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"Il existe d’autres manières d’être femme", le chemin de Chloé Chaudet sur la non-maternité

Chloé Chaudet
"Si on acceptait un peu mieux l’idée qu’être mère n’est pas le choix de toutes, ces dernières auraient peut-être aussi une vie un peu plus simple." Chloé Chaudet
Editions iconoclaste
Un oeil nouveau sur le monde Autre regard
Adèle Gireau
Par Adèle Gireau
Mis à jour le 08 juillet 2022

À 35 ans, Chloé Chaudet - maitresse de conférences en littérature comparée - a décidé de ne pas avoir d'enfant. Un choix qui suscite l’incompréhension : « Tu ne vas pas regretter ? » / « Tu n’as pas peur de finir seule ? ». Parce qu'en France la non-maternité́ n'est pas un sujet évident, et nécessite d'être mis en lumière.


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Sans posture idéologique, Chloé Chaudet raconte son cheminement intime mais aussi la dureté des normes sociales et des réactions auxquelles elle doit faire face. Dans son ouvrage J'ai décidé ne pas être mère, elle donne également des conseils de résistance qu'elle a trouvés en elle et dans ses lectures.

FemininBio : À quel moment de votre vie avez-vous « réalisé » que vous ne souhaitiez pas être mère ?

Chloé Chaudet : À l’image de beaucoup de femmes ne souhaitant pas avoir d’enfants, ma décision s’est affirmée au fil des années, en lien avec mes choix de vie et les aléas de mon existence. Si je devais sélectionner un moment de « bascule », je pense que c’est lorsque j’ai été recrutée en tant qu’enseignante-chercheuse à l’Université Clermont Auvergne que j’ai compris que je ne voulais vraiment pas devenir mère. Ma charge de travail est devenue tellement importante, mes déplacements à l’étranger (en raison de colloques, congrès, etc.) tellement nombreux, que je me suis dit « Mais heureusement que je n’ai pas d’enfant ! » De nombreuses collègues universitaires ont des enfants, et je les admire : elles ont une telle énergie, en parvenant ainsi à mener de front leur parentalité et leur carrière professionnelle ! Un autre moment important a été la discussion que j’ai eue avec mon compagnon au sujet des enfants : nous avons tous deux réalisé que nous n’en voulions pas, et cela m’a moins permis de réaliser que je ne souhaitais pas devenir mère que de me sentir comprise et soutenue par l’homme qui partage ma vie – ce qui m’a beaucoup aidée à assumer ma décision.

Quelles sont les principales raisons de ce désir de non-maternité ?

Il m’est très difficile de répondre à cette question, sans doute autant que pour une femme à qui l’on demanderait concrètement pourquoi elle a voulu devenir mère. Dans un cas comme dans l’autre se mêlent des facteurs rationnels et un certain mystère. J’ai d’ailleurs consacré un chapitre de mon livre à une « liste » des raisons expliquant mon non-désir d’enfanter, des plus sérieuses aux plus superficielles. S’y mêlent ma volonté de me soustraire – moi qui suis un grande angoissée – à une inquiétude permanente ; le refus de mettre au monde quelqu’un qui sera potentiellement amené à vivre dans un véritable enfer écologique ; la crainte de donner la vie à un enfant handicapé et de ne pas parvenir à bien m’en occuper… et des choses beaucoup plus « triviales » comme la possibilité de pouvoir faire autant de grasses matinées que je veux le week-end, le bonheur de préserver mes oreilles de la chanson « Libérée, délivrée » de La Reine des neiges… etc., etc., etc. Bref, les raisons sont aussi multiples que nous autres femmes – et hommes !

A lire aussi : Martin Winckler, interview engagée d'un gynécologue et auteur féministe

Vous avez eu un parcours universitaire baigné dans le féminisme. Ce courant a t-il confirmé votre choix ?

Je pense que mes lectures de penseuses et penseurs féministes – dont la multiplicité montre qu’il existe plutôt des féminismes – m’ont moins confirmée dans mon choix qu’elles ne m’ont donné les outils pour comprendre pourquoi mon choix intriguait autant. En ce sens, je n’ai pas de posture idéologique : je n’ai tout simplement jamais ressenti le désir de devenir mère. J’ai ensuite constaté que ce non-désir était mal accepté, et c’est alors que Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir (1949) est devenue une sorte de valeur-refuge pour moi : Beauvoir a beau avoir été très critiquée par certaines féministes qui lui ont succédé, elle dit déjà tout quant à l’idéal d’un accomplissement féminin qui irait forcément de pair avec la maternité, en montrant qu’il existe d’autres manières d’être femme.

Plus récemment, j’ai aussi beaucoup apprécié l’essai La Femme unidimensionnelle de la philosophe britannique Nina Power (2009), qui interroge les injonctions très contemporaines faites aux femmes à être performante sur tous les plans. Cela m’a semblé éclairer le double-modèle valorisé en France, à l’inverse d’autres pays comme l’Allemagne : celui de la femme qui travaille et élève ses enfants. Les Françaises qui font un autre choix ‒ en se consacrant au travail de « mère au foyer », ou à un travail en-dehors de toute structure familiale – sont mal vues, et souvent critiquées. De même que celles qui ont beaucoup d’enfants, d’ailleurs.

En quoi est-ce important, selon vous, de libérer la parole sur ce sujet ? Y a t-il une déculpabilisation nécessaire ?

À l’heure actuelle, nous vivons en une période où la plupart des « grands tabous » sont enfin mis sur la table : l’inceste et/ou la pédophilie, et, plus récemment, le regret maternel (cf. le hashtag #RegretMaternel qui s’est diffusé sur Twitter fin mars). Ce contexte de libération de la parole post-#MeToo me semble particulièrement favorable à un dialogue collectif autour du non-désir d’être mère, qui concerne tout de même plus d’un million de Françaises – sans compter celles qui ont déjà un ou plusieurs enfants mais n’en veulent pas d’autre. Je pense aussi aux femmes qui souhaiteraient ardemment donner la vie mais n’y parviennent pas : si on acceptait un peu mieux l’idée qu’être mère n’est pas le choix de toutes, ces dernières auraient peut-être aussi une vie un peu plus simple.

Auriez-vous un ou plusieurs conseil.s à donner aux femmes qui se posent la question et ne savent pas comment affirmer ce choix ?

Je ne souhaite pas me poser en « Madame Bons Conseils », c’est la raison pour laquelle j’explique juste dans mon livre quelles « tactiques » ont pu fonctionner pour moi, et pour certaines de mes amies. De manière générale, quand on appartient à une minorité, il est souvent compliqué de s’affirmer de manière frontale. Un exemple typique : si votre mère vous demande pourquoi vous ne voulez pas d’enfant et que vous lui répondez « Fiche-moi la paix Maman », il y a de grandes chances pour qu’elle revienne à la charge un peu plus tard ! Ce qui peut fonctionner est entre autres une posture légèrement décalée, qui favorise le dialogue : par exemple, demander aux personnes qui vous interrogent si elles s’inquiètent pour vous, et essayer ensuite d’explorer avec elles les raisons de leur inquiétude – afin de la nuancer et, peut-être, de la faire taire.

Pour aller plus loin :

J'ai décidé de ne pas être mère, Chloé Chaudet
(©Editions iconoclaste)

Retrouvez le livre de Chloé Chaudet J'ai décidé ne pas être mère, paru aux éditions Iconoclaste le 15 avril.

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