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Interview

Anne Barre, fondatrice du WECF France : "Les femmes ont un rôle vital dans la gestion de l’environnement"

Anne Barre
Anne Barre, fondatrice du WECF France
Audrey Etner
Audrey Etner
Mis à jour le 25 février 2021
Quelle peut être la place des femmes dans la transition écologique ? Quel environnement laisser à nos enfants ? Réponse avec Anne Barre, la présidente de WECF France, une association féminine et innovante qui s’appuie sur le potentiel des femmes pour équilibrer l’économie, l’écologie et la santé et garantir un environnement sain à toutes et à tous.

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Le réseau WECF (Women in Europe for a Common Future) regroupe 150 organisations féminines et environnementales qui mettent en oeuvre des projets à l'échelle locale dans plus de 50 pays. 

Vous avez fondé le bureau français de WECF, pouvez-vous nous expliquer ce qui a motivé votre démarche ?

J’ai débuté ma carrière en entreprise, comme responsable marketing dans le secteur de la grande consommation alimentaire. Assez vite, j’ai eu envie de trouver une meilleure adéquation avec mes valeurs personnelles, de trouver mon utilité sociale. J’ai découvert le réseau WECF - Women in Europe for a Common Future à la fin des années 90 en Allemagne. L’objectif de WECF - porter la voix des femmes dans le développement durable - m’a tout de suite interpellée. Je me suis donc impliquée petit à petit dans les activités de l’ONG, jusqu’à fonder le bureau français en Rhône-Alpes en 2008.  Aujourd’hui j’ai acquis la conviction que les femmes sont des actrices fondamentales du développement durable. Il est essentiel d’intégrer pleinement leur vision et leur approche spécifique dans les politiques, aussi bien à l’échelle locale que globale. Je suis très heureuse du choix que j’ai fait il y a maintenant 12 ans.

En quoi consiste l'action de WECF ?

Women in Europe for a Common Future a été fondée en 1994 dans la dynamique du Sommet de la Terre de Rio (1992) afin de porter la voix des femmes pour une transition écologique. Notre réseau de 150 organisations féminines et environnementales met en œuvre des projets de terrain à l’échelle locale et plaide au niveau mondial afin de garantir un environnement sain à toutes et à tous. Nous travaillons sur quatre grand pôles : l’agriculture et la biodiversité, l’énergie et le changement climatique, l’eau et l’assainissement, et enfin la santé environnementale.

La coordination des activités du réseau se fait à partir de trois bureaux situés en France, en Allemagne et en Hollande : montage de projets, recherche de financements, apport d’expertises techniques, coordination logistique et financière pour aider nos partenaires à réaliser sur le terrain leurs actions. En France, notre antenne est basée en Rhône-Alpes, tout près de Genève, ce qui nous permet d’intervenir auprès de l’ONU. En effet WECF a un statut ECOSOC (ONG observateur) et participe à ce titre aux conventions internationales : Convention sur la Biodiversité, Convention de Stockholm, Convention sur le Changement climatique, Protocole sur l’Eau et la santé, Convention d’Aahrus sur l’information et la participation du public…

A quoi ressemble votre journée type ?

Mes journées de travail sont très variées : je participe à de nombreuses conférences et colloques sur tous les sujets qui nous concernent, mais aussi à des formations en liens avec nos domaines d’expertises (par exemple l’assainissement écologique, l’agriculture de proximité et les circuits courts, la pollution de l’air intérieur). Je suis aussi impliquée dans des processus régionaux ou nationaux de suivi de politiques santé et environnement… nombreuses réunions et lectures de rapports !

Je suis parfois en déplacement pour aller rencontrer des partenaires à l’étranger (Pologne, Bulgarie, Ukraine). Ces voyages de terrain sont d’ailleurs ce qui me plait le plus dans mon travail. Ils permettent d’aller à la rencontre des personnes, des femmes qui travaillent à l’amélioration des conditions de vie de leurs communautés et à la préservation des ressources naturelles. Pour WECF, relier notre action de plaidoyer au niveau international à l’expérience de terrain de nos partenaires est fondamental.

En France j’assiste parfois à des ateliers de sensibilisation à la santé environnementale (ateliers Nesting ou Ma maison Ma santé) que nous réalisons grâce à un réseau d’animateurs et animatrices que nous avons formés. Là aussi, le contact avec le public me plait beaucoup.

Je passe aussi des journées au bureau, au téléphone et sur mon ordinateur, car nous devons remplir de nombreux dossiers et rendre des rapports !

Pour vous les femmes ont un rôle particulier à jouer dans ces questions d'évolution dans un environnement sain pour tous ?

En effet, les femmes ont leur rôle à jouer dans l’agenda politique du développement et de l’écologie. Autant la Déclaration de Rio sur l’Environnement et le Développement que l’Agenda 21 soulignent l’importance du groupe social des femmes. Le principe 20 de cette déclaration stipule par exemple que « les femmes ont un rôle vital dans la gestion de l’environnement et le développement. Leur pleine participation est donc essentielle à la réalisation d’un développement durable ».  De même il faut faire référence aux Stratégies prospectives d’action pour la promotion de la condition de la femme, formulées à la suite de la 3e conférence mondiale de l’ONU à Nairobi en 1985. Ces stratégies mettent l’accent sur la participation des femmes à la gestion des écosystèmes (inter)nationaux et à la lutte contre la dégradation de l’environnement.

C’est exactement sur ces points que le réseau WECF apporte sa contribution : notre ONG met en œuvre avec les femmes des solutions d’assainissement écologique (toilettes sèches à compost), ou d’énergies renouvelables (solaire thermique, biomasse, biogaz) dans des zones rurales démunies d’Ukraine, de Géorgie, du Khirgizistan ou de la Bulgarie. WECF promeut l’agriculture biologique et locale en France, en Allemagne, ou en Pologne. Nous luttons contre le stockage illicite de pesticides en Arménie, contre l’utilisation d’amiante pour la construction de bâtiments publics au Kazakstan, en Russie et bien d’autres pays encore. Autant de sujets et de projets qui font partie des priorités des femmes.

Malheureusement, 20 ans après Rio, les inégalités entre femmes et hommes sont toujours considérables, le modèle économique et le discours dominant restent très masculins. Il s’ensuit qu’une grande partie du potentiel féminin (connaissances, aptitudes, contributions économiques, même informelles) est sous-exploité, alors même que de nombreuses études, par exemple de la Banque Mondiale, du PNUE, de la FAO et enfin de UN-Women et le PNUD montrent précisément qu’une meilleure égalité des sexes bénéficie à la société tout entière et à l’économie.


Le WECF est-il est réseau féministe ?

Nous avons bien sûr des revendications féministes, mais toujours en lien avec le développement durable et l’Agenda 21. Nous axons notre plaidoyer sur la participation active des femmes aux décisions et aux politiques environnementales, et à leur accès plein et entier aux ressources naturelles, aux soins essentiels, à l’autonomie financière.

A travers tous les projets de terrains mis en œuvre dans notre réseau, par et avec les femmes, WECF participe pleinement à l’avancée des droits des femmes, dans le sens où cela constitue un fondement du développement durable. Notre ONG n’exclut aucunement les hommes puisque ceux-ci dirigent certaines des organisations partenaires de notre réseau. Ce sont des hommes qui adhèrent totalement au principe 20 de la Déclaration de Rio : mieux prendre en compte le point de vue des femmes et de renforcer leur participation à la gouvernance locale et mondiale, puisqu’ils y voient un progrès et une amélioration pour la communauté toute entière.

Quelle est la limite de vos actions ? (Vous heurtez-vous à des barrières ? Si oui lesquelles?)

La limite de nos actions se situe d’abord sur le plan financier : dans le contexte économique actuel, il est très difficile d’obtenir les fonds publics dont nous avons besoin pour mener à bien nos projets de terrain, mais encore plus notre travail de plaidoyer, que nous jugeons pourtant indissociable de l’action locale. La notoriété de WECF n’est pas encore suffisante pour nous permettre de récolter les dons de particuliers, bien que je sois certaine que notre mission parle à beaucoup de gens.

Mais les barrières sont également politiques et sociétales: comme l’explique Sascha Gabizon, notre Directrice Internationale, les contributions économiques des femmes tout comme celles de la nature et des écosystèmes restent largement inaperçues : nos Etats ne les mesurent pas et ne les valorisent pas, puisque le PIB, l’indicateur par excellence, ne prend en compte ni le « care economy » - l’économie domestique, majoritairement féminine et non rémunérée - ni les services rendus par les écosystèmes.

En outre, la défense des droits des femmes, en lien avec la mise en œuvre de vraies politiques de développement durable ne fait pas partie des priorités politiques de tous les états de la planète, loin s’en faut.

Quel est le sujet qui vous tient le plus à cœur en ce moment ?

Tous les sujets sur lesquels WECF travaille me tiennent à cœur, car en réalité ils sont profondément interconnectés… et c’est justement cette vision holistique du développement qui me semble éminemment pertinente chez WECF. Mais je vous parlerai en particulier de deux sujets :

L’agriculture, essentielle à notre survie et pourtant confrontée aujourd’hui à une grave crise économique, sociale et environnementale. C’est ce qui a amené WECF France à lancer, avec un collectif d’acteurs locaux, un projet pour promouvoir l’agriculture locale et durable sur le bassin lémanique. Les difficultés d’accès à la terre et aux financements pour les jeunes, pour la plupart non issus du milieu agricole, nécessitent la mise en place de nouveaux outils d’aide et d’accompagnement professionnel. Ceci doit se faire dans une dans une dynamique territoriale impliquant tous les acteurs : élus, instances officielles, organisations de la profession agricole, paysan(ne(s, citoyen(ne)s et consommateurs.

Nous avons donc mis en place une « couveuse d’activités agricoles », baptisée InitiaTerre,  dont la mission est de permettre à de jeunes porteurs et porteuses de projets de tester la viabilité économique de leur activité « en situation réelle » et dans un cadre économique et juridique sécurisé. La couveuse met à leur disposition un terrain, du matériel agricole, des locaux techniques et un accompagnement professionnel adapté, pour un temps défini (2 à 3 ans), dans le cadre d'un Contrat d'Accompagnement au Projet d'Entreprise.

Le test d’activité comme tremplin avant une installation agricole, est soutenue par le réseau RENETA, dont WECF fait partie. Les femmes seront particulièrement soutenues dans cette structure, car la réalité montre qu’elles ont en général moins accès aux financements dans le monde agricole.

L’autre sujet passionnant que je mentionnerai est lié à l’agriculture et à nos modes d’alimentation : c’est la santé environnementale. WECF France s’implique très fortement dans la sensibilisation du grand public à cette thématique complexe, et dans la formation des professionnels de santé et de la petite enfance. Notre objectif prioritaire est de préserver la santé des populations en réduisant l’exposition des femmes enceintes et des nouveau-nés aux polluants qui sont reconnus comme dangereux.

Nous avons donc conçu et mis en place les programmes « Nesting » et « Ma Maison Ma Santé » pour sensibiliser les jeunes parents, mais aussi les publics des quartiers défavorisés, souvent plus exposés aux polluants. Nous avons choisi une approche résolument participative, sous forme d’ateliers et de groupes de discussion, en incitant les participants à s’impliquer eux-mêmes dans l’élaboration de solutions.

Tout le monde peut s’inscrire à un atelier…ils sont gratuits dans certains cas, ou bien nous avons choisi une participation aux frais réduite (5€) pour ouvrir ces ateliers à un maximum de participants.

Plus d'infos sur Projetnesting.fr / Mamaisonmasante.fr

Et WECF.fr

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