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Avec le mouvement des Zèbres, Alexandre Jardin fait bouger les lignes

Alexandre Jardin, candidat à la présidentielle de 2017
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Anne Ghesquière
Anne Ghesquière
Mis à jour le 06 janvier 2022
Ce samedi 3 décembre 2016, Alexandre Jardin a annoncé sur France Info sa candidature à l'élection présidentielle du printemps prochain. Mais qui est cet homme engagé, écrivain, cinéaste et fondateur de l’association Bleu Blanc Zèbre, qui réunit ceux qui agissent pour une autre société? Nous l'avions rencontré en janvier 2016, pour un échange riche et profond qui donne envie de passer à l'action !

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Ce samedi 3 décembre 2016, Alexandre Jardin a annoncé sur France Info sa candidature à l'élection présidentielle du printemps prochain. Au sein du mouvement citoyen Bleu Blanc Zèbre, qu'il a initié, il promeut ceux qui agissent et proposent sur le terrain des solutions concrètes en impliquant la population. Rencontre avec un homme engagé qui préfère l'action aux mots pour faire avancer la France.

Vous dites que pour changer la société et construire une action publique robuste, il faut laisser faire les "Faizeux". Pour vous, le génie vient d'en bas ?

Le génie vient des gens et des territoires. Il y a partout des hommes et des femmes qui prennent des initiatives profondément bénéfiques et bienfaisantes. Ils sont maires, entrepreneurs, militants associatifs... Peu importe, pourvu que ça marche, qu'ils agissent en impliquant la population et qu'ils soient portés par une joie. Ce troisième critère peut sembler secondaire mais, pour moi, il est central. Tous ceux que l'on embarque dans l'aventure des Zèbres sont des êtres qui trouvent leur joie dans l'action civique altruiste et bienveillante. On ne peut pas les arrêter parce que rien n'est plus révolutionnaire que la joie.

Vous appelez souvent à la "désobéissance" et même à la "révolte" Peut-on désobéir collectivement aux partis de manière constructive, positive et solidaire ?

Je pense qu'une action de rupture ne peut être conduite que si elle est portée par des gens qui inspirent une confiance profonde et fondée. Pour moi, le critère fondamental est celui de savoir ce que les gens sont prêts à faire. Au moment où le marché de la promesse est totalement carbonisé en France, il faut revenir à des valeurs extrêmement simples : qui fait quoi, qu'es-tu prêt à faire, que fais-tu déjà ? Lorsque Guillaume Bapst construit un réseau de 300 épiceries solidaires, il met en route une machine qui nourrit 1,7 million de personnes par an. Lorsque Vincent Safrat fonde la maison d'édition Lire c'est partir, il propose dans les cités et au fond des campagnes des albums jeunesse à 0,80 euro et en vend 2,2 millions par an. Ils agissent et ils gagnent leur crédit moral. Ils ne disent pas "il faudrait faire ça", ils le font.

Dans votre livre, vous parlez de Gandhi mais aussi du général de Gaulle. Ce sont deux exemples pour vous ?

Le général de Gaulle et Gandhi sont deux personnes qui ont raisonné totalement hors-cadre, qui ont fait immensément confiance à leur société, à la capacité des gens. Ils ont été leurs propres points d'appui et ont fait le pari que les autres pouvaient se prendre comme point d'appui. Dans l'œuvre de Gandhi, il y a une foule d'actions extrêmement concrètes. Lorsqu'il demande aux Indiens de ne pas ramasser le sel, il convertit l'idée de la désobéissance en une action tangible, visible, que n'importe qui peut faire.

On vous sent très remonté contre l’État, ses politiques au niveau national et ses hordes de "mini-Colbert". Manquons-nous de véritables leaders, de conteurs d’histoires ?

Le roman français est malade et la capacité des élites nationales à proposer, à raconter un roman français est quasi nulle. Or, il n'est pas possible de faire vivre un groupe humain sans un roman commun. Dans la Constitution de la Ve République, le Premier ministre gouverne alors que le président préside. Dans l'esprit de de Gaulle, cela voulait dire que le président est le garant du roman national. Personne ne demandait à de Gaulle ce qu'il pensait de la nature du CDI ou du CDD !

Pour vous, un leader est donc un romancier ?

Ce qui me frappe chez tous les leaders que nous rassemblons dans le mouvement des Zèbres, c'est que ce sont de très grands romanciers, au sens le plus élevé du terme. Ils racontent une histoire extraordinaire à une communauté humaine parfois très large. Avec eux, je suis en train de vivre les plus belles années de ma vie. C'est un privilège incroyable de construire avec des gens aussi inspirants. Je sens bien, jour après jour, que l'on reste une très grande nation. Car un pays qui fabrique autant d'hommes et de femmes créatifs, visionnaires, rassembleurs, culottés, c'est une nation extrêmement féconde et une société immensément riche !

Pensez-vous que l’humanité est à un tournant, que l’on assiste à une révolution, à un éveil des consciences ?

Sans aucun doute. A mon avis, la masse critique qui est prête à changer est atteinte. On y est, on va basculer tranquillement et sûrement, mais seulement si on est assez intelligents pour ne pas braquer l'autre par satisfaction identitaire. Dans ces moments où le monde entier bouge, le rôle de pays comme la France est plus que jamais important. L'éveil des consciences doit s'incarner dans certains lieux matriciels, comme la Renaissance a eu des centres tout en se diffusant à travers l'Europe. Et c'est notre boulot. En cette période de changements, si nous tombions dans les travers de la petite France effrayée par le monde, ce serait calamiteux pour l'humanité. Le Monde a besoin de moteurs pour se transformer, pour reprendre confiance dans ses capacités.

La peur doit-elle conduire ce processus ? Ne pourrait-on pas embarquer en montrant un modèle joyeux et autre ?

Je pense que le grand moteur de l'histoire, c'est la joie. Pensez à la Renaissance italienne, c'est une joie phénoménale ! Et la Révolution française est une joie inouïe au départ. Par tempérament, je pense que la vie est une histoire qui se termine bien. Mais ça ne va pas se faire tout seul, d'où cet énorme travail de militantisme : il est absolument nécessaire que la société adulte qui fabrique les solutions aujourd'hui établisse un accord profond avec ses élus locaux pour s'ancrer dans les territoires. Chaque fois que la société civile a voulu s'autonomiser sans faire alliance avec une partie de la classe politique, ça a été un échec. Or, quand on regarde dans les faits, un élu local, un entrepreneur, un militant associatif ont énormément de points communs, ce sont des gens d'action.

Est-il temps de faire émerger de nouvelles formes de démocratie ?

Il y a un énorme malentendu autour du mot "participation". La plupart des gens comprennent "consulter". Pour moi, une démocratie adulte est une démocratie d'acteurs, d'action. Participer à des référendums ne va pas rendre le citoyen vivant. Ce n'est pas la même énergie de rendre les gens acteurs de leur destin ou de faire à leur place. Or, jusqu'à présent, on a voté pour des équipes qui prétendaient avoir des solutions et agir à notre place. Fondamentalement, ça ne pouvait pas marcher !

Qu'appelez-vous les "faux-monnayeurs" ?

Ce sont ceux qui prétendent incarner le bien commun et qui, en réalité, acceptent l'impuissance, proposent un discours social sans les actes, imaginent des dispositifs sociaux qui se retournent contre les classes populaires. Prenez l'Éducation nationale. Elle a été fondée pour donner de l'instruction à tout le monde, ce qui partait d'une bonne idée. Dans les faits, notre système scolaire rêve de produire 80 % d'une classe d'âge ayant le bac, mais pas 80 % d'une classe d'âge ayant un métier. On fabrique 25 % de chômeurs chez les moins de 25 ans. Cherchez l'erreur !

Dans votre livre, un futur Zèbre vous demande : "pourquoi tu fais ça, toi?" Alors je vous pose la question : pourquoi faites-vous cela ? Est-ce une forme de thérapie transgénérationnelle ?

Quand on soigne son histoire personnelle, au fond, ça ne concerne pas les autres mais cela peut quand même leur servir. Un des mes grands-pères a été le bras droit de Pierre Laval sous l'Occupation. Je me suis promis que je ne laisserai jamais faire des hommes qui entendent "trier l'homme" sur le sol français. Lorsqu'on s'engage dans une logique aussi funeste, on ne sait absolument pas où le curseur va s'arrêter. Il y a des interdits qu'il ne faut jamais enfreindre parce que l'on touche au sacré. L'idée que la France s'aventure dans des marécages indignes alors qu'elle dispose d'autant de ressources m'est absolument intolérable.

Qu'est-ce qui vous frappe dans la personnalité des Zèbres ?

La majorité d'entre eux ne sont pas encombrés par leur ego, voire ils souffrent d'une estime d'eux-mêmes assez déficiente. C'est très frappant. J'ai croisé un nombre considérable de magiciens et de magiciennes qui s'excusent de faire ce qu'ils font. Ils n'ont pas vraiment conscience de leur grandeur. C'est assez troublant. En fait, leur ego n'est pas malade, il ne prend pas toute la place. Mais parfois, il faut leur rappeler que ce qu'ils font est important, il faut qu'ils osent se démultiplier car nous avons besoin de vrais leaders.

Vous avez beaucoup écrit sur l’amour, les femmes. La France est-elle devenue votre nouvel amour-passion ?

J'aime infiniment ce pays, mais je ne parle pas de patriotisme car il a souvent quelque chose de replié. J'aime ce pays justement parce qu'il est universel, parce qu'il travaille pour l'homme depuis des siècles. C'est pour ça que je me sens si profondément français. La liberté de penser, de dessiner, de peindre, d'écrire ce que l'on souhaite est fondamentale en France. Si on fait un pas en arrière, on renonce au génie même de notre pays.

Vous parlez assez peu des "Zèbres verts", de l’écologie, du bio, du respect de la terre, d’une alimentation saine... Quel est votre avis sur le sujet ?

Il y a deux types d'écologie. Celle qui s'est construite historiquement autour de l'idée qu'il fallait accroître les contraintes, les lois, les normes. Et puis il y a l'écologie des "Faizeux", qui incarnent le discours qu'ils portent. Ceux qui font les jardins partagés, La Ruche qui dit Oui, les circuits courts… Je suis absolument convaincu que l'on ira plus vite par une démarche positive, qui repose sur un désir et sur l'intérêt que les gens ont à suivre le mouvement, qu'avec une conception extrêmement punitive de la vie.

Êtes-vous un humaniste ? Quelles sont vos joyeuses espérances pour le futur ?

Je suis toujours mal à l'aise lorsqu'on me demande si je m'attribuerais tel ou tel adjectif, car il n'y a que les gens malhonnêtes qui parlent de l'honnêteté pour eux-mêmes. Je suis bienveillant. Ma joyeuse espérance est claire : on va nécessairement recommencer le pays. Ce sera ça ou le chaos. Donc on va tenter une révolution positive.

Cet interview est paru dans le magazine FemininBio #3, à retrouver dans la boutique FemininBio

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