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BPA ou la politique des petits pas

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Anne-Corinne Zimmer
Anne-Corinne Zimmer
Mis à jour le 25 février 2021
Le bisphénol A (BPA) est très controversé. Faut-il ou non diminuer la Dose journalière tolérable (DJT) d'absorption de BPA, présents dans les biberons et les bouteilles en plastiques entre autres ?

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A la suite de la décision du Danemark, fin mars 2010, d’interdire le Bisphénol A (BPA) dans les récipients alimentaires destinées aux enfants de moins de trois ans, l’autorité européenne de sécurité des aliments (AESA/ EFSA), a procédé à une nouvelle évaluation de la toxicité de ce composé chimique, avec cette question en ligne de mire : faut-il ou non baisser la Dose Journalière Tolérable (DJT) - posée à 0,05mg de BPA par kilo de poids corporel et par jour (ou 50µg (microgrammes)/kg p.c. /j)- depuis 2006 ? (1).

Sur la base d’études récentes, l’Institut national de l’alimentation de l’Université technique du Danemark (DTU Food) avait conclu à la "possibilité" d’effets sur le système nerveux des rats nouveaux-nés et de difficultés d’apprentissage liés aux expositions périnatales au BPA.

Le gouvernement danois interdit donc l’utilisation de récipients, biberons et autres contenants alimentaires utilisant le BPA, pour les enfants de moins de trois ans, et ce, à compter du 1er juillet 2010. En France, rien de tel, évidemment, puisqu’un article de loi a été voté en juin 2010 "tendant à la suspension de la commercialisation de biberons produits à base de Bisphénol A", déjà prévu par la loi Grenelle 2…et surtout, aucun décret n’a, pour l’heure, rendu ces textes applicables, ni fixer de date d’entrée en vigueur de cette "suspension de la commercialisation", ni détailler les modalités de cette décision d’ordre… symbolique.

Les pourfendeurs de la dernière heure du BPA peuvent ainsi crier "victoire" : elle n’est que médiatique, et encore ne concerne que ceux qui s’y laissent prendre. Ainsi, hélas, continue-t-on de faire croire à une décision protectrice tandis que tout continue comme avant. Le gouvernement a fait entendre qu’un rapport viendrait éclairer plus globalement le sujet en janvier 2011.

Le dernier avis de l’EFSA publié ce 30 septembre sur la base de la décision danoise prend acte de l’incertitude des résultats rapportant des troubles du développement neurologique suite à l’exposition alimentaire - détail qui a son importance (2) - des plus jeunes et conclut au terme de sa propre évaluation que ces études ne permettent pas cependant de déduire des effets néfastes sur le comportement et les capacités d’apprentissage. L’avis reconnaît que des modifications biochimiques dans des régions du cerveau apparaissent "potentiellement significatives" mais l’absence de corrélation fermement établie est invoquée pour invalider ces études.

Ainsi aucune donnée nouvelle n’a pu être identifiée qui appellerait à une révision de la DJT quoique le Panel d’experts prends soin de noter que quelques études sur les animaux en développement suggèrent d’autres effets toxicologiques liés au BPA (effets sur le système immunitaire, augmentation du  risque de tumeur mammaires, etc.). Mais ces études sur l’animal ne peuvent être prises en compte pour ce qui concerne la santé humaine…jusqu’à de nouvelles données que le Panel se chargera d’évaluer à nouveau.

Opinion minoritaire

Il est pourtant un fait remarquable dans ce nouvel avis de l’EFSA : une opinion minoritaire est annexée. Emanant de Catherine Leclercq, cette membre du Panel d’experts pointe des incertitudes sur la DJT établie dès 2006, notant que des études montraient déjà des effets à des doses bien inférieures, en particulier après les expositions périnatales : effets sur la programmation des récepteurs cérébraux, altérations du système immunitaire. Et d’exprimer que la DJT actuelle ne devrait pas être considérée comme une DJT établie, mais "temporaire", c'est-à-dire susceptible d’être révisée. Cette opinion minoritaire demande également que les indications sur les changements comportementaux observées chez les fillettes de deux ans, exposées préalablement au BPA, soient davantage explorées.

Le dossier des faibles doses avance à très petits pas, au point tout de même qu’en novembre 2010, une consultation d’experts aura lieu, au niveau international cette fois. L‘Organisation mondiale de la santé (OMS) et la FAO (organisation alimentaire des Nations unies) ont en effet lancé en février 2010 un appel à candidature d’experts afin de réévaluer la toxicité du BPA. La pression est montée d’un cran.

1) Pour mémoire, en 2002, la même agence tirait la sonnette d’alarme, souhaitant baisser la DJT d’urgence, pourtant bien moins élevée : 0,01 mg./kg p.c./j).
2) Dans les études et avis de l’EFSA seule est prise en compte l’exposition via l’alimentation. Or, le BPA est aussi présent dans les poussières des maisons, dans l’eau du robinet et d’autres sources que Santé Canada a investigué, ce qui bat en brèche la question des Doses journalières tolérables en ne tenant pas compte des autres sources d’exposition.

L’avis de Anne-Corinne Zimmer sur 15 ans d’études sur le BPA

L’acticité hormonale du BPA ne saurait être mise en question une seconde : il a été élaboré pour servir d’oestrogène de synthèse, avant que ne lui soit préféré le distylbène. Il se lie aux récepteurs oestrogéniques et imite tous les paramètres ; mais aussi sur la membrane cellulaire ce qui décuple son activité et génère d’autre effets.

Il faudrait :

Ne jamais perdre la mémoire et rappeler que le première Dose Journalière Tolérable (DJT) était fixée à 10µg par kilo de poids corporel et par jour (ou 0,01mg). Dans l’avis alarmant que l’agence européenne rend en 2002, au vu des études qui pleuvent sur les effets néfastes à des doses bien inférieures déjà, à cette dose, l’agence veut a baisser d’ugence la dose autorisée. Las ! Elle ne peut que constater que les nourrissons sont exposés via le biberon  et le lait, à 11µg kg p.c. / jour. Et encore cette estimation n’est qu’approximative. Quatre ans plus tard, l’EFSA opére un retournement total de situation : en 2006 elle fait passer la DJT à 50µg par kg de pc et par jour. C’est prendre acte de la réalité et rendre la législation conforme à l’exposition réelle afin d’être dans les clous !

Les études qui dès 1997 avaient mis le feu aux poudres rendaient compte de :

  • Augmentation du poids de la prostate chez les mâles, indice du développement potentiel du cancer de la prostate chez les descendants de souris exposées à des doses entre 2 et 20µg/kg, p.c/ j. (1997, Vom Saal et Nagel).
  • A des doses infinitésimales (0,025µg) des malformations, des hypertrophies et des développement précoces des glandes mammaires (2002, Ikesuki).
  • Modification du comportement incluant une hyperactivité (2-40µg/kg p.c./j) (2003, Endocrine / Estrogene Letter vol.9).
     

La liste est longue et il faut ici encore, rapporter que le très officiel National Toxicology Program, américain dans son évaluation de 2008, indique "qu’interpréter les effets toxicologiques du BPA uniquement dans le contexte du mécanisme d’action oestrogénique est simpliste au regard du nombre croissant d’études portant sur d’autres mécanismes (…) à de faibles niveaux d’exposition, courants chez le foetus, le bébé et le jeune enfant, l’impact sur le développement du système nerveux  et sur le comportement sont considérés comme de réels motifs d’inquiétude".

Les années passent et les évaluations des agences sanitaires continuent leurs explorations, à la recherche de la preuve absolue. Laquelle n’est pas de ce monde.

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