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Histoire

Beauté : des Années folles aux 30 Glorieuses

femme plage soleil crème chapeau
1936 : congés payés et 1ère crème solaire
Sylvie Hampikian
Sylvie Hampikian
Mis à jour le 25 février 2021
Entre deux guerres mondiales, les Années folles préparent le terrain à la cosmétique moderne, qui prend son envol pendant les Trente glorieuses. Tous les grands noms sont là, de Chanel à L'Oréal en passant par quelques-uns qui n'ont pas résisté au temps.

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Tout comme la Belle Époque, les Années folles (1920-29) furent comme un appel d'air au cœur d’une histoire bien douloureuse. Cette période allait voir s'imposer les fondements de la cosmétique "moderne", telle que nous la connaissons aujourd’hui et à laquelle les Trente glorieuses (1945-73) allaient servir de rampe de lancement. Attention les filles : à vos marques ? Prêtes... Partez !

Colette nous sert de guide

L’écrivain Colette (1873-1954) a bien connu les grandes cocottes de la Belle Époque, petit monde qui gravite autour de son amie Missy (Mathilde de Morny, nièce de Napoléon III). Mais les années passent et Colette prend de l’âge. C'est en 1932, à l'aube de ses 60 ans, qu’elle réalise enfin son rêve.

Avec l'aide d'Henriette Gabilla, une amie née au Liban et connue pour être la première femme "nez" de histoire moderne, elle ouvre un institut de beauté au 6, rue de Miromesnil, à Paris. Une succursale sera ouverte à Saint-Tropez, une autre à Nantes.

À Paris, elle maquille elle-même ses clientes, pas toujours avec le succès escompté : inspirée sans doute par ses années de théâtre, elle a tendance à forcer le trait... Elle leur remet un fascicule écrit de sa plume et contenant des conseils, comme par exemple : "Yeux bleus, méfiez-vous d'un fard trop bleu". Elle y vend également des crèmes, des fards à joue, une poudre de riz Colette et un pinceau court pour les appliquer, appelé "la patte du chat" ! Et bien sûr des parfums : elle en choisit elle-même les flacons, crée des calligraphies pour les étiquettes, se rend à Grasse pour sélectionner les fragrances. Parmi ses créations, "Peau d'ange" sent la gelée de coing et la rose. Hélas, Colette n'est ni esthéticienne, ni femme d'affaires, et sa petite entreprise ne durera guère plus d'un an.

Images, images : un florilège de modèles

Louise Brooks, la garçonneAvec Colette, Coco Chanel (1883-1971) est sans doute une des femmes qui symbolisent le mieux, en France, le passage de la femme corsetée et guindée d’avant 1914 à la femme moderne du XXe siècle. La femme en route vers plus de liberté(s), aidée en cela par quelques événements qui changent sa vie et son image : l’accès au travail (il faut bien hélas remplacer les millions d’hommes morts à la guerre), la mode qui s’y adapte grâce à Paul Poiret, Jeanne Lanvin, Coco Chanel, l’avènement du cinéma et de la photographie, l’industrialisation qui démocratise de plus en plus les cosmétiques, les débuts de la mondialisation...

Rien de plus "naturel", donc, que les nouvelles icônes nous viennent des salles obscures et d'Hollywood. Dès les années 20-30, il y en a pour tous les goûts : Louise Brooks "la garçonne" 1, Jean Harlow la blonde platine, Greta Garbo la Divine, Marlène Dietrich l’Ange bleu…

De notre côté de l’Atlantique, la petite Française "d’avant-guerre" est incarnée par Gaby Morlay, Orane Demazis, Ginette Leclerc, Édith Piaf, Mistinguett, ou par quelques beautés plus "distinguées" : Yvonne Printemps, Jacqueline Delubac, Madeleine Sologne, Madeleine Renaud, Colette Darfeuil2… Et déjà brillent les toutes jeunes Micheline Presle, Michèle Morgan, Danielle Darrieux...

Après la Deuxième Guerre mondiale, c’est l’explosion du star system. Face à l’armée hollywoodienne, Marylin et Audrey en tête, nos Martine Carol, Michèle Mercier ou les Italiennes Gina Lolobrogida et Sophia Loren n’ont pas à rougir. Et qu’ont en commun toutes ces beautés des années 50 ? Leur sophistication !

Qu’elles incarnent des Gitanes, des reines d’Égypte, des Indiennes ou des chanteuses de cabaret, leur permanente tient bien en place, leur rouge à lèvre est rutilant, leurs ongles sont incassables et leurs faux cils ne bougent pas d’un poil ! Ce n’est qu’au début des années 60, préfigurant mai 68, que des Brigitte Bardot, Jeanne Moreau, Jane Fonda, Faye Dunaway, viendront apporter au cinéma et à la mode un vent de nouveauté et un peu plus de naturel.

Des cosmétiques qui "marquent" leur époque

Côté cosmétiques, on trouve désormais tout en magasin pour ressembler à ses idoles. Dès les années 1930, les instituts de beauté, parfumeries, grands magasins, Prisunic et Monoprix, proposent un vaste choix de cosmétiques, pour toutes les bourses. Les marques s’y livrent déjà à un combat acharné. Diadermine, L’Oréal, Avon, Cadum, Rexona, Max Factor, Shiseido, etc., avaient déjà vu le jour avant la Grande guerre et lui ont survécu. Dans les décennies suivantes, elles vont avoir une multitude de petites sœurs.

Parmi les plus anciennes, on citera : Payot (1920), Weleda (1921), Veet (1922), Colgate-Palmolive (1923), Gemey (1923), Rouge baiser (1927), Jeanne Piaubert (1928), Garnier (1929), Ella Baché (1929), Revlon (1932), Jeanne Gatineau (1932), Dr Hauschka (1935), Lancôme (1935), Helena Rubinstein (1937 // 1902?), Estée Lauder (1946), Oil of Olaz (1949), Jean d’Estrées (1950), Mustela (1950)… Bien sûr, quelques-unes disparaîtront aussi au cours de ces décennies. Peut-être parce qu’elles auront eu de moins bonnes idées que d’autres.

Au rayon des bonnes idées, le berlingot Dop est tout petit mais ne démérite pas. Créé en 1933 pour les coiffeurs, le shampoing Dopal de L'Oréal connaîtra à partir de 1952 un succès phénoménal auprès du grand public, sous la forme de berlingots dessinés par Vasarely, père de l’art "optique". Ces petits chefs-d’œuvre contenaient chacun une dose de shampoing.

Au rayon des mauvaises idées, nous décernerons la palme à la gamme Tho-Radia2. Ces cosmétiques créés par un certain Alfred Curie, homonyme des célèbres époux, étaient tout bonnement très actifs et même très… radio-actifs puisqu'ils étaient fabriqués à base de thorium et de radium, en vogue dans les années 1930 ! L’entreprise connut un tel succès qu’elle alla jusqu'à posséder un immeuble avenue Victor Hugo à Paris.

Congés payés et nouvelles vagues

Des parfums entrés dans la légendeLe rouge à lèvre en bâton avait été inventé par Guerlain en 1880, le tube de dentifrice par Colgate en 1886, la lime à ongle en émeri par Flowery Manicure Products en 1910 et le mascara par Maybeline en 1913. Mais l’une des grandes révolutions du XXe siècle, en France, allait être étroitement liée à l’Histoire, et plus précisément à l’instauration des congés payés en 1936. Les Français moyens découvrent la campagne, la montagne, la plage et… la première crème solaire ! Mais ceci n’est qu’un exemple parmi les innovations de l’époque. Saviez-vous que vos trousses de toilette recelaient de telles antiquités ?

- Premier rouge à lèvre en tube rétractable (Rouge baiser) : 1920

- Première crème dépilatoire moderne (Veet) : 1922

- Premier sèche-cheveu manuel (douche électrique à air chaud et froid de Calor) : 1923

- Premier crayon à paupière (Schwan) : 1927

- Premier vernis à ongle en flacon (Revlon) : 1932

- Premier dissolvant (Cutex Oil Polish Remover) : 1934

- Première crème solaire (Ambre Solaire de L’Oréal) : 1936

- Premier fond de teint moderne (Pan Cake de Max Factor) : 1938

- Première brosse à dents en nylon (Dupont de Nemours) : 1938

- Première laque en bombe (Spray Net d’Helen Curtis) : 1950

- Premier déodorant spray (Stopette) : 1950

- Et parce que les messieurs sont souvent les grands oubliés de l’Histoire… des cosmétiques, rendons hommage au premier après-rasage (Ice Blue d’Aqua Velva) : 1935

Je l’ai piqué à Maman qui l‘avait piqué à Mamie

Côté parfums, bien sûr, la star est le N°5 de Chanel (1921), si bien "vendu" par Marilyn Monroe en 1954. Bien qu’elle n’en fût pas l’égérie officielle, elle affirma un journaliste qu'elle ne portait pour dormir que quelques gouttes de N°5. Autant vous dire que ça a fait le buzz ! Pourtant, Marilyn a expliqué par la suite qu’elle avait seulement essayé de "répondre avec tact à une question grossière et indiscrète".

Même si le N°5 devient N°1 grâce à Marilyn Monroe, d’autres grands classiques intemporels sont nés pendant cette période : Shalimar de Guerlain (1921), Habanita de Molinard (1924), Arpège de Lanvin (1928), Joy de Jean Patou (1930), Canoë de Dana (1935), Miss Dior (1947), Air du Temps de Nina Ricci (1948), Femme de Rochas (1949 // 1943?), Youth Dew d’Estée Lauder (1952), Diorissimo (1956), Cabochard de Grès (1959), Madame Rochas (1960), Calèche d’Hermès (1961), Bal à Versailles de Jean Desprez (1962).

Le parfum s’adapte à la femme moderne. Fini les bouquets de fleurs qui convenaient à l’univers suranné de la Belle Époque. De plus en plus "synthétique", le parfum se fait tour à tour léger, frais, coquin, glamour... Il y en a pour tous les goûts, tous les âges, toutes les circonstances. Ainsi, pour surfer sur la vague du plein-air, Jean Patou crée "Vacances" en 1936 ! Côté homme, "Pour un homme" de Caron (1934), est le premier parfum exclusivement pour ces messieurs : les parfumeurs furent un peu moins réactifs sur ce coup-là, car la fête des pères avait été instaurée en 1928. Le parfum était alors hors de portée de l’argent de poche de leurs enfants…

Belles malgré tout

On ne peut traverser le XXe siècle sans évoquer la Drôle de guerre et l’Occupation. Même si ces événements douloureux ont sévèrement ralenti le secteurs des frivolités que sont la mode et la beauté, la plupart des femmes n’ont jamais totalement fait une croix dessus. Il fallait bien que la vie continue. Mes grand-mères m’ont raconté quelques astuces auxquelles elles avaient recours pour conserver un semblant d’élégance :

- Comment récupérer au marché noir de la toile de parachute pour en tirer un chemisier ;

- Comment tailler deux jupes dans un vieux pantalon d’homme (une par jambe !) ;

- Comment remplacer une belle coupe de cheveux par un foulard bien ajusté en turban ;

- comment dessiner au crayon la couture des bas que l’on ne porte pas, puisqu’il n’y en plus en magasin. Ce geste très symbolique est reproduit par Sabine Haudepin dans "Le Dernier Métro"...

A la Libération, les Parisiennes sont si élégantes que l’on croirait qu’elles ont passé quatre ans à s’y préparer. Le monde de la beauté revit. Chez les coiffeurs, des jeunes gens produisent de l'électricité pour les "indéfrisables" sur des vélo bricolés entraînant une dynamo, afin de pallier les coupures de courant.

La mode parisienne reprend vie elle aussi, dès 1944. Il faut dire que le secteur est crucial pour l’économie. A l’époque, on dit qu’à l’exportation, une seule robe d’un grand couturier équivaut à 10 tonnes de charbon, et qu’un litre d’un grand parfum équivaut à 2 tonnes de pétrole.

Lancé en octobre 1944, le "Théâtre de la mode"3 fait le tour du monde entre 1945 et 1946. Vitrine de la mode autant que démarche à but humanitaire, il s’agit un défilé haute-couture en miniature présentant des poupées mannequin à l’échelle 1/3 vêtues par les grands noms de la mode française et présentées dans des décors signés d’artistes de renom.

La ménagère de moins de 50 ans n’a plus de secret

Salon des Arts ménagersLe Salon des Arts ménagers eut lieu pour la première fois en 1923 et connut un record de fréquentation au milieu des années 1950. Il fut supprimé en 1983 : ma génération ne se passionnait plus pour les robots de cuisine, les moulinettes et les lave-linge ! Mais le concept de la "ménagère de moins de 50 ans", né dans l’esprit des publicitaires au début des années 60, était bel et bien apparu dans les allées du salon.

Mon exemplaire de L’Encyclopédie de la Femme (ed. Fernand Nathan, 1959) en est une parfaite illustration. Excellente maîtresse de maison, Madame doit aussi bien réussir le point de Jersey que l’aspic de volaille, la décoration de sa maison que les réceptions mondaines. Dans cet univers étriqué, le progrès est chimique, la nature a du plomb dans l’aile. Même les jardins qui entourent les pavillons ont des couleurs trop vertes pour être vraies et leurs roses, rigides et flashy, semblent en plastique. Jacques Tati en a fait avec humour un constat sans appel dans "Mon Oncle". Bref, en refermant cet ouvrage, on n’a qu’une envie : enlever chaussures et soutien-gorge, enfiler une robe longue en coton léger, lâcher ses cheveux, y piquer une fleur et danser pieds nus en chantant du Joan Baez ou du Maxime Le Forestier !

En attendant le temps du Flower Power, pour les adeptes du naturel, la littérature est bien pauvre. Jusqu'aux années 70, les secrets de "grands-mères" ne font plus… recette. On trouve plutôt des ouvrages de savoir-vivre, d’élégance ou de savoir-paraître, à l’exemple de ce petit fascicule intitulé Plaire et signé par "une vielle Parisienne" (1927) ou de Mieux que belle, best-seller américain de 1938 (Helen Valentine et Alice Thompson). Le bon point, dans ces ouvrages, c’est qu’ils mettent en vedette la culture physique et la diététique, qui sont effectivement deux atouts majeurs pour la beauté et la santé de la femme.

Mais pour les soins au naturel, iI faudra pratiquement attendre la fin des années 70, avec Yves Rocher et son 100 plantes, 1000 usages (1976) et Maurice Messegué, auteur du mythique Mon herbier de beauté (1979). Grâce à eux, on verra refleurir la camomille, la capucine, l’ortie et la calendula, tombés dans les oubliettes du modernisme pendant quelques décennies. L’esprit FemininBio est en marche…

Le bon conseil de Mieux que belle

- Brossage des cheveux : pour garder des cheveux propres entre chaque shampoing, brossez-les régulièrement. Nul besoin des 100 coups de brosse de nos grands-mères : il suffit de les brosser avec grand soin.

Le truc diabolique de L’Encyclopédie de la Maîtresse de Maison4

- Soin des mains fatiguées, abîmées : plongez-les dans un bain d’huile de paraffine et, ainsi enduites, enveloppez-les dans du papier de soie puis dans des moufles matelassées et restez ainsi 15 à 20 minutes. (NDLR : mais qui va cuisiner et faire le ménage pendant ce temps-là ? ;-) )

Notes:

1. Louise Brooks : je cite cette actrice oubliée, star d’avant-guerre, car je l’ai bien connue, belle et charmante octogénaire

2. J’ai dans ma collection livresque un petit fascicule intitulé Dictionnaire des soins de beauté (1935), qui n’est autre qu’un livret publicitaire à la gloire de Tho-Radia

3. Le Théâtre de la Mode : voir à ce propos l’excellent article sur le blog de Cameline

4. L’Encyclopédie de la Maîtresse de Maison, Françoise Perret et Charlotte de la Ménière, Editions Marabout, 1967

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