Il y a ceux qui voient le verre à moitié plein, ceux qui le voient à moitié vide… et les autres. Mêlant l’enthousiasme pour l’avenir des optimistes et le réalisme des pessimistes, les "optiréalistes" sont les plus heureux et les plus susceptibles de rencontrer le succès.
C’est en tout cas ce qui ressort des travaux de Sophia Chou, chercheuse en psychologie organisationnelle à l'Université nationale de Taïwan. En se penchant sur le cas de 200 étudiants qui se disaient optimistes, elle a observé qu’ils se répartissent entre les idéalistes et les réalistes. Ces derniers s’appuient sur leur réalisme pour progresser et positiver sans s’embourber dans les vicissitudes du quotidien ni glisser vers la "pensée magique".
Forts de leur self-control, les "optiréalistes" sont capables de rebondir, expliquait Sophia Chou lors de la présentation de ses travaux à la conférence de l’American Psychological Association, durant l’été 2013 : "Lorsqu’ils doivent affronter un problème ou un challenge, ils ne diront pas ‘Je n’ai pas le choix, c’est la seule chose que je peux faire’. Ils seront créatifs et auront un plan A, un plan B et même un plan C."
Cet "optimisme intelligent", comme l’appelle Alain Braconnier, auteur de Optimiste (éd. Odile Jacob), est positif pour notre bien-être, car il induit bonheur, persévérance et accomplissement personnel.
On ne nous dit pas tout…
À la manière des complotistes, un "optiréaliste" pourrait s’écrier qu’on nous cache beaucoup d’informations. Sauf que, dans son cas, le message est positif : tout n’est pas aussi noir qu’on vous l’affirme.
Pour Jacques Lecomte, auteur de Le monde va beaucoup mieux que vous ne le croyez, la révélation a eu lieu en 2015 : "Tout le monde disait que 2015 était une année pourrie. Mais, pendant l’été, l’ONU a publié un rapport qui dressait le bilan des actions du Programme du millénaire. En le lisant, j’ai réalisé que le monde allait beaucoup mieux que quinze ans auparavant. Bien sûr que les attentats qui ont frappé la France sont une chose grave, mais ça ne veut pas dire tout ! La France n’est qu’une partie du monde et 2015 une partie du temps. Si on prend une vision plus large du temps et de l’espace, le monde va plutôt bien, mieux qu’avant."
Voici pêle-mêle quelques-unes des bonnes nouvelles que Jacques Lecomte relève :
- près de deux milliards de personnes ont été libérées d’une probable sous-alimentation au cours des vingt-cinq dernières années ;
- le nombre d’enfants non scolarisés a été divisé par deux en moins de vingt ans : 120
millions en 1996 et 57 millions en 2015 ;
- la superficie des zones protégées dans le monde double tous les dix ans depuis un demi-siècle ;
- aucune espèce marine n’a disparu ces trente dernières années ;
- depuis les années 1970, le nombre de pays ayant aboli la peine de mort augmente constamment : ils étaient 8 en 1950, 102 en 2015.
Loin d’être exhaustive, cette liste remonte le moral et change du discours ambiant. "Nous faisons face à une grave disproportion entre l’information négative et celle positive, pointe Jacques Lecomte. Il y a des journalistes qui donnent des fausses informations, parfois volontairement, souvent involontairement. Et il y a des journalistes qui déforment l’information, qui ne donnent que les aspects négatifs sans contrebalancer avec ce qui est positif. L’information est partielle et donc partiale. C’est dogmatique de ne vouloir parler que de négatif !"
Du positif pour agir
Dans la logique "optiréaliste", il ne s’agit pas d’être béat et niais mais mesuré, c’est-à-dire savoir présenter ce qui va comme ce qui ne va pas, et surtout assurer un "droit de suite" sur les sujets d’alerte. Ainsi, Jacques Lecomte s’insurge sur le traitement médiatique du trou dans la couche d’ozone : "Pendant des années, on nous a alarmés sur l’augmentation de la taille du trou de la couche d’ozone, on nous montrait des cartes sur lesquelles il ne cessait de s’agrandir. Mais maintenant qu’il se réduit, personne n’en parle !"
Il est pourtant crucial d’être au courant des bonnes nouvelles. "Mettre en avant la négativité dans les médias permet de faire peur aux gens. Or, en faisant peur aux personnes, on les fige. Si vous regardez le journal télévisé, il y a des chances que vous avortiez votre projet avant de l’avoir commencé en vous disant ‘On n’est pas si malheureux que ça’. Mais le but d’une vie n’est pas de ne pas être malheureux, c’est d’être heureux", assure Charlotte Savreux, journaliste et auteure du livre L'année du déclic, et si c'était la vôtre ?.
Jacques Lecomte ne dit pas autre chose lorsqu’il insiste sur ce qui donne envie d’agir : "Montrer des évolutions positives dans la société, c’est présenter des exemples qui donnent envie d’agir. Si on ne présente que le noir, on laisse les gens dans le désespoir et l’immobilisme, car on a l’impression, en tant que ‘petit’ citoyen, qu’on ne peut rien faire."
L’"optiréaliste" est fondamentalement optimiste. Il est lucide sur le fait que le meilleur et le pire peuvent arriver. Et c’est pourquoi il doit rester actif, précise Jacques Lecomte : "Nous n’avons pas besoin d’un optimisme de l’attente mais de l’action. On doit croire à ce que l’on veut voir arriver. Sans être méchant, dire ‘ce n’est pas possible, vous êtes un rêveur’, c’est laisser faire !"
Lancez-vous et tant mieux si ça ne marche pas
"La génération des soixante-huitards laisse place à une nouvelle génération", introduit Charlotte Savreux. Pour la journaliste, pas de doute : nous ne traversons pas une crise, nous vivons un basculement vers de nouvelles valeurs. "L’époque dans laquelle on vit demande que l’on exprime des valeurs très fortes : courage, persévérance, goût de l’effort, sens des responsabilités, de l’audace. Ce n’est pas facile, mais c’est formidable d’être courageux, d’avoir de l’audace… les bonheurs viennent aussi des efforts surmontés."
Pour se mettre en marche, il faut un déclic. "Le déclic, c’est le pas qu’on fait pour passer de l’intention à l’action, pour sortir de sa zone de confort, pour oser", explique l'auteure. Elle ajoute : "Un jour arrive où l’envie devient plus forte que la peur. Ça peut nous prendre un matin en nous réveillant, après une conversation, en lisant un article…"
En fait, le déclic, "c’est un oui après de nombreux non", que ce soit des "non" que nous nous sommes imposés ou que nous avons reçus. Ce qui veut dire que, pour réussir, il faut échouer.
Les 50 personnalités dont Charlotte Savreux dresse le portrait dans son livre sont autant d’exemples de cette capacité à rebondir. De James Dyson (inventeur des aspirateurs sans sac) à Malika Bellaribi (chanteuse d’opéra née dans les bidonvilles de Nanterre), d’Alain Ducasse (chef) à Florence Servan-Schreiber (professeure de bonheur), toutes ces personnes ont un point commun : "Pour elles, la notion d’échec n’existe pas. Ce sont des apprentissages, des épreuves, une expérience. La vie a souvent plus d’imagination que nous, lorsque quelque chose ne fonctionne pas, d’autres perspectives s’offrent à nous."
Dans son essai Les vertus de l’échec, le philosophe Charles Pépin décortique l’échec pour montrer le positif que l’on peut en tirer. Pour lui, l’échec a beaucoup à nous apprendre dès lors que l’on accepte de s’y intéresser. Avoir raté n’est pas "être un raté", et mieux vaut questionner un échec que se complaire dans un succès. Alors, cette année, osez !
Pour aller plus loin :
L'année du déclic, et si c'était la vôtre ?, Charlotte Savreux, Balland, 2016.
Les vertus de l'échec, Charles Pépin, Allary Éditions, 2016.
Le monde va beaucoup mieux que vous ne le croyez, Jacques Lecomte, Les Arènes, février 2017.