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Arun Gandhi : le maître de la sagesse

Pour Arun Gandhi, la non-violence est le chemin de la paix.
Dimitri Katsomytis
Anne Ghesquière
Anne Ghesquière
Mis à jour le 25 février 2021
Né en Afrique du Sud, pendant l'apartheid, Arun Gandhi a été marqué par le climat de violence qui régnait dans le pays. À l’adolescence, ses parents décident de l'envoyer en Inde auprès de son grand-père, le mahatma Gandhi, pour le détourner du chemin violent dans lequel il s’engageait.

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Que vous a enseigné votre grand-père ?
Il m'a appris à gérer la colère qui m'habitait. Il disait qu'elle était comme l'électricité : puissante et utile si on l'utilise intelligemment, mais mortelle et destructive si on en abuse. Mon grand-père m'a conseillé de tenir un "journal de colère" : au lieu de dire ou faire quelque chose que j'aurais pu regretter par la suite, je devais écrire dans mon cahier, avec l'intention de trouver une solution au problème. C'est là tout l'intérêt de l'exercice, car cela permet d'être constructif. Mais il faut un mental fort. C'est l'autre enseignement de mon grand-père : prendre le contrôle de mon esprit. Pour cela, il me laissait face à un joli objet sur lequel je devais porter toute mon attention pendant une minute. Ensuite, je fermais les yeux et je devais voir combien de temps j'étais capable de garder cette image à l'esprit. Au début, l'image s'évanouissait tout de suite, puis j'ai progressé. Je pense que ces deux leçons sont toujours d'actualité, car selon les experts 80 % de la violence que nous exerçons est liée à la colère.

Pourquoi l'Homme est-il en colère ?
La colère est comme un carburant. C'est la force qui motive et qui nous rend capable de faire des choses. Ce qui ne va pas, c'est qu'on ne sait pas gérer cette force et qu'on en abuse.

Vous êtes-vous libéré de la colère ?
Personne n'est totalement libre de colère. Mais je peux dire qu'aujourd'hui je n'agis pas de façon irraisonnée et stupide. Je m'arrête à temps et j'essaye de trouver une solution constructive. C'est une compétence que l'on développe tout au long de la vie, car chaque jour apporte de nouveaux challenges.

Faites-vous la différence entre non-violence et paix?
La non-violence est le chemin vers la paix. Si on ne pratique pas la non-violence, il ne peut pas y avoir de paix. Nous vivons globalement dans un monde en paix et pourtant, nous vivons dans la violence verbale, économique, écologique… Un jour, j'avais jeté un crayon usé car j'en voulais un nouveau. Lorsqu'il l'a su, mon grand-père m'a envoyé le chercher. J'ai fini par le trouver et je lui ai rapporté. Alors, il m'a dit "Maintenant, je vais t'apprendre deux choses. La première, c'est que pour construire toute chose, même la plus petite comme un crayon, on utilise les ressources naturelles de la planète. Lorsqu'on jette ces choses, on jette les ressources de la planète. C'est une violence contre la nature. La seconde leçon, c'est que dans notre société, on sur-consomme les ressources de la planète en achetant trop. On prive donc d'autres personnes de ces ressources naturelles, et ça, c'est une violence contre l'humanité". C'est ainsi que j'ai réalisé la portée de tous nos petits gestes du quotidien.

C'est ce que vous entendez par "violence passive"?
Oui. Au quotidien, nous blessons les gens directement ou indirectement, par nos actions ou nos inactions. Les discriminations et les pressions que nous pouvons exercer sur autrui sont des exemples de violence passive. Dans les sociétés modernes, ces violences passives sont omniprésentes. Ce qui est grave, c'est qu'une personne victime de violence passive va répéter cette agression sur d'autres. Aujourd'hui, la violence non physique croît de façon exponentielle. Cela crée de la colère, qui se déverse par la violence, souvent physique. Chaque soir avant de m'endormir, je repense à ma journée en me demandant si je serais blessé, physiquement ou indirectement, si quelqu'un d'autre c'était comporté comme je me suis comporté. Si nous ne voulons plus de violence, nous devons changer nos actes. Si nous ne changeons pas, si nous ne voyons pas nos faiblesses, si nous n'avons pas conscience de nos comportements dans la société, nous n'aurons jamais la paix dans ce monde.

Pensez-vous que l'on peut aller à l'inverse vers la "paix passive" en envoyant de la lumière par exemple?​
On peut transformer le monde en envoyant de l'espoir, en partageant de l'amour, en priant. Nous sommes humains, nous sommes nés pour nous aimer les uns les autres, et non pour nous battre et nous entretuer. De nombreuses cultures considèrent que nous sommes tous reliés et interdépendants. Si quelqu'un a des difficultés, la communauté est là pour l'aider. Ces communautés amènent à une meilleure compréhension de l'autre et à la paix. Aujourd'hui, nos motivations à nous mettre en relation avec les autres sont égoïstes et calculatrices. Pourtant, ce qui devrait compter, c'est le respect, la compréhension, l'acceptation et l'appréciation.

Pourquoi insistez-vous sur l’importance d'être capable de se juger, n'est-ce pas culpabilisant ?
Si nous ne nous jugeons pas, nous ne serons jamais vrais. La vie, c'est grandir pour devenir des personnes meilleures. Faire une introspection permet de trouver quelles sont nos faiblesses pour les transformer en forces. Si vous regardez la vie de Gandhi ou de Martin Luther King, ils ont commencé en étant comme vous et moi. Mais ils se sont engagés à devenir meilleurs et ont beaucoup travaillé sur eux-mêmes. À chacun de nous d'avancer à son niveau.

Quel est le but de notre vie ?
Nous sommes sur Terre pour vivre une vie qui ne nous profite pas seulement à nous, mais qui enrichit ceux qui nous entourent, d'un point de vue moral et non matériel. Jésus est un bel exemple. Lorsqu'il a commencé sa mission, il n'a pas réfléchi à combien de personnes allaient le suivre. Il a fait ce qu'il pensait être juste. Et regardez ce qui s'est passé : des milliards de personnes l'ont suivi à travers le monde jusqu'à aujourd'hui. De nos jours, nous sommes trop attachés aux choses matérielles et aux résultats. Si on se focalise sur les résultats, on ne fait plus rien.

Comment se détacher de cette attention pour les résultats ?
L'important n'est pas le résultat, mais ce que vous pensez qu'il est juste de faire. Vous découvrirez alors que la plupart du temps vous êtes en train d'enrichir les gens autour de vous. Si cela ne marche pas, être capable d'accepter ses erreurs permet de progresser et de faire mieux la fois d'après.

Et comment gérer notre ego ?
Compassion et humilité sont les seules façons de le contrôler. Nous devons accepter que nous pouvons nous tromper et nous corriger. C'est un travail à faire au quotidien, mais rien n'est impossible.

Vous transmettez un message de non-violence autour du monde. Quel est votre espoir ?
Je pense être un fermier de la paix : je plante des graines de paix à travers le monde et j'attends que ça pousse. J'espère et je prie pour que ces graines germent et que des foules entières soient animées par la paix. J'aimerais que le monde apprenne les leçons que les grands hommes nous ont transmises. Nous pourrons ainsi changer notre façon d'être et construire un monde meilleur.

L'humanité est-elle à un tournant de son histoire ?
Oui, car partout où je vais, je vois que les gens sont perturbés par l'augmentation de la violence dans le monde, dans leur société. Ils cherchent des réponses. Je suis surtout surpris par les jeunes, qui sont très demandeurs de changements.

Est-ce une forme de non-violence que d'être attentif à ce que l'on mange ?
Manger bio et sain est positif. Mais je ne suis pas convaincu qu'être végétarien nous rende automatiquement non violent. Je vois beaucoup de végétariens très stricts et donc très violents. À l'inverse, je rencontre de nombreuses personnes qui mangent de la viande et qui sont pleinement dans la compassion. Par contre, il est vrai que les animaux ne sont pas traités comme des êtres vivants aujourd'hui.

Pensez-vous que les femmes ont un rôle particulier à jouer ?
Elles ont un rôle essentiel car elles ont une plus grande capacité à vivre la compassion que les hommes. Si elles pouvaient projeter cette compassion et cet amour, si tous les gouvernements du monde étaient féminins, le monde serait bien plus beau. Les hommes ont fait de la Terre une place violente et agressive. J'aimerais que les femmes puissent nous montrer un monde meilleur.

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