impacts des étapes de fabrication (tissage, teinture, ennoblissement, confection)
  • La maîtrise des consommations énergétiques des sites industriels
  • La gestion des eaux usées des sites de production
  • La réduction du transport des produits
  • La mise en place de boucles locales de recyclage des matières.

Actuellement, la mode reste une industrie polluante et énergivore. Malheureusement, le consommateur doit apprendre à refreiner son plaisir d’achat et se demander s’il a vraiment besoin d’une nouveauté. Car quoi qu’il en soit, même verte, la croissance infinie n’est qu’une illusion du capitalisme. D’ici à 2050 il nous faudra revenir à un mode de vie sain et modéré comme celui que nous avions dans les années 60 et 70 afin d’éviter un réchauffement climatique de plus de 2°C. Pour cela, la France devra émettre 80 mégatonnes de CO2 (33) par an. Si entre 1995 et 2018, les émissions intérieures ont diminué de 30% (34) « grâce » à la désindustrialisation du pays, parallèlement, les émissions importées ont augmenté de 78% (34) sur la même période, soit un total cumulé de 749 mégatonnes (34) de CO2.

Longue vie aux vide-greniers ! Longue vie aux échanges entre copin.e.s ! Longue vie aux associations locales !

Notre experte :

Designer et scénographe, diplômée d’un Master avec une spécialité éco-conception, cela fait maintenant plus de 10 ans Julie Carbonaro travaille auprès d’industriels et fabricants du monde entier.

Elle a mis en place le site internet Utopylogie afin d’accompagner les consommateurs, les aider à démêler et comprendre les enjeux et les mécanismes de l’industrie et ainsi leur permettre d’arbitrer parmi l’abondance d’offres et d’arguments commerciaux.

Le site internet : Utopylogie.
Vous pouvez aussi la trouver sur Instagram et Facebook.

Sources :

23- Le coût de la mode, Utopylogie, 2021 https://utopylogie.wordpress.com/2021/01/06/le-cout-de-la-mode/
24- La mode, une industrie polluante, Utopylogie, 2020 https://utopylogie.wordpress.com/2020/12/09/la-mode-polluante/
25- Reportage Fast Fashion, Xenius, Arte www.arte.tv/fr/videos/RC-014038/xenius/
26- Luxe de seconde main, un marché à 12% de croissance par an, BCG, 2019 https://www.bcg.com/fr-fr/press/15oct2019-luxe-de-seconde-main-un-marche-a-12-de-croissance-par-a
27- Revendre ses vêtements sur internet est-il bon pour la planète ? Marie Claire https://www.marieclaire.fr/revendre-vetements-ecologie,1339746.asp
28- La pollution invisible du net, Le Parisien, 2017 https://www.leparisien.fr/societe/la-pollution-invisible-du-net-10-01-2017-6546294.php
29- La face cachée du numérique, Ademe, 2021 https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/guide-pratique-face-cachee-numerique.pdf
30- Data centers : les pays les mieux équipés, Hub Institute, 2021 https://hubinstitute.com/2021/DigitalBusiness/Data/Transformation/Infographie-DataCenter-Statista-Cloudscene-EtatsUnis-Europe-France
31- Reportage Putains de camions, Les poids lourds en question, Arte, 2019 https://www.youtube.com/watch?v=VfxRTBjDCPw
32- Vous avez dit mode durable ? Ademe, 2021 https://infos.ademe.fr/dossier/mode-durable
33- Jour du dérèglement : ce mercredi 17 mars 2021, l’État français entame son découvert climatique, Greenpeace, 2021 https://www.greenpeace.fr/espace-presse/jour-du-dereglement-ce-mercredi-17-mars-2021-letat-francais-entame-son-decouvert-climatique/
34- Gaz à effet de serre : le poids croissant des émissions importées, Vie Publique, 2020 https://www.vie-publique.fr/en-bref/276617-empreinte-carbone-et-emissions-importees-de-gaz-effet-de-serre

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