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"Je ne suis pas coupable de quoi que ce soit", l'interview engagée de Gabrielle Deydier

Gabrielle Deydier - Documentaire "On achève bien les gros"
"Je crois qu'il est temps pour les "Gros" de se réapproprier ce terme et de l'assumer."
Manuel Bolaños
Adèle Gireau
Adèle Gireau
Mis à jour le 16 février 2023
S'il fallait définir Gabrielle Deydier en trois mots : ambitieuse, résiliente et engagée. A 39 ans, l'autrice et documentariste enchaîne les projets, animée par sa passion pour l'écriture mais également son combat pour la reconnaissance de la "grossophobie" et des injustices liées à la différence. Dans son reportage "On achève bien les gros", la parisienne littéraire véhicule un message essentiel : s'accepter tel.le que l'on est, et ne plus se cacher derrière des euphémismes.

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"Vous pensez que vous allez regarder un film sur une grosse qui veut perdre du poids. Ben non. Je vais vous raconter comment, lorsque l'on sort de la norme, lorsque l'on déborde, la vie se complique", c'est en toute sincérité, avec une humilité qui crève l'écran, que Gabrielle Deydier, autrice du livre On ne naît pas grosse (éditions de la Goutte d'Or), a co-réalisé cette année son premier documentaire avec la journaliste Valentine Oberti et le réalisateur Laurent Follea.

On achève bien les gros nous met face à la réalité, celle des discriminations que subissent les personnes en surpoids en France. Au travail, sur le marché du logement, dans la vie sociale : quand on sort de la "norme", on est victime de grossophobie (une attitude de discrimination envers les personnes obèses ou en surpoids). C'est ce terme entré dans le Larousse en 2023 que Gabrielle tente, pendant plus de 50 minutes, d'expliquer et d'imager par sa propre histoire. Dans son marathon aux interviews, elle nous a consacré de précieuses minutes d'échange.

FemininBio : Pourquoi avoir tourné le documentaire "On achève bien les gros" ?

Gabrielle Deydier : Mon essai journalistique On ne naît pas grosse est sorti en juin 2017, et à ce moment-là, je savais déjà que je déclinerai la thématique sur plusieurs supports. Fin août de la même année, Valentine Oberti m'a contactée, m'expliquant vouloir faire un documentaire sur moi. J'ai d'abord refusé, et je lui ai dit qu'elle le ferait avec moi, autant pour l'écriture que la co-réalisation.

Jamais je n'aurais accepté d'être le sujet d'un documentaire télé sans avoir la main dessus.

Dans ce documentaire, vous affirmez que le mot "gros" n'est pas une insulte, mais si l'on part du postulat qu'il ne faut pas qualifier une personne par son apparence, cet adjectif déplaît. Comment faire ?

Tout dépend de ce que vous mettez comme intention et intonation sur le mot gros. Dire d'une personne qu'elle est grosse, c'est la même chose que dire d'une personne qu'elle est petite, rousse, élancée. Dire "elle est grosse" c'est descriptif. Dire "sale grosse" c'est une insulte. Dire "Je suis grosse" ce n'est pas se déprécier. C'est appeler un chat un chat.

Je crois qu'il est temps pour les gros de se réapproprier ce terme et de l'assumer. Se cacher derrière des "curvy" "rond" "pulp" c'est au mieux du déni, au pire hypocrite. Je m'appelle Gabrielle, je suis grosse, et ça n'a rien d'insultant ou de péjoratif de l'affirmer.

Le poids d'une personne est souvent remis en cause lorsqu'elle expose des problèmes de santé. Qualifiez-vous cela de grossophobie ?

Tout dépend du contexte. Existe-t-il des comorbidités liées à l'obésité ? Oui ! Est-ce que toutes les pathologies développées par une personne obèse sont liées à son poids ? Non, certainement pas. Il est aussi important de préciser que la plupart des pathologies attribuées à l'obésité sont en réalité des maladies liées à la sédentarité. Le vrai fléau, c'est la sédentarité, et ça ne concerne pas que les personnes obèses.

Si j'ai un diabète de type 2, on va me répondre d'instinct que c'est en raison de mon poids. Hors, si le poids peut augmenter le risque de devenir diabétique, c'est un raisonnement qui se discute car plusieurs autres facteurs sont à prendre en compte, comme le terrain génétique par exemple.

Dans mon cas, je suis atteinte d'un syndrome d'ovaires polykystiques. Les effets secondaires de la maladie sont les mêmes pour les femmes grosses et non-grosses : problème de fertilité, acné, hirsutisme, diabète, etc. On ne peut donc pas attribuer précisément les origines d'une maladie à un problème de poids. Et la grossophobie, c'est faire ce lien direct sans réfléchir aux autres facteurs.

Dans votre documentaire, vous dites être dérangée par certains compliments, comme "vous êtes courageuse". Pourquoi ?

Je suis très mal à l'aise quand on me dit que je suis courageuse. Que l'on me dise que j'ai eu du courage de parler publiquement de mes troubles du comportement alimentaire (TCA), je peux comprendre car il s'agit là d'une grande souffrance psychique. Mais me dire que je suis courageuse de m'exposer, de me mettre en maillot, je trouve ça absurde. Je n'ai pas à être courageuse de montrer mon corps. Je n'ai rien à assumer car je ne suis pas coupable de quoi que ce soit. Je vis.

Finalement, comment banaliser le terme de "grossophobie" selon vous ?

En engageant la discussion, en débattant, en enquêtant, en travaillant sur le sujet, on banalisera ce terme. Plus on l'utilisera, plus il entrera dans le langage courant.

Gabrielle Deydier est l'autrice du livre On ne naît pas grosse, paru aux éditions de la Goutte d'Or, ainsi que du documentaire On achève bien les gros, produit par Bangumi.

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