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La métagénéalogie, la famille, un trésor et un piège

Mis à jour le 25 février 2021
A l'occasion de la sortie du livre d'Alexandro Jodorowsky et de Marianne Costa, Métagénéalogie, la famille, un trésor et un piège, aux éditions Albin Michel, les auteurs répondent à nos questions pour en savoir plus sur cette pratique et partir à la reconquête de son identité véritable. Interview des auteurs.

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La métagénéalogie, la famille, un trésor et un piège

Qu'est-ce que la Métagénéalogie ? D’ailleurs on parle de Métagénéalogie  ou de Psychogénéalogie, quelle est la différence ?
La psychogénéalogie est l'étude de l'arbre généalogique comme influence du passé familial sur l'individu. Ce terme avait été inventé par Alexandro Jodorowsky au début des années 80, et il a depuis été repris par de nombreuses écoles qui s'intéressent surtout à l'aspect "héritage" (positif ou négatif) de l'arbre. Le terme "Métagénéalogie" désigne non seulement cette étude du passé familial, mais aussi  notre travail vers "l'appel du futur", c'est à dire la somme des buts, des intentions, des talents à développer qui sont à la fois notre avenir singulier et ce que notre arbre généalogique nous empêche de réaliser. Un exemple simple : dans un arbre où il n'y a jamais eu d'artiste, on peut avoir la croyance : "Il est impossible de vivre de sa créativité : tout artiste est destiné à crever de faim". Si un membre de la famille est doté d'un talent, d'une vocation particulière (par exemple, pour jouer du violon), il est évident que cette croyance familiale pèsera sur lui. Mais on peut aussi imaginer que l'arbre "a besoin" d'un violoniste, c'est à dire du talent, du but, de la vocation de cette personne , pour se régénérer. Cette dynamique, parfois ce conflit, que nous vivons entre notre impulsion authentique à nous réaliser et  les tendances répétitives de l'héritage familial, sont au coeur de la Métagénéalogie.
 
Sur quels fondements repose cette science ?
Il ne s'agit pas d'une science. La psychologie fait partie des sciences humaines, et il y a une part de psychologie dans le travail sur l'arbre. Mais notre approche se situe aussi bien du côté de l'art et de la créativité : dans le livre Métagénéalogie, la famille, un trésor et un piège, nous proposons un grand nombre d'exercices et de pratiques artistiques ou imaginatives pour développer notre potentiel. Par ailleurs, la question de la dynamique entre passé et futur nous ramène à la seule réalité que nous puissions connaître : vivre au présent. En ce sens, notre travail puise aussi dans les traditions spirituelles, comme la méditation, et nous étudions également les structures familiales proposées par les grands mythes religieux orientaux ou occidentaux. C'est donc une discipline à la croisée des chemins entre la thérapie, l'art et la spiritualité.
 
Pourquoi faire son arbre généalogique passionne de plus de en plus de monde ?
Chacun de nous sent confusément qu'il "vient de quelque part". La question des racines est essentielle au moment où l'humanité arrive à un niveau de surpopulation sans précédent, et se livre à une exploitation irrationnelle de la planète, qui ne suffira bientôt plus à combler notre frénésie de consommation. Nous nous orientons (encore confusément) vers une mutation qui sera aussi une remise en cause de la notion traditionnelle de famille, c'est à dire de l'impulsion à procréer un maximum pour peupler la terre. Nous n'avons plus besoin de faire cela ! Il y a déjà trop de monde. Comment la famille peut-elle engendrer de la conscience au lieu d'engendrer des dizaines d'enfants ? Devant des questions aussi neuves, aussi angoissantes, nous sommes perdus, comme dans un bois. Le premier pas consiste reconnaître notre arbre : nous trouvons un point de départ pour nous orienter.
 
Quand on s’intéresse à la psychogénéalogie, qui consulte-t-on ?
Je ne saurais pas le dire car je ne suis pas psychogénéalogiste ! Nombre de thérapeutes ont aujourd'hui une approche trans-générationnelle, et certains d'entre eux font un excellent travail. Mais l'étude de l'arbre ne devrait être qu'un accélérateur, un élément ajouté au processus thérapeutique. Idéalement, étudier son arbre (c'est l'affaire de deux ou trois heures) permet d'économiser quelques mois ou quelques années de thérapie.
Alexandro Jodorowsky et moi-même avons justement écrit ce livre pour que quiconque s'intéresse à son arbre puisse y puiser des informations utiles et poursuivre ses recherches sans forcément être dépendant d'un "psychogénéalogiste". De même qu'on peut s'intéresser à la philosophie sans être dépendant d'un philosophe, à la spiritualité sans être dépendant d'un gourou... Il appartient à chacun de décider jusqu'où il a besoin d'être guidé.
 
En quoi connaitre notre famille, nous permet de mieux nous connaitre ?
La famille (vivants et défunts) nous "sculpte" en nous imposant une série d'ordres et d'interdictions, qui se répètent et se transmettent de génération en génération. "Fais ceci, ne fais pas cela" "Telle chose est dangereuse" "le Bien est ceci, le Mal est cela", etc. Une part de cet héritage est conscient, mais la majeure partie de ces croyances, de ces blessures émotionnelles, ces hontes, ces frustrations, ces limitations abusives, reste inconscient pour la plupart des gens. Etudier son arbre permet de faire remonter plus d'informations à la surface et de commencer à faire le tri : qu'est-ce qui m'est vraiment utile dans tout cela ? Qu'est-ce qui m'aide à vivre, qu'est-ce qui va dans le sens de ma réalisation ?". Ensuite le travail consiste à se débarrasser de ce qui nous freine et nous encombre (contrats, blocages, hontes, définitions de soi-même, etc) et à intégrer des informations positives manquantes (par exemple : qu'est-ce qu'une naissance vécue dans la félicité ? Qu'est-ce que le véritable amour paternel, maternel ? etc).
 
On entend souvent : « sa grand-mère était dépressive, sa mère était dépressive, elle sera dépressive, à son tour » ? L’histoire se répète-t-elle ?
La famille agit par imitation. De même que dans certains peuples indigènes, l'appartenance au clan se fait par des mutilations rituelles, l'inconscient a tendance à répéter les traits et les événements marquants qui signalent l'appartenance à la tribu. Par ailleurs, une grande part de l'éducation se fait par des processus d'imitation, donc par exemple un enfant qui grandit dans une atmosphère dépressive aura plus de mal à trouver en lui les ressources qui activent la joie de vivre. La famille est notre première source d'information : nous parlons (à tous les sens du terme) le langage qu'elle nous enseigne.
Dans le cas que vous citez, il y a un élément ajouté : "elle sera dépressive à son tour" est presque une malédiction, une prédiction négative. Or le cerveau, particulièrement celui d'un enfant, qui est malléable et vulnérable, tend à réaliser les prédictions négatives. C'est extrêmement toxique de maudire quelqu'un de la sorte... Cela revient à planter un couteau dans le dos d'une personne, à verser du poison dans son verre.
 
Comme dit la chanson : « on ne choisit pas sa famille, on ne choisit pas ses parents ». Comment faire en sorte que l’héritage familial ne soit pas lourd à porter ?

Il y a plusieurs niveaux de réponse à cette question. Dans un cas extrême, si la famille est terriblement violente ou abusive, on peut décider : "ces gens m'ont simplement mis au monde et je n'ai plus rien à voir avec eux", et couper les liens. C'est possible, cela revient à se reconnaître comme orphelin. Mais une fois qu'on a surmonté la majeure partie de ses problèmes et qu'on vit en état de "guérison minimum syndicale" (c'est à dire qu'on fonctionne comme on le souhaite, sur tous les plans, affectif, sexuel, matériel, professionnel, relationnel, intellectuel...), il peut être utile d'opérer un retour en arrière et de se demander : pourquoi ai-je "choisi" ces parents-là, cet arbre-là ? Qu'ai-je appris de tout ce parcours, de mon enfance, de mon héritage, de tout ce qui m'a conduit(e) à m'opposer et à me différencier ? La famille devient alors à la fois le piège qui a enserré un temps notre être authentique, et un trésor, car elle nous conduit malgré tout à notre propre réalisation
 
Peut-on vraiment s’affranchir de la famille et devenir un être singulier ?
Bien sûr! Cela demande du courage et surtout la volonté de grandir, c'est à dire de regarder implacablement en nous où se niche l'enfant persistant. Je ne parle pas de "l'enfant intérieur" comme on l'évoque parfois pour désigner la part de nous qui aime jouer, qui a conservé une certaine innocence. Je parle de ce marmot qui hurle dans l'avion ou dans le train en réclamant un jouet et casse les oreilles à tous les voyageurs, celui que nous portons tous en nous et que les traditions spirituelles appellent "l'ego" : la part de nous qui n'est pas d'accord avec la réalité telle qu'elle est, qui rejette sans cesse la faute sur l'autre, et qui attend en gémissant ou en trépignant que papa et maman soient parfaits et que le passé soit guéri. Le passé ne guérit jamais : il est ce qu'il a été, sans remède. Mais nous pouvons faire de notre présent une réalité inédite, indépendante de notre héritage. C'est dans ce but que notre livre a été écrit.

Alexandro Jodorowsky est cinéaste, dramaturge, tarologue visionnaire et fondateur, avec Arrabal et Topor, du concept de « théâtre panique ».
Marianne Costa, auteur, elle a également été collaboratrice du centre André Malraux à Sarajevo.
Stéphanie Jarroux

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